Auditrices et auditeurs qui m’écoutez,
bonjour. Loin des commémorations et autres festivités officielles, je voudrais
néanmoins, une fois encore, rappeler la mémoire d’un grand artiste qui mourut
en 1918, lui aussi, de la grippe espagnole. Il faut dire que c’était une époque
où l’on n’avait pas encore découvert que les vaccins pouvaient enrichir nos
hautes sphères médico-sociales.
Je vous parlerai donc d’un écrivain
flamboyant, homme de théâtre, dramaturge et même académicien, à savoir Edmond
Rostand. Le souvenir du merveilleux auteur de Chantecler, de l’Aiglon et de
Cyrano de Bergerac garnit encore souvent nos conversations et je reconnais
personnellement lui devoir certaines citations. Comme elles sont bien souvent
entrées dans notre langage commun, je n’ai pas voulu alourdir ma prose parfois
déjà bien obèse en citant son nom. Mais quand je m’exclame : « C’est
un peu court, jeune homme » ou quand je parle des obscurs et des
sans-grades, je sais que je m’adresse à un public averti qui a des références.
De plus, réparons donc cette faute en lui consacrant une chronique.
Rostand, né à Marseille le 1er
avril 1868, écrivit ses premières œuvres dans notre région, à
Bagnères-de-Luchon où il vint pendant plus de deux décennies en villégiature.
Il fut à l’origine de la fête des fleurs à Luchon, avec son ami Maurice Froyez en
1888. Après avoir passé plusieurs mois en cure à Cambo-les-Bains au pays
Basque, il acheta au début du XXème siècle un terrain où il fit construire la
villa Arnaga qui est devenue le musée Edmond-Rostand. Cela montre son
attachement pour notre région.
Alors, régalons-nous de quelques
citations, je citerai celle du baiser de Cyrano, si charmante : “Un baiser, mais à tout prendre, qu'est-ce? / Un serment fait d'un peu
plus près, une promesse / Plus précise, un aveu qui peut se confirmer, / Un
point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer; / C'est un secret qui prend la
bouche pour oreille, / Un instant d'infini qui fait un bruit d'abeille,/ Une
communion ayant un goût de fleur, / Une façon d'un peu se respirer le cœur, / Et
d'un peu se goûter au bord des lèvres, l'âme!”
Puis, Flambeau dans l’Aiglon : « Et
nous, les petits, les obscurs, les sans-grades, / Nous qui marchions fourbus,
blessés, crottés, malades, /Sans espoir de duchés ni de dotations; / Nous qui marchions toujours et jamais
n'avancions; / Trop simples et trop gueux pour que l'espoir nous berne / De ce
fameux bâton qu'on a dans sa giberne; / Nous qui par tous les temps n'avons
cessé d'aller, / Suant sans avoir peur, grelottant sans trembler, / Ne nous
soutenant plus qu'à force de trompette, / De fièvre, et de chansons qu'en
marchant on répète; (…) / Nous qui coiffés d'oursons sous les ciels tropicaux, /
Sous les neiges n'avions même plus de shakos; / Qui d'Espagne en Autriche
exécutions des trottes; / Nous qui pour arracher ainsi que des carottes / Nos
jambes à la boue énorme des chemins, / Devions les empoigner quelque fois à
deux mains; / Nous qui pour notre toux n'ayant pas de jujube, / Prenions des
bains de pied d'un jour dans le Danube; »
Et pour
terminer, la fin de la tirade du nez : « Voilà ce qu'à peu près, mon
cher, vous m'auriez dit / Si vous aviez un peu de lettres et d'esprit / Mais d'esprit, ô le plus lamentable des
êtres, / Vous n'en eûtes jamais un atome, et de lettres / Vous n'avez que les
trois qui forment le mot: sot ! / Eussiez-vous eu, d'ailleurs, I ‘invention
qu'il faut / Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries, / Me servir toutes
ces folles plaisanteries, / Que vous n'en eussiez pas articulé le quart / De la
moitié du commencement d'une, car / Je me les sers moi-même, avec assez de
verve / Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve. »
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