Entendant cela, Pijm recule de quelques pas.
-
Allons,
allons, reprend Tin Quiète, tu
ne le déranges pas. Écoute plutôt la suite. Après avoir galopé pendant deux ou
trois minutes, Caparus reprit ses esprits. Il ordonna à ses compagnons de
s’arrêter et les exhorta à revenir en arrière. Ils ne pouvaient pas revenir les
mains vides, il fallait s’emparer du trésor de Fullin. Ses compagnons
refusèrent tout net. Caparus se fâcha mais un de ses hommes lui lança à la
figure qu’un homme qui n’était plus capable de trancher un col d’un seul coup
d’épée n’était plus un chef. Une bagarre éclata, Caparus fut tué et ses hommes
s’enfuirent en abandonnant son corps. Les fidèles de Fullin le découvrirent
quelques jours plus tard et lui donnèrent une sépulture décente. Quant à
Fullin, ils embaumèrent son corps du mieux qu’ils le purent. Ils établirent les
fondations d’une église, cette église où nous sommes, et creusèrent un caveau
au milieu du futur édifice. En creusant, ils firent jaillir une source et cela
fut considéré comme un miracle. Tant et si bien que l’on prétendit plus tard
que la source avait jailli spontanément…
-
Mais il
n’y a plus de ruisseau ici ? demande Pijm.
-
Non, je
t’ai dit que le cercueil de Fullin est à quatre mètres de profondeur. Au cours
des siècles, les alluvions ont fait monter le niveau du sol, ont envasé la
source, elle coule toujours mais en profondeur. Celui qui creusera la trouvera.
Elle coulait avant et elle coule toujours. Et Fullin, lui aussi, est toujours
là-dessous. Allons, je continue car on va y passer la nuit mais pas plus. Donc,
Fullin a été enterré ici par ses fidèles. Il y a son corps et sa tête. Mais
aussi…
-
Et son
trésor ?
-
Ah, mon
pauvre petit Pyjama ! Tu crois au Père Noël ou quoi ? Les fidèles se
sont établis ici, dans cette vallée. Fullin avait en effet accumulé un petit
magot qui devait servir à l’établissement d’une communauté. Et ceux qui ont
pris la direction des fidèles ont respecté cette volonté. Fullin a été enterré
avec toute la dévotion et tous les honneurs jugés nécessaires. Une seule chose
devait l’accompagner : son calice. Il était trop précieux pour que ses
successeurs puissent le vendre et d’une trop grande valeur pour ne pas le
mettre à l’abri des concupiscences. Ce calice a donc été placé dans son
cercueil. Il devrait toujours y être… il y restera encore longtemps ! Ensuite,
cette église fut édifiée et servit de sanctuaire pendant plusieurs siècles,
mais pour un tout petit groupe de croyants fidèles à celui qu’ils appelaient
désormais saint Fullin. Le nom même de La Furetière tire son origine du nom de
Fullin. Cette petite communauté fut considérée comme dissidente et jamais les
autorités de la chrétienté ne reconnurent Fullin ni ne consacrèrent cette
église. Ce petit groupe craignit d’être inquiété au moment de la croisade
contre les Albigeois au treizième siècle et c’est à cette époque qu’ils
construisirent une tour pour se défendre contre une attaque. C’est le début de
la construction de La Furetière. Un homme dirigea les travaux, un certain
Raimun de Saltanié qui s’était joint à la petite communauté. Ce soldat, plutôt
un mercenaire, qui était arrivé là un peu par hasard et il avait épousé une des
habitantes de La Furetière. Personnage courageux et doté d’un tempérament de
meneur, il organisa la mise en valeur des terres et la défense des habitants.
Il en devint en réalité le maître et créa une véritable lignée qui garda comme
nom de famille « Raimun de Saltanié ». Cela dura plusieurs siècles
et, la communauté s’effilochant, ils devinrent de fait les propriétaires de La
Furetière et des terres. Mais les Raimun de Saltanié continuèrent à entretenir
l’église et le souvenir de Fullin…
-
Cette
famille existe-t-elle toujours ? demande Pijm.
-
Non mais
laisse-moi poursuivre car il s’est passé quelque chose de vraiment intéressant
au dix-septième siècle. Ecoute bien. Et assieds-toi, tu vas prendre
racine !
(à suivre...)
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