— C’est possible, mais
malheureusement tu es toujours là… non, fort heureusement ! Dis-je en esquivant
cette fois une main menaçante.
Ce fut, ma foi, un séjour
fort agréable, Sylvie repartit le dimanche matin avec les yeux quelque peu
marqués de fatigue et je me reposai le reste de la journée.
On se lasse des
meilleures choses et Sylvie ne fit pas exception. Elle revint de temps en
temps, mais finit par se lasser de toutes mes ineffables qualités. Sans doute
se trouva-t-elle un amant moins tolérant, plus exigeant, mais en définitive et
paradoxalement plus prévisible que moi. Nos relations s’espacèrent si vite
qu’on ne saurait dire si elles s’arrêtèrent ou si elles avaient à peine
commencé.
Il en fut de même avec
mon ami René, il sembla se lasser de moi aussi ou bien peut-être eut-il de plus
en plus de difficulté à me parler de lui et de sa vie.
C’est Magali qui reprit
le plus le contact avec moi. Je dis qu’elle reprit le contact car elle épousa
en effet Michel et fit pour lui tout ce qu’elle put pour l’aider. J’avais été sollicité
comme témoin, mais je dus décliner cette offre pour des raisons impérieuses,
dirons-nous.
Michel était arrivé à son
maximum le jour où René nous avait dansé le ballet du tonton flingueur. Il
n’évoluera plus ensuite. Quelques années passèrent et il décéda brutalement
d’une embolie pulmonaire. Magali et René étaient devenus amants peu après que
je sois reparti pour le Lot-et-Garonne. Ce qui fut un peu moche, c’est que René
laissa tomber assez cavalièrement Colette. Et c’est entre autres par Colette
que je sus tout cela. En fait, René et Magali vivaient la belle vie avec le
magot du Gaby, ils étaient mariés maintenant. Mais pour cette occasion, je ne
fus pas invité.
Et c’est ainsi que l’on
perd ses meilleurs amis.
Fortunio, le 21 décembre 2010
Epilogue
J’avais juste terminé
d’écrire cette anamnèse lorsque je reçus une convocation de la Gendarmerie de
mon village, m’invitant à me rendre en leurs locaux pour une affaire me concernant.
Ignorant pour quelles raisons j’étais convoqué, je tombai des nues lorsque
ceux-ci m’interrogèrent au sujet de la découverte d’un squelette dans la cave
sous le château de Montieu. Je déposai donc de la manière la plus évasive que
je pus, me contentant de parler de mon petit chantier dans la cuisine du
château. Les enquêteurs n’insistèrent pas et je tentai, après être sorti de la
gendarmerie, d’appeler Sylvie. Elle avait certainement changé de téléphone et
de numéro depuis tout ce temps car il me fut répondu que ce numéro n’était pas
attribué. Je tentai ensuite d’appeler Colette avec le même insuccès. Je me résolus
donc d’appeler au magasin. Ce fut une jeune femme qui me répondit que Madame
Fauchet avait du s’absenter mais serait de retour dans une heure. Je demandai si
elle était Esther Fauchet. En effet c’était elle et je me présentai en tant que
Fortunio. En entendant mon surnom, elle me dit que sa mère me rappellerait
certainement elle-même avec plaisir et cette réponse me fit chaud au coeur. En
effet, Sylvie m’appela assez vite après et nous eûmes une longue conversation
que je me contenterai de résumer ici. Le projet de Monsieur de Montieu n’avait jamais
abouti et le château était resté un peu à l’abandon. Devenu âgé, il céda le
château à un de ses neveux par alliance. Celui-ci avait une belle fortune
personnelle, avait repris le projet et les travaux avaient démarré. Dès les premiers
travaux, les ouvriers découvrirent l’accès au souterrain et le squelette. Après
avoir tergiversé, le nouveau propriétaire déclara la trouvaille à la mairie et
le maire informa les gendarmes qui constatèrent eux aussi une mort par balles.
J’avais été convoqué en tant que faisant partie des derniers qui avaient
travaillé non loin de l’accès au souterrain. Roger Fauchet a été, lui aussi,
interrogé car il avait eu une clé en sa possession. Mais comme il n’a plus toute
sa tête, les gendarmes n’ont rien pu en sortir. Le squelette a été identifié
comme étant celui d’un jeune de la région qui ne faisait pas partie du groupe
de maquisards et à son sujet plane un doute : était-il résistant, milicien ou tout
simplement mouchard ? La Préfecture a tranché, ce jeune homme aura lui aussi
son nom, à titre posthume comme il se doit, sur le monument aux morts.
Paix à ses cendres et
honneur à sa famille !
Fortunio, le 21 janvier
2011.
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