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jeudi 23 août 2018

Le temps de l'éternité (17)


-          Pas si vite, pas si vite, nous y arriverons. Le projet de récital semblait donc fort compromis. Etienne était sens dessus dessous, il ne savait pas où il en était. Il pensait que Diane ne reviendrait pas et il prit la décision de lui écrire pour lui dire qu’il l’aimait et voulait absolument la revoir : soit elle revenait à La Furetière, soit il se rendait à Paris. Son courrier arriva chez Diane, à Paris. Elle venait d’accepter de prendre en main l’organisation du concert. Elle ne pouvait plus reculer, il avait été décidé avec les époux Vinié qu’elle reviendrait à La Furetière en même temps qu’eux. Diane avait vraiment apprécié son séjour, malgré le différend qui avait opposé Etienne aux deux autres. Elle se sentait des affinités très fortes avec Etienne, de l’amitié peut-être, mais pas de l’amour. Elle répondit à Etienne par retour et tout cela, elle le lui dit dans sa lettre. Elle revint avec les Vinié, Etienne se mit en quatre pour les accueillir et le projet redémarra. Diane avait eu l’occasion de voir Etienne un moment en tête à tête pour éviter tout malentendu. Etienne l’assura qu’il la seconderait au mieux et s’engagea à faire taire ses sentiments jusqu’à la représentation. Diane se sentait à l’aise dans ce rôle d’organisatrice, avec à ses côtés son chevalier-servant. Tout se passa bien, l’organisation fut parfaite, le temps favorable et la prestation de la cantatrice, sans être exceptionnelle, fut de grande qualité. Pour Diane, la fin de la représentation marquait la fin d’une tension très forte, elle n’avait jamais organisé un spectacle, de plus en plein air, avec tous les imprévus possibles. Cette réussite la rendait euphorique et Etienne sut en profiter le soir même. Il la reconduisit à sa chambre et elle n’eut pas le désir de le repousser. Ils passèrent la nuit ensemble. Diane tenta bien de se soustraire le lendemain à ses assiduités, elle reprit le chemin de Paris, mais Etienne était obstiné. Il vint à Paris, suppliant, cajolant, presque menaçant parfois. Et il finit par avoir gain de cause. Diane accepta de l’épouser, de le suivre dans son domaine de Bourgnazan et d’abandonner son métier de créatrice de décors. Elle se mit à la peinture et trouva un certain bonheur dans cette vie retirée à la campagne. Mais sa santé se dégrada et ils durent envisager de quitter La Furetière. Diane, sur le conseil des médecins, faisait de longs séjours sur la côte basque. Ils avaient trouvé une maison qui leur plaisait dans cette région, mais ils ne pouvaient assumer les frais d’entretien d’une maison et d’une propriété comme La Furetière. Etienne avait été approché par un négociant agenais qui était intéressé par le domaine, mais la vente restait soumise à l’accord d’Emilienne. Et celle-ci refusait de laisser vendre La Furetière.
-          Et Etienne est allé la voir à Nantes ? demanda Pijm.
-          Oui, mais seulement parce qu’il avait découvert le secret d’Emilienne, ce secret si bien gardé, mais dont Etienne a pris connaissance un peu par hasard. En effet, ni Anna ni Emilienne n’avaient jamais parlé de quoi que ce soit. Ce qui avait pu se dire entre elles, nul ne le sait : Anna avait eu un enfant et Emilienne s’était durement vengée de ce que lui avait fait subir Anna. Mais rien n’avait filtré. Sauf…
-          Sauf quoi ?
-          La cantine de Raymond était arrivée, expédiée depuis l’Algérie, bien après le décès de Raymond. Et cette cantine fut montée directement dans le grenier, sans être jamais ouverte. Longtemps plus tard, Etienne voulut mettre de l’ordre dans ce grenier, espérant un jour pouvoir vendre le domaine. Il avait fait descendre la cantine dans son bureau et il se mit en devoir de l’inventorier. Parmi une foule de choses qui lui parurent sans intérêt, il trouva des lettres d’Emilienne à son frère. Ces lettres ne laissaient aucun doute sur l’identité du père d’André 2. Emilienne suppliait son frère de revenir car lui seul, pensait-elle, pourrait l’aider à reprendre son enfant. André 2 donc était le fruit de l’inceste, Emilienne aimait son frère et voulait avoir son enfant pour elle. Raymond ne répondit pas aux lettres d’Emilienne, mais il n’emporta pas non plus le secret dans sa tombe : les lettres étaient trop explicites pour qu’Etienne eût aucun doute. Il alla voir Emilienne et lui dit : « tu es ma grand-mère, agis en tant que grand-mère, laisse-moi ma liberté de vendre La Furetière. Je ne garderai pas tes lettres, je te les rendrai ou je les détruirai, comme tu le voudras. ». Terriblement émue, Emilienne autorisa Etienne à faire comme il l’entendait.
-        Et il a vendu La Furetière ?
(à suivre...)

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