Auditrices et auditeurs qui m’écoutez,
bonjour. L’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris a fait couler beaucoup
de salive et d’encre. Les commentaires ont plu et les promesses tout autant. Il
faut dire que les incendies de cathédrales sont rares et c’est tant mieux. On a
presque l’impression qu’il n’y a rien à rajouter à tout le blablabla vomi du
haut en bas de la société et pourtant je veux quand même rappeler qu’une
cathédrale n’est pas qu’un monument historique ou un musée appartenant à l’Etat
mais c’est avant tout un lieu de recueillement pour les catholiques,
pratiquants ou non, et pour la chrétienté en général. J’en appellerai à Maurice
Barrès pour faire comprendre que, quoique puisse subir un tel édifice, il
subsistera toujours l’esprit des lieux que nul ne pourra nier. Je citerai donc
des extraits du début de son livre « La colline inspirée » :
Il est des lieux
qui tirent l’âme de sa léthargie, des lieux enveloppés, baignés de mystère,
élus de toute éternité pour être le siège de l’émotion religieuse. (…)D’où
vient la puissance de ces lieux ? La doivent-ils au souvenir de quelque
grand fait historique, à la beauté d’un site exceptionnel, à l’émotion des
foules qui du fond des âges y vinrent s’émouvoir ? Leur vertu est plus
mystérieuse. Elle précéda leur gloire et saurait y survivre. Que les chênes fatidiques
soient coupés, la fontaine remplie de sable et les sentiers recouverts, ces
solitudes ne sont pas déchues de pouvoir. La vapeur de leurs oracles s’exhale,
même s’il n’est plus de prophétesse pour la respirer. (…) Seuls des yeux distraits ou trop faibles ne distinguent pas les feux de ces
éternels buissons ardents. Pour l’âme, de tels espaces sont des puissances
comme la beauté ou le génie. Elle ne peut les approcher sans les reconnaître.
Il y a des lieux où souffle l’esprit.
Fin de citation et, pour moi, tout est dit dans ces
quelques lignes : la construction d’une cathédrale prenait des siècles,
c’était une aventure humaine collective depuis les têtes pensantes –architectes
ou maîtres d’œuvre – jusqu’au moindre des manœuvres, tous savaient qu’ils
bâtissaient une cathédrale et quand bien même les ouvriers avaient une
condition difficile, ils faisaient partie d’une gigantesque œuvre commune, une concaténation
dans laquelle chaque maillon tenait sa place, pour humble qu’elle soit. Ils
avaient l’orgueil d’un savoir-faire partagé et l’espérance de bâtir pour les
siècles. Il fallait d’ailleurs parfois plusieurs centaines d’années pour finir
le chef d’œuvre et de tels édifices sont toujours à construire comme l’était la
foi de ces tailleurs de pierre, de ces maçons et de ces charpentiers. Car il
faut y croire pour monter pierre sur pierre, poutre avec poutre, graviers,
chaux, liants, et pour savoir qu’au bout du compte la flèche s’élèvera, pointée
vers le ciel. C’est une chaîne humaine qui est à la base du monument et chaque
maillon avait l’humble conscience de ce que son savoir-faire apportait à la
construction.
On voit par-là qu’il n’est nul besoin de vouloir
rebâtir trop vite Notre-Dame de Paris, il n’est nul besoin de vouloir en faire
une prouesse technologique, il suffit de laisser venir l’esprit, d’accorder les
convictions et d’unir les hommes de bonne volonté.
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