Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. « Sic transit gloria mundi »,
ainsi passe la gloire du monde, dit une locution latine remontant à la plus
haute antiquité et bien plus tard redescendue vers la plus basse modernité.
S’il est une chose particulièrement difficile, c’est de passer à la postérité de
manière durable et, dans une de mes premières chroniques, j’expliquais que,
pour le quidam ordinaire, comme vous et moi si je puis dire, la Poste a
toujours quelques ressources pour nous aider à prolonger l’avenir de nos
œuvres. Mais pour ce qui est du quidam alpha ou oméga, à savoir la personnalité
en vue, l’écrivain de renom, l’homme politique d’envergure, l’artiste de génie,
les choses sont bien différentes et il ne manque pas d’institutions ou
d’édifices pour graver leurs noms dans le marbre, il ne manque pas de place
dans divers panthéons prêts à les accueillir. Sans oublier une quarantaine
d’écrivains officiels auxquels l’immortalité est dévolue de leur vivant. Voilà
un tour de force bien de chez nous que nous envie le reste de l’humanité.
Mais tous les écrivains, même français, ne
jouissent pas de ce privilège et, pour nombre d’entre nous, le début d’une gloire posthume pourrait bien être de
retrouver, par exemple, ses propres ouvrages dans quelque carton sur une
brocante ou un vide-grenier, preuve que l’on peut côtoyer Dostoïevski ou
Montaigne sans peine. Et, mais ce n’est pas pour me vanter, j’ai même eu
l’émotion d’apprendre par quelqu’un de mes lecteurs qu’un web dictionnaire me
faisait l’honneur de citer un de mes opus à titre d’exemple. Evidemment, le mot
pour lequel cette citation a été utilisée n’est pas des plus glorieux puisqu’il
s’agit du mot « connaud », mais on fait ce qu’on peut, on n’est pas
des bleus. De même, j’ai pu constater que mon premier roman dont le prix, fixé
par l’éditeur, était de 26 Euros - ce qui n’est pas rien tout de même ! –
était en vente sur un site international au prix faramineux de 72 Euros. Le
vendeur étant une librairie dont le siège est au Texas, j’ose espérer que
quelque studio Hollywoodien s’emparera du sujet pour en faire un film.
Mais trêve de nombrilisme et revenons à
l’éphémère célébrité dont peut se targuer le citoyen lambda ou le littérateur
injustement méconnu. Car c’est bien le propre du littérateur méconnu que de
l’être injustement et donc de gagner à être connu. Car, si l’humain ne survit
pas, son œuvre ou tout au moins le support de son œuvre subsiste. Et c’est ici
que je reviens à parler de vide-grenier car, me promenant un jour à la foire au
matériel agricole de Montaigu-de-Quercy, je m’avisai d’un vide-grenier organisé
en marge de cette foire et j’y portai mes pas. Je suis plutôt du genre curieux
et, pour tout dire, économe. Or, s’il est un produit que l’on trouve à vil prix
sur le marché de l’occasion, c’est bien le livre. Ou en tout cas le roman et
les collections de poche et c’est vraiment là l’occasion de découvrir, au
hasard des étals, des œuvres méconnues. Une jeune vendeuse proposait ainsi une
caisse à trois livres pour un euros et mon choix se porta aussitôt sur l’intégrale
des paroles des chansons de Jacques Brel. Il me fallait donc trouver deux
autres bouquins et je trouvai le roman d’un auteur norvégien et donc assez
étrange. J’hésitai longtemps pour le troisième mais il ne restait que quelques
livres qui furent, en leur temps, en tête de gondole lorsque je tombai sur un
petit roman de monsieur Ono-dit-Biot, chroniqueur sur France-Culture. Par
snobisme viscéral, je choisis ce livre et réglai mon Euro avec magnanimité. En l’ouvrant
j’y trouvai une dédicace, non de l’auteur mais de celui qui avait offert le
livre, apparemment un amoureux à sa belle. Il faisait rimer amour avec
toujours, dans une touchante tendresse. Je fus ému à la pensée que ce livre,
publié trois ans plus tôt et donc offert peu après était déjà mis au rebut par
sa destinataire.
On voit par-là que sic transit amor aeternus. Ainsi passe l’amour éternel.
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