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As-tu remarqué que le pont nous
appartient ?
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Oui, personne en vue, mon capitaine.
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Sais-tu ce qu’il y a en-dessous de nous,
ma belle amie ?
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Il y a les flots qui fluent et flottent et
flaquent…
-
Et dans ces flots, sais-tu que des
centaines, des milliers d’aloses viennent frayer chaque année ?
-
Ici ?
-
Ici, oui, ici ma douce alosette, dit-il en
passant la main sous la jupe qui frémit tant sous la brise que sous la caresse.
Effectivement il passe un
zéphyr amoureux sous les nuages qui commencent à noircir. Mais les amants n’ont
cure du ciel, ils pensent à la vague où la femelle fait ses bulls dont les
mouvements circulaires projettent les œufs vers le mâle qui les féconde. Le balancement
léger excite le désir des amants et ils
se sentent à l’unisson des pulsions de la nature. La passerelle est à eux, la
nuit les enveloppe et l’univers leur appartient. Leur étreinte se termine et,
au même moment, un coup de vent brutal imprime un roulis sauvage à la
passerelle. Un éclair suivi d’un coup de tonnerre lance un spectacle féerique.
Ils ne peuvent s’empêcher de rester quelques instants, autant pour reprendre
leurs esprits que pour prolonger leur plaisir. Mais de grosses gouttes
commencent à tomber et ils se mettent à courir en direction du Gravier, rive
droite. Ils n’ont pas le temps d’arriver à la voiture avant la pluie qui
maintenant tombe en rafales drues et ils sont tellement dégoulinants qu’ils
décident de rejoindre à pied l’appartement de Christelle. Nul besoin de courir
maintenant qu’ils sont trempés et ils savourent ce feu d’artifice qui
éclabousse les façades. Sur la place, Jasmin fait front aux éclairs et
ruisselle sans crainte, divin perruquier dont le bronze reflète les éclairs et
défie l’orage. Arrivés chez Christelle, ils se précipitent vers la salle de bains
pour quitter leurs vêtements.
-
Eh bien, bravo ! Pour une fois que je
me mets sur mon trente-et-un, je me le fous minable ! soupire Albert.
-
Voilà au moins un point très positif car
s’il s’appelle comme cela c’est qu’il date des années trente. Je n’oserai pas
dire qu’il te donne l’air d’un gugusse mais à peu de chose près. Cela dit, ce n’est
ni le moment de se lamenter ni celui de dormir. Je n’ai pas encore exposé mon
plan d’action et ce n’est pas demain matin que j’en aurai le temps. Voici ce
que tu vas faire : vendredi après-midi, à dix-sept heures, tu te
présenteras à l’hôpital psy de Villeneuve de Sciérac. Le concierge, dans la
guitoune, t’indiquera le chemin. Tout se passera comme si tu étais un proche de
Daniel qui vient me rencontrer. Dans mon bureau, tu feras donc sa connaissance,
il est essentiel qu’il te connaisse. Nous mettrons rapidement les choses au
point avec lui et tu repartiras seul. Nous nous retrouverons dans un village
qui s’appelle Meauzié, tu iras te garer derrière l’église et tu viendras dans
ma voiture. Nous ferons un premier tour de reconnaissance autour de la maison
de Daniel : tu verras, c’est une belle maison, un petit château. Tu
pourras repérer les lieux, discrètement, depuis la voiture. Nous irons manger
dans une auberge à une vingtaine de kilomètres de là et après le repas, je te
largue dans les bois, tu dois te démerder pour arriver incognito dans la
maison. Bien sûr, tu auras les clés mais tu rentreras par une porte arrière. Et
toujours le plus discrètement possible…
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Mais je n’en reviens pas de cette
histoire, ça rime à quoi tout ce secret ?
(à suivre...)
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