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jeudi 24 janvier 2019

Le temps de l'éternité (38)


Entendant cela, Pijm recule de quelques pas.

-          Allons, allons, reprend Tin Quiète, tu ne le déranges pas. Écoute plutôt la suite. Après avoir galopé pendant deux ou trois minutes, Caparus reprit ses esprits. Il ordonna à ses compagnons de s’arrêter et les exhorta à revenir en arrière. Ils ne pouvaient pas revenir les mains vides, il fallait s’emparer du trésor de Fullin. Ses compagnons refusèrent tout net. Caparus se fâcha mais un de ses hommes lui lança à la figure qu’un homme qui n’était plus capable de trancher un col d’un seul coup d’épée n’était plus un chef. Une bagarre éclata, Caparus fut tué et ses hommes s’enfuirent en abandonnant son corps. Les fidèles de Fullin le découvrirent quelques jours plus tard et lui donnèrent une sépulture décente. Quant à Fullin, ils embaumèrent son corps du mieux qu’ils le purent. Ils établirent les fondations d’une église, cette église où nous sommes, et creusèrent un caveau au milieu du futur édifice. En creusant, ils firent jaillir une source et cela fut considéré comme un miracle. Tant et si bien que l’on prétendit plus tard que la source avait jailli spontanément…
-          Mais il n’y a plus de ruisseau ici ? demande Pijm.
-          Non, je t’ai dit que le cercueil de Fullin est à quatre mètres de profondeur. Au cours des siècles, les alluvions ont fait monter le niveau du sol, ont envasé la source, elle coule toujours mais en profondeur. Celui qui creusera la trouvera. Elle coulait avant et elle coule toujours. Et Fullin, lui aussi, est toujours là-dessous. Allons, je continue car on va y passer la nuit mais pas plus. Donc, Fullin a été enterré ici par ses fidèles. Il y a son corps et sa tête. Mais aussi…
-          Et son trésor ?
-          Ah, mon pauvre petit Pyjama ! Tu crois au Père Noël ou quoi ? Les fidèles se sont établis ici, dans cette vallée. Fullin avait en effet accumulé un petit magot qui devait servir à l’établissement d’une communauté. Et ceux qui ont pris la direction des fidèles ont respecté cette volonté. Fullin a été enterré avec toute la dévotion et tous les honneurs jugés nécessaires. Une seule chose devait l’accompagner : son calice. Il était trop précieux pour que ses successeurs puissent le vendre et d’une trop grande valeur pour ne pas le mettre à l’abri des concupiscences. Ce calice a donc été placé dans son cercueil. Il devrait toujours y être… il y restera encore longtemps ! Ensuite, cette église fut édifiée et servit de sanctuaire pendant plusieurs siècles, mais pour un tout petit groupe de croyants fidèles à celui qu’ils appelaient désormais saint Fullin. Le nom même de La Furetière tire son origine du nom de Fullin. Cette petite communauté fut considérée comme dissidente et jamais les autorités de la chrétienté ne reconnurent Fullin ni ne consacrèrent cette église. Ce petit groupe craignit d’être inquiété au moment de la croisade contre les Albigeois au treizième siècle et c’est à cette époque qu’ils construisirent une tour pour se défendre contre une attaque. C’est le début de la construction de La Furetière. Un homme dirigea les travaux, un certain Raimun de Saltanié qui s’était joint à la petite communauté. Ce soldat, plutôt un mercenaire, qui était arrivé là un peu par hasard et il avait épousé une des habitantes de La Furetière. Personnage courageux et doté d’un tempérament de meneur, il organisa la mise en valeur des terres et la défense des habitants. Il en devint en réalité le maître et créa une véritable lignée qui garda comme nom de famille « Raimun de Saltanié ». Cela dura plusieurs siècles et, la communauté s’effilochant, ils devinrent de fait les propriétaires de La Furetière et des terres. Mais les Raimun de Saltanié continuèrent à entretenir l’église et le souvenir de Fullin…
-          Cette famille existe-t-elle toujours ? demande Pijm.
-          Non mais laisse-moi poursuivre car il s’est passé quelque chose de vraiment intéressant au dix-septième siècle. Ecoute bien. Et assieds-toi, tu vas prendre racine !
(à suivre...)

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