Entretemps, le gérant d’immeubles
avait appelé Albert pour un travail urgent, à savoir débarrasser toute une
petite maison de la cave au grenier. La propriétaire des lieux était décédée un
mois plus tôt et ses héritiers, deux lointains neveux, souhaitaient faire vider
les lieux avant de vendre. Albert était allé se rendre compte sur place du
travail à réaliser. La propriétaire était décédée brutalement et la maison
était restée dans l’état où elle l’avait laissée. Mais, mis à part quelques
légumes avariés dans le frigo - qui fonctionnait toujours – l’ensemble était
assez net. Il prit les premières mesures utiles, arrêter l’eau chaude sanitaire
et vider congélateur et frigo. La maison, pour petite qu’elle soit, était
meublée correctement et le premier réflexe d’Albert fut de passer un coup de
téléphone à René Cinsault pour lui demander si, suite à sa séparation, il n’avait
pas besoin de mobiliers ou autres ustensiles.
-
Mon cher Albert, s’exclama René, tu es l’homme
qui tombe à pic ! Imagine : je m’étais mis en ménage avec une
charmante jeune femme qui venait, elle aussi, de se séparer de son compagnon. J’étais
déjà moelleusement installé dans ses meubles lorsque sans crier gare, le
compagnon en question fait un comeback
et voilà-t-il pas que ma nouvelle me propose de prendre la porte, avec mon peu
d’armes et bagages. Et me voilà maintenant à la rue. Enfin, pas tout à fait
mais presque. J’ai trouvé une maison à louer pour un petit prix mais ma bientôt
ex-épouse a gardé tout le mobilier et la batterie de cuisine. J’attendais un
miracle et il arrive ! Loué soit le seigneur et son bras droit, Albert le
magnifique ! Alors, je loue un camion et je viens quand ? Bien sûr je
récupèrerai ce que tu me donneras mais je te filerai un coup de main pour le
nettoyage complet. Alors, dis-moi quand ?
-
Mais, mon cher René, dans les meilleurs
délais aussi vite qu’il vous sera possible car il m’est instamment demandé de
faire fissa.
-
Je pose quelques jours de congé, je loue
un camion et me voilà. Y aurait-il un lit de camp dans un coin, si nécessaire ?
-
Pour une personne seule, on trouvera, ne
ramasse pas d’autostoppeuse ou d’intérimaire en cours de route…
-
Tu fais bien de préciser ! Quoiqu’une
paire de bras supplémentaire…
-
Stop ! File poser tes congés et
aboule sans tarder, je m’occupe du reste.
Albert raccrocha. L’affaire
se présentait bien pour lui et ce sacré Cinsault ne laissait pas de le
surprendre. Mais un homme qui change de régime matrimonial comme de chemise
peut-il, si on y pense bien, être tout à fait mauvais ?
René arriva le
surlendemain avec un gros fourgon caréné qui eut un peu de mal à s’engouffrer
dans la petite rue et à se garer valablement, moitié sur le trottoir, moitié
caniveau et moitié rue. Car un homme tel que René ne pouvait qu’être à la tête
de moult moitiés.
Charles était venu en
renfort et il fallut d’abord vider les meubles de leur contenu, ce qui n’était
pas rien, on voyait bien que les années avaient alluvionné en strates
successives. Toutefois, l’ensemble était assez propre et rangé et il leur
suffisait de mettre en caisses ou dans des cartons du linge et des bibelots
dont ils étaient sûrs que René ne ferait pas usage. Ceux qui ont déménagé de
temps en temps savent que, dans ce genre d’aventure, quand il n’y en n’a plus,
il y en a encore. Et après encore, il y a encore et encore…
(à suivre...)
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