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dimanche 6 janvier 2019

Chronique de Serres et d’ailleurs IV (17)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Loin des commémorations et autres festivités officielles, je voudrais néanmoins, une fois encore, rappeler la mémoire d’un grand artiste qui mourut en 1918, lui aussi, de la grippe espagnole. Il faut dire que c’était une époque où l’on n’avait pas encore découvert que les vaccins pouvaient enrichir nos hautes sphères médico-sociales.
Je vous parlerai donc d’un écrivain flamboyant, homme de théâtre, dramaturge et même académicien, à savoir Edmond Rostand. Le souvenir du merveilleux auteur de Chantecler, de l’Aiglon et de Cyrano de Bergerac garnit encore souvent nos conversations et je reconnais personnellement lui devoir certaines citations. Comme elles sont bien souvent entrées dans notre langage commun, je n’ai pas voulu alourdir ma prose parfois déjà bien obèse en citant son nom. Mais quand je m’exclame : « C’est un peu court, jeune homme » ou quand je parle des obscurs et des sans-grades, je sais que je m’adresse à un public averti qui a des références. De plus, réparons donc cette faute en lui consacrant une chronique.
Rostand, né à Marseille le 1er avril 1868, écrivit ses premières œuvres dans notre région, à Bagnères-de-Luchon où il vint pendant plus de deux décennies en villégiature. Il fut à l’origine de la fête des fleurs à Luchon, avec son ami Maurice Froyez en 1888. Après avoir passé plusieurs mois en cure à Cambo-les-Bains au pays Basque, il acheta au début du XXème siècle un terrain où il fit construire la villa Arnaga qui est devenue le musée Edmond-Rostand. Cela montre son attachement pour notre région.
Alors, régalons-nous de quelques citations, je citerai celle du baiser de Cyrano, si charmante : “Un baiser, mais à tout prendre, qu'est-ce? / Un serment fait d'un peu plus près, une promesse / Plus précise, un aveu qui peut se confirmer, / Un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer; / C'est un secret qui prend la bouche pour oreille, / Un instant d'infini qui fait un bruit d'abeille,/ Une communion ayant un goût de fleur, / Une façon d'un peu se respirer le cœur, / Et d'un peu se goûter au bord des lèvres, l'âme!”
Puis, Flambeau dans l’Aiglon : « Et nous, les petits, les obscurs, les sans-grades, / Nous qui marchions fourbus, blessés, crottés, malades, /Sans espoir de duchés ni de dotations;  / Nous qui marchions toujours et jamais n'avancions; / Trop simples et trop gueux pour que l'espoir nous berne / De ce fameux bâton qu'on a dans sa giberne; / Nous qui par tous les temps n'avons cessé d'aller, / Suant sans avoir peur, grelottant sans trembler, / Ne nous soutenant plus qu'à force de trompette, / De fièvre, et de chansons qu'en marchant on répète; (…) / Nous qui coiffés d'oursons sous les ciels tropicaux, / Sous les neiges n'avions même plus de shakos; / Qui d'Espagne en Autriche exécutions des trottes; / Nous qui pour arracher ainsi que des carottes / Nos jambes à la boue énorme des chemins, / Devions les empoigner quelque fois à deux mains; / Nous qui pour notre toux n'ayant pas de jujube, / Prenions des bains de pied d'un jour dans le Danube; »
Et pour terminer, la fin de la tirade du nez : « Voilà ce qu'à peu près, mon cher, vous m'auriez dit / Si vous aviez un peu de lettres et d'esprit  / Mais d'esprit, ô le plus lamentable des êtres, / Vous n'en eûtes jamais un atome, et de lettres / Vous n'avez que les trois qui forment le mot: sot ! / Eussiez-vous eu, d'ailleurs, I ‘invention qu'il faut / Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries, / Me servir toutes ces folles plaisanteries, / Que vous n'en eussiez pas articulé le quart / De la moitié du commencement d'une, car / Je me les sers moi-même, avec assez de verve / Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve. »

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