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jeudi 26 avril 2018

René-la-Science (99)



— C’est possible, mais malheureusement tu es toujours là… non, fort heureusement ! Dis-je en esquivant cette fois une main menaçante.
Ce fut, ma foi, un séjour fort agréable, Sylvie repartit le dimanche matin avec les yeux quelque peu marqués de fatigue et je me reposai le reste de la journée.
On se lasse des meilleures choses et Sylvie ne fit pas exception. Elle revint de temps en temps, mais finit par se lasser de toutes mes ineffables qualités. Sans doute se trouva-t-elle un amant moins tolérant, plus exigeant, mais en définitive et paradoxalement plus prévisible que moi. Nos relations s’espacèrent si vite qu’on ne saurait dire si elles s’arrêtèrent ou si elles avaient à peine commencé.
Il en fut de même avec mon ami René, il sembla se lasser de moi aussi ou bien peut-être eut-il de plus en plus de difficulté à me parler de lui et de sa vie.
C’est Magali qui reprit le plus le contact avec moi. Je dis qu’elle reprit le contact car elle épousa en effet Michel et fit pour lui tout ce qu’elle put pour l’aider. J’avais été sollicité comme témoin, mais je dus décliner cette offre pour des raisons impérieuses, dirons-nous.
Michel était arrivé à son maximum le jour où René nous avait dansé le ballet du tonton flingueur. Il n’évoluera plus ensuite. Quelques années passèrent et il décéda brutalement d’une embolie pulmonaire. Magali et René étaient devenus amants peu après que je sois reparti pour le Lot-et-Garonne. Ce qui fut un peu moche, c’est que René laissa tomber assez cavalièrement Colette. Et c’est entre autres par Colette que je sus tout cela. En fait, René et Magali vivaient la belle vie avec le magot du Gaby, ils étaient mariés maintenant. Mais pour cette occasion, je ne fus pas invité.
Et c’est ainsi que l’on perd ses meilleurs amis.

Fortunio, le 21 décembre 2010





Epilogue

J’avais juste terminé d’écrire cette anamnèse lorsque je reçus une convocation de la Gendarmerie de mon village, m’invitant à me rendre en leurs locaux pour une affaire me concernant. Ignorant pour quelles raisons j’étais convoqué, je tombai des nues lorsque ceux-ci m’interrogèrent au sujet de la découverte d’un squelette dans la cave sous le château de Montieu. Je déposai donc de la manière la plus évasive que je pus, me contentant de parler de mon petit chantier dans la cuisine du château. Les enquêteurs n’insistèrent pas et je tentai, après être sorti de la gendarmerie, d’appeler Sylvie. Elle avait certainement changé de téléphone et de numéro depuis tout ce temps car il me fut répondu que ce numéro n’était pas attribué. Je tentai ensuite d’appeler Colette avec le même insuccès. Je me résolus donc d’appeler au magasin. Ce fut une jeune femme qui me répondit que Madame Fauchet avait du s’absenter mais serait de retour dans une heure. Je demandai si elle était Esther Fauchet. En effet c’était elle et je me présentai en tant que Fortunio. En entendant mon surnom, elle me dit que sa mère me rappellerait certainement elle-même avec plaisir et cette réponse me fit chaud au coeur. En effet, Sylvie m’appela assez vite après et nous eûmes une longue conversation que je me contenterai de résumer ici. Le projet de Monsieur de Montieu n’avait jamais abouti et le château était resté un peu à l’abandon. Devenu âgé, il céda le château à un de ses neveux par alliance. Celui-ci avait une belle fortune personnelle, avait repris le projet et les travaux avaient démarré. Dès les premiers travaux, les ouvriers découvrirent l’accès au souterrain et le squelette. Après avoir tergiversé, le nouveau propriétaire déclara la trouvaille à la mairie et le maire informa les gendarmes qui constatèrent eux aussi une mort par balles. J’avais été convoqué en tant que faisant partie des derniers qui avaient travaillé non loin de l’accès au souterrain. Roger Fauchet a été, lui aussi, interrogé car il avait eu une clé en sa possession. Mais comme il n’a plus toute sa tête, les gendarmes n’ont rien pu en sortir. Le squelette a été identifié comme étant celui d’un jeune de la région qui ne faisait pas partie du groupe de maquisards et à son sujet plane un doute : était-il résistant, milicien ou tout simplement mouchard ? La Préfecture a tranché, ce jeune homme aura lui aussi son nom, à titre posthume comme il se doit, sur le monument aux morts.
Paix à ses cendres et honneur à sa famille !

Fortunio, le 21 janvier 2011.


FIN

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