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dimanche 12 mai 2019

Chronique de Serres et d’ailleurs IV (35)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. L’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris a fait couler beaucoup de salive et d’encre. Les commentaires ont plu et les promesses tout autant. Il faut dire que les incendies de cathédrales sont rares et c’est tant mieux. On a presque l’impression qu’il n’y a rien à rajouter à tout le blablabla vomi du haut en bas de la société et pourtant je veux quand même rappeler qu’une cathédrale n’est pas qu’un monument historique ou un musée appartenant à l’Etat mais c’est avant tout un lieu de recueillement pour les catholiques, pratiquants ou non, et pour la chrétienté en général. J’en appellerai à Maurice Barrès pour faire comprendre que, quoique puisse subir un tel édifice, il subsistera toujours l’esprit des lieux que nul ne pourra nier. Je citerai donc des extraits du début de son livre « La colline inspirée » :
Il est des lieux qui tirent l’âme de sa léthargie, des lieux enveloppés, baignés de mystère, élus de toute éternité pour être le siège de l’émotion religieuse. (…)D’où vient la puissance de ces lieux ? La doivent-ils au souvenir de quelque grand fait historique, à la beauté d’un site exceptionnel, à l’émotion des foules qui du fond des âges y vinrent s’émouvoir ? Leur vertu est plus mystérieuse. Elle précéda leur gloire et saurait y survivre. Que les chênes fatidiques soient coupés, la fontaine remplie de sable et les sentiers recouverts, ces solitudes ne sont pas déchues de pouvoir. La vapeur de leurs oracles s’exhale, même s’il n’est plus de prophétesse pour la respirer. (…) Seuls des yeux distraits ou trop faibles ne distinguent pas les feux de ces éternels buissons ardents. Pour l’âme, de tels espaces sont des puissances comme la beauté ou le génie. Elle ne peut les approcher sans les reconnaître. Il y a des lieux où souffle l’esprit.
Fin de citation et, pour moi, tout est dit dans ces quelques lignes : la construction d’une cathédrale prenait des siècles, c’était une aventure humaine collective depuis les têtes pensantes –architectes ou maîtres d’œuvre – jusqu’au moindre des manœuvres, tous savaient qu’ils bâtissaient une cathédrale et quand bien même les ouvriers avaient une condition difficile, ils faisaient partie d’une gigantesque œuvre commune, une concaténation dans laquelle chaque maillon tenait sa place, pour humble qu’elle soit. Ils avaient l’orgueil d’un savoir-faire partagé et l’espérance de bâtir pour les siècles. Il fallait d’ailleurs parfois plusieurs centaines d’années pour finir le chef d’œuvre et de tels édifices sont toujours à construire comme l’était la foi de ces tailleurs de pierre, de ces maçons et de ces charpentiers. Car il faut y croire pour monter pierre sur pierre, poutre avec poutre, graviers, chaux, liants, et pour savoir qu’au bout du compte la flèche s’élèvera, pointée vers le ciel. C’est une chaîne humaine qui est à la base du monument et chaque maillon avait l’humble conscience de ce que son savoir-faire apportait à la construction.
On voit par-là qu’il n’est nul besoin de vouloir rebâtir trop vite Notre-Dame de Paris, il n’est nul besoin de vouloir en faire une prouesse technologique, il suffit de laisser venir l’esprit, d’accorder les convictions et d’unir les hommes de bonne volonté.

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