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dimanche 12 novembre 2017

Chronique de Serres et d’ailleurs III (9)



Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Comme le disait judicieusement le maestro Dacapo, chef de l’orchestre de chambre de Bonn, « en musique, même le silence est signifiant ». Et Sacha Guitry ajoutait : « Ô privilège du génie ! Lorsqu'on vient d'entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui. »
Car le silence, outre qu’il est la page blanche sur laquelle vient s’ébattre la musique, est le temps des respirations et des pauses, il est passage du souffle céleste, il est fécond de tous les possibles.
Mais n’est pas Mozart qui veut, j’en suis bien conscient. Mort à trente-cinq ans il avait exploré un nombre incalculable de silences qu’il avait harmonieusement peuplé de notes géniales. Il n’est en effet pas donné à tout le monde de savoir exploiter le silence avec à-propos.
 Prenons un exemple : lorsque j’entrai en France ainsi que sur le marché du travail, je constatai qu’il y avait deux sortes d’actifs : il y avait ceux qui parlaient et ceux qui travaillaient. A l’époque, comme je n’avais guère la parole facile, je n’eus pas le choix et je me mis à travailler, attendant des jours plus favorables pour placer quelques mots. Les choses n’ont guère changé depuis et notre président tout neuf semble avoir fait son choix, lui aussi, se préoccupant de meubler le silence par moult balivernes qui font jacasser le microcosme médiatique.
Ah ! La Vème république a été bien décriée mais sa constitution a permis à ses premiers présidents de laisser jacasser les ministres, premiers ou non, et de parler avec la parcimonie qui sied à cette fonction. Si l’on cite si souvent Charles De Gaulle, c’est que, sans s’exprimer à tort et à travers, il a su placer sa pensée à bon escient. Un homme qui a écrit des « Mémoires d’espoir » a su faire usage du passé pour entrer dans le futur avec une parole rare et précieuse. Après lui, Georges Pompidou récusa d’une phrase les perfidies en glissant simplement qu’il disposait d’une inépuisable réserve de mépris, laissant ainsi ses détracteurs terrassés par son silence. Valéry Giscard, malgré ses fantaisies accordéonesques et ses œufs brouillés, a su aussi garder la hauteur et la réserve nécessaire, même après sa défaite de 81.Et que dire de François Mitterrand, sinon qu’il a su peupler de silences et de non-dits ses deux septennats, soufflant sur la paille et le grain, endossant avec brio le costume de ce Coup d’état permanent qu’il avait décrié. Puis vint Jacques Chirac qui, après bien des hauts et des bas, enfila lui aussi avec prestance les habits de président, gardant pour le « off » ses commentaires hardis et laissant blablater ses ministres.
Depuis, il semble que le vêtement de président soit devenu un peu large pour les pieds-nickelés qui suivirent, Nicolas Sarkozy pour qui le silence était un angoissant désert mais qui a su le pratiquer après sa défaite, soyons lui en reconnaissant. François Hollande, remake du calendrier Petit-Farceur et de l’almanach Vermot, n’a été réduit au silence que pour passer la parole à Emmanuel Macron qui semble en bonne voie, lui aussi, pour occuper sans vergogne ni réserve tous les silences qu’on lui offrira. Bien galvaudée, la parole présidentielle se répand à tout va, faisant le buzz au niveau des brèves de comptoir.
On voit par-là que si la parole est d’argent, notre président s’en contente car tout ce qui crie n’est pas or.

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