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jeudi 24 octobre 2019

Appelez-moi Fortunio (37)


-          Mon intuition, Albert, mon intuition. Je ne peux pas t’en dire plus ! Daniel est en passe de devenir vraiment fou maintenant qu’il a été judiciairement blanchi et psychiatriquement déclaré sain d’esprit. Je ne peux ni ne veux y croire, pour moi il y a quelque machination là-dessous. Ou alors cette maison est réellement hantée !
-          Tu y crois, toi, à ces trucs supranaturels ?
-          Non, bien sûr, mais jusqu’à preuve du contraire…
-          Le contraire de quoi ?
-          Le contraire de ce que je pense… rappelle-toi la devise de Montaigne : « Que sais-je ? »
-          Bon, on va pas philosopher à c’t’heure tout de même ! Je crois que j’ai tout compris mais… et mes chantiers, je fais quoi ? Je laisse mon Charles partir à vau l’eau ?
-          Je vais t’envoyer un stagiaire, je le crois capable de l’aider…
-          Un stagiaire ? Un psychiatrique sorti d’un de tes pavillons ? Tu peux te les garder !
-          Belle mentalité, monsieur ! Et non, ce n’est pas un fou mais c’est un garçon qui a besoin de découvrir le travail manuel et cela tombe bien car je comptais te l’envoyer demain…
-          Demain ou aujourd’hui ? Il est minuit passé !
-          Aujourd’hui en effet, on règlera cela demain au petit déjeuner. Maintenant, dodo et à …aujourd’hui.
Lumière éteinte, ils plongent dans un sommeil abyssal qui les porte jusqu’à une heure avancée, le petit déjeuner en est donc réduit à sa plus simple expression, à savoir qu’Albert doit ingurgiter les dernières consignes de Christelle. Et ils repartent vers leurs occupations respectives.
En fin de matinée, Albert voit arriver un gars en mobylette sur le chantier. Il dit s’appeler Henri et venir de la part de madame Setier. Ce jeune a plutôt une bonne tronche et Albert décide d’examiner la question :
-          Qu’est-ce que tu sais faire ? lui demande-t-il.
-          Vous savez, j’ai dix-huit ans, j’ai pas le bac et je sais rien faire mais je demande qu’à apprendre…
-          Tu sais pousser une brouette ?
-          Beuh, peut-être…
-          Alors, c’est décidé, je te donne le permis brouette et tu seras glutier !
-          Glutier ? C’est quoi ça ?
-          Un gonze qui pousse une brouette avec du béton mou et qui fait glutt glutt glut ! Tiens, regarde, les manches te tendent les bras, viens sous la bétonnière et tu vas voir le cri du glutt !
Le jeune se marre, chope la brouette par les manches et glisse sa brouette sous la cuve de la bétonnière. Charles tourne le volant un peu rapidement en sorte d’éclabousser le chauffeur tout neuf. Eclats de rire, le nouveau est baptisé Riton et démarre une carrière internationale dans la maçonnerie et le béton armé. Le soir même, Albert régularise la situation et met Charles au parfum, à savoir qu’il va se trouver à la tête de l’entreprise pendant quelques jours et pour une durée indéterminée à partir de vendredi midi.
Et, le vendredi midi, Albert prend la route de Villeneuve de Sciérac. Peu avant dix-sept heures, il franchit la barrière de l’hôpital psychiatrique, le concierge lui indique la direction du bureau du Docteur Setier et il s’y présente non sans quelque appréhension, l’ambiance ne lui est guère familière. Christelle le reçoit de façon assez officielle car il y a déjà quelqu’un avec elle qu’elle lui présente comme étant Daniel Rambaud.
(à suivre...)

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