Lorsqu’ils en furent au
grenier, ils y trouvèrent une caisse simplement fermée par un couvercle posé
sur le dessus. Elle était pleine de cendre et Albert n’eut aucune peine à
imaginer ce qu’il y avait dans la cendre. Ils sortirent délicatement la cendre
et en sortirent un jambon, bien emballé dans un linge et entouré de sel. La
pauvre mamie avait donc pensé à nourrir les ouvriers qui viendraient après sa
mort pour vider la maison. C’était un vrai jambon salé, un beau morceau d’une
quinzaine de kilos. Ils le débarrassèrent de son sel puis, l’ayant remis dans
son linge, ils l’emportèrent dans le fourgon d’Albert.
-
Ah, rien que pour ça, ça valait la peine
de faire le déplacement, déclara René.
-
Ben oui, d’autant qu’il y a une petite
douzaine de bouteilles de vin dans la cave, renchérit Charles. Et des conserves
de champignons que je vous dis que si la mamie savait cuisiner, y’a de quoi se
régaler !
Ils décidèrent de faire
l’inventaire des denrées et boissons pour les porter aussi dans le fourgon.
Evidemment, quand on vide une maison, on tombe sur un tas de petites choses que
l’habitant des lieux avait soigneusement gardés, le trésor d’une vie. Et puis,
d’un seul coup d’un seul, voilà qu’on s’en va sans rien emporter.
Il y avait peu de photos,
quelques lettres, du courrier non décacheté. Ils mirent tout cela dans une
grosse enveloppe kraft pour la remettre au gestionnaire à toutes fins utiles.
Mais pour le reste, il avait dit que tout devait disparaître et que la maison
devait être vide et balayée.
Ils trouvèrent aussi des
missels, des images pieuses, un crucifix et des livres religieux qu’ils mirent
dans un carton pour les porter à la paroisse. Il leur semblait qu’ils ne
pouvaient décemment pas fourrer tout cela à la déchetterie, tout mécréants
qu’ils fussent.
Quant
au mobilier, tout l’usuel était assez quelconque mais il y avait, dans la salle
à manger-salon quelques meubles de belle apparence qui semblaient avoir de la
valeur. Nos hommes n’étaient pas des experts en antiquités et ce qui comptait
pour René était surtout la valeur d’usage. Après avoir fait plusieurs tours de
déchetterie, ils commencèrent à charger les gros meubles et la vaisselle en vue
de faire un voyage vers Caylus pour meubler René. Dans la salle à manger, il
fut intrigué par un buffet qu’il déclara être du Louis XV. C’était un buffet à
deux portes surmontées chacune d’un tiroir. Le tiroir de droite avait, à l’extérieur,
une hauteur d’une quinzaine de centimètres et était moins haut à l’intérieur.
Mais on ne pouvait pas sortir complètement ce tiroir car une languette
métallique le bloquait, comme cela arrive dans certains meubles. Toutefois, il
s’agissait en réalité d’une sorte de targette qui, comme dans l’autre tiroir,
l’arrêtait avant qu’il ne tombe. En général, ces targettes sont amovibles et
permettent d’ôter le tiroir pour, par exemple, le nettoyer ou le vider.
Toutefois, il semblait qu’il y ait un petit verrouillage à secret avec un
montage spécial en queue d’aronde. Fut-ce la chance ou le flair, René parvint à
faire jouer le mécanisme :
-
J’ai lu un article sur ces mécanismes dans
science et vie junior, déclara-t-il
avec une pompeuse hilarité.
-
Y’a longtemps que t’as lu ça alors car
t’es pas un p’tit veau de l’année ? Demanda Charles.
-
Mais non, c’est mon gamin qui est abonné…
-
Et c’est toi qui le lis ?
-
Beuh, oui, je lui raconte après !
Sur
ces entrefaites, il avait sorti le tiroir, découvrant une sorte de cache où se
trouvaient quelques papiers, des cahiers et près de cinq-mille francs en
espèces, l’équivalent de trois mois de Smig de l’époque. Une jolie somme mais
tout de même pas un trésor… Cela aussi serait à remettre au gestionnaire,
déclara Albert.
Ce
sont surtout les cahiers qui retinrent leur attention. Ils étaient remplis
d’une écriture soignée, régulière et très formatée, à l’ancienne. On supposait qu’ils étaient de la main de la
propriétaire de la maison et on comprenait très vite qu’ils avaient été écrits au
fil des années, l’écriture en étant ferme au début et plus tremblée sur la fin.
De plus, le premier cahier avait été écrit entièrement au crayon dont la marque
avait pâli au fil des années.
La
première page était datée de juillet 1935 et commençait ainsi :
(à suivre...)
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