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Mon intuition, Albert, mon intuition. Je
ne peux pas t’en dire plus ! Daniel est en passe de devenir vraiment fou
maintenant qu’il a été judiciairement blanchi et psychiatriquement déclaré sain
d’esprit. Je ne peux ni ne veux y croire, pour moi il y a quelque machination
là-dessous. Ou alors cette maison est réellement hantée !
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Tu y crois, toi, à ces trucs
supranaturels ?
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Non, bien sûr, mais jusqu’à preuve du
contraire…
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Le contraire de quoi ?
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Le contraire de ce que je pense…
rappelle-toi la devise de Montaigne : « Que
sais-je ? »
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Bon, on va pas philosopher à c’t’heure
tout de même ! Je crois que j’ai tout compris mais… et mes chantiers, je
fais quoi ? Je laisse mon Charles partir à vau l’eau ?
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Je vais t’envoyer un stagiaire, je le
crois capable de l’aider…
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Un stagiaire ? Un psychiatrique sorti
d’un de tes pavillons ? Tu peux te les garder !
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Belle mentalité, monsieur ! Et non,
ce n’est pas un fou mais c’est un garçon qui a besoin de découvrir le travail
manuel et cela tombe bien car je comptais te l’envoyer demain…
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Demain ou aujourd’hui ? Il est minuit
passé !
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Aujourd’hui en effet, on règlera cela
demain au petit déjeuner. Maintenant, dodo et à …aujourd’hui.
Lumière éteinte, ils
plongent dans un sommeil abyssal qui les porte jusqu’à une heure avancée, le
petit déjeuner en est donc réduit à sa plus simple expression, à savoir
qu’Albert doit ingurgiter les dernières consignes de Christelle. Et ils
repartent vers leurs occupations respectives.
En fin de matinée, Albert
voit arriver un gars en mobylette sur le chantier. Il dit s’appeler Henri et
venir de la part de madame Setier. Ce jeune a plutôt une bonne tronche et
Albert décide d’examiner la question :
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Qu’est-ce que tu sais faire ? lui
demande-t-il.
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Vous savez, j’ai dix-huit ans, j’ai pas le
bac et je sais rien faire mais je demande qu’à apprendre…
-
Tu sais pousser une brouette ?
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Beuh, peut-être…
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Alors, c’est décidé, je te donne le permis
brouette et tu seras glutier !
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Glutier ? C’est quoi ça ?
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Un gonze qui pousse une brouette avec du
béton mou et qui fait glutt glutt glut ! Tiens, regarde, les manches te
tendent les bras, viens sous la bétonnière et tu vas voir le cri du
glutt !
Le jeune se marre, chope
la brouette par les manches et glisse sa brouette sous la cuve de la
bétonnière. Charles tourne le volant un peu rapidement en sorte d’éclabousser
le chauffeur tout neuf. Eclats de rire, le nouveau est baptisé Riton et démarre
une carrière internationale dans la maçonnerie et le béton armé. Le soir même,
Albert régularise la situation et met Charles au parfum, à savoir qu’il va se
trouver à la tête de l’entreprise pendant quelques jours et pour une durée
indéterminée à partir de vendredi midi.
Et, le vendredi midi,
Albert prend la route de Villeneuve de Sciérac. Peu avant dix-sept heures, il
franchit la barrière de l’hôpital psychiatrique, le concierge lui indique la
direction du bureau du Docteur Setier et il s’y présente non sans quelque
appréhension, l’ambiance ne lui est guère familière. Christelle le reçoit de
façon assez officielle car il y a déjà quelqu’un avec elle qu’elle lui présente
comme étant Daniel Rambaud.
(à suivre...)
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