Auditrices et auditeurs
qui m’écoutez, bonjour. Comme le disait judicieusement le maestro Dacapo, chef
de l’orchestre de chambre de Bonn, « en musique, même le silence est
signifiant ». Et Sacha Guitry ajoutait : « Ô
privilège du génie ! Lorsqu'on vient d'entendre un morceau de Mozart, le
silence qui lui succède est encore de lui. »
Car
le silence, outre qu’il est la page blanche sur laquelle vient s’ébattre la
musique, est le temps des respirations et des pauses, il est passage du souffle
céleste, il est fécond de tous les possibles.
Mais
n’est pas Mozart qui veut, j’en suis bien conscient. Mort à trente-cinq ans il
avait exploré un nombre incalculable de silences qu’il avait harmonieusement
peuplé de notes géniales. Il n’est en effet pas donné à tout le monde de savoir
exploiter le silence avec à-propos.
Prenons un exemple : lorsque j’entrai en
France ainsi que sur le marché du travail, je constatai qu’il y avait deux
sortes d’actifs : il y avait ceux qui parlaient et ceux qui travaillaient.
A l’époque, comme je n’avais guère la parole facile, je n’eus pas le choix et
je me mis à travailler, attendant des jours plus favorables pour placer
quelques mots. Les choses n’ont guère changé depuis et notre président tout
neuf semble avoir fait son choix, lui aussi, se préoccupant de meubler le
silence par moult balivernes qui font jacasser le microcosme médiatique.
Ah ! La Vème
république a été bien décriée mais sa constitution a permis à ses premiers
présidents de laisser jacasser les ministres, premiers ou non, et de parler
avec la parcimonie qui sied à cette fonction. Si l’on cite si souvent Charles
De Gaulle, c’est que, sans s’exprimer à tort et à travers, il a su placer sa pensée
à bon escient. Un homme qui a écrit des « Mémoires d’espoir » a su
faire usage du passé pour entrer dans le futur avec une parole rare et précieuse.
Après lui, Georges Pompidou récusa d’une phrase les perfidies en glissant
simplement qu’il disposait d’une inépuisable réserve de mépris, laissant ainsi
ses détracteurs terrassés par son silence. Valéry Giscard, malgré ses
fantaisies accordéonesques et ses œufs brouillés, a su aussi garder la hauteur
et la réserve nécessaire, même après sa défaite de 81.Et que dire de François
Mitterrand, sinon qu’il a su peupler de silences et de non-dits ses deux
septennats, soufflant sur la paille et le grain, endossant avec brio le costume
de ce Coup d’état permanent qu’il
avait décrié. Puis vint Jacques Chirac qui, après bien des hauts et des bas,
enfila lui aussi avec prestance les habits de président, gardant pour le « off » ses commentaires
hardis et laissant blablater ses ministres.
Depuis, il semble que le
vêtement de président soit devenu un peu large pour les pieds-nickelés qui
suivirent, Nicolas Sarkozy pour qui le silence était un angoissant désert mais
qui a su le pratiquer après sa défaite, soyons lui en reconnaissant. François
Hollande, remake du calendrier Petit-Farceur et de l’almanach Vermot, n’a été
réduit au silence que pour passer la parole à Emmanuel Macron qui semble en
bonne voie, lui aussi, pour occuper sans vergogne ni réserve tous les silences
qu’on lui offrira. Bien galvaudée, la parole présidentielle se répand à tout
va, faisant le buzz au niveau des brèves de comptoir.
On voit par-là que si la
parole est d’argent, notre président s’en contente car tout ce qui crie n’est
pas or.
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