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dimanche 1 avril 2018

Chronique de Serres et d’ailleurs III (27)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Il y a peu, il a été question de Jacques Sadoul, écrivain, anthologiste et directeur de collection, décédé en 2013. Il habitait à Fals et a écrit, parmi bien d’autres choses, une suite fantastique dont une partie de l’action se situe dans cette région astaffortaise qui lui était chère. Je vais vous en citer un extrait : « Sans doute connaissez-vous les coteaux gascons qui bordent la vallée de la Garonne, enserrant ses multiples beautés d’un paysage plus austère. Ses antiques routes romaines courent de crête en crête, indifférentes aux régions qu’elles traversent. L’étranger n’emprunte que contraint et forcé ces voies d’un autre âge et seuls quelques passionnés d’histoire ancienne ou d’archéologie s’y aventurent parfois. Il est un lieu cependant que le voyageur, même au soir d’une longue étape, préfère éviter. Là le Gers sinueux poursuit son cours tranquille dans des méandres paresseux ; là, coteaux de l’Armagnac et plaine agenaise se confondent. D’aucuns croient trouver l’explication de ce phénomène dans l’atmosphère lourde et orageuse qui y stagne en tous moments. L’air y semble plus dense que partout ailleurs, comme chargé d’effluves électriques, mais, en dépit de cet orage latent qui alourdit les membres et excite les nerfs, la pluie ne tombe jamais et la terre craquelée n’est pas sans évoquer un paysage lunaire. Entre les coteaux de F., les méandres du Gers et le village d’A., s’étend le domaine de R., celui-là même où dès le haut Moyen Age se livrèrent, dit-on, tant de sacrilèges sorcelleries. Dans le pays, on évite d’en parler, on se dérobe aux questions des curieux. »
Vous aurez reconnu ces deux dernières phrases et toute cette citation est issue de la trilogie de Jacques Sadoul intitulée ‘Le domaine de R. », ce passage étant extrait du premier tome, intitulé « La passion selon Satan », le second étant « Le jardin de la licorne » et le troisième « Les Hautes Terres du rêve ». Tout un  programme pour une trilogie féerique ciselée par un orfèvre du fantastique. En effet, Jacques Sadoul, originaire d’Agen et ensuite fixé à Fals habitait cette merveilleuse petite commune qui s’accroche sur les collines surplombant le Gers avant qu’il n’aille se jetter dans la Garonne. Petite commune magique ou miraculeuse pour avoir eu comme habitant un écrivain aussi inspiré que Sadoul dont l’imagination féconde a plongé les lieux dans le légendaire et le fabuleux. En 2013, je me trouvais un soir dans une vieille demeure isolée et déserte du Quercy où des fantômes irréels m’assaillaient de leurs apparitions maléfiques lorsque son livre apparut entre mes mains moites et tremblantes. Je dus m’y plonger sans m’arrêter, passant la nuit dans un long couloir glacé et patibulaire, à la lueur d’une maigre ampoule menaçant à tout instant de rendre l’âme. A cinq heures du matin, je m’en revins chez moi, transi mais ébloui, épuisé mais pris d’une fièvre hallucinée. Je me jetai sur mon lit, dormant d’un étourdissement proche du coma. Je passai la journée suivante comme l’ombre d’un mort-vivant. La nuit d’après je dormis d’un sommeil de plomb et, au matin, je me retrouvai dès potron-jacquet à Cuq, au pied de l’église, pour suivre la randonnée qui passe sous les mythiques frondaisons du domaine de R. Je ne voulais pas perdre une bouffée de l’atmosphère qui régnait en ces lieux. Furtif promeneur, j’ignorais que Jacques Sadoul vivait ses derniers instants dans ce domaine, j’aurais tant aimé le rencontrer, nous nous serions salués comme si nous attendions depuis toujours ce moment.
On voit par-là que de belles rencontres tiendraient à peu de chose.

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