En vedette !

dimanche 5 janvier 2020

Chronique de Serres et d’ailleurs V (17)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Il est doux d’avoir des amis sincères et qui vous connaissent bien. C’est ainsi qu’il y a peu, trifouillant dans une caisse à outils, je remis au jour un joli marteau léger pourvu d’un manche d’agréable longueur. Cet outil m’avait été offert pour un de mes anniversaires, il y a bien des années et j’avais apprécié ce cadeau à sa juste valeur car, vous savez comment je suis, je possède plutôt des massettes, des masses, des bouchardes, des têtus, des darracqs, des merlins, des cognées et autres engins dépassant la demi-livre mais j’étais totalement démuni de ce genre d’outil frappant dont se servent les vitriers, les encadreurs et autres  ouvriers rompus aux ouvrages délicats. En vertu de quoi, vous vous posez la question suivante : quel usage le chroniqueur a-t-il pu faire de ce martelet ?
En effet, est-il encore besoin de petits marteaux de vitrier à une époque où le double et même triple vitrage se passent de l’usage du diamant, est-il encore utile de posséder un tel ustensile pour assembler des cadres alors que des colles de toutes puissances remplacent clous et vis et est-ce bien nécessaire de poser de légères parcloses là où maintenant on vous lisse un merveilleux cordon de silicone ? Non car vous avez bien compris que cet outil est largement tombé en désuétude, remplacé par les cloueuses et agrafeuses pneumatiques.
Mais il reste toutefois un domaine où l’artisan, pour ne pas dire l’artiste, peut encore faire  étalage de son savoir-faire sinon de son art. Et c’est là que je vous propose de bien lire ce qu’il était, en son temps, écrit en toutes lettres sur le manche brillant et lustré de l’outil. Je dévoilerai donc ce secret si bien gardé jusqu’à ce jour car d’un côté du manche il est écrit au feutre indélébile les quelques mots suivants : « Petit marteau à casser les couilles ». J’ose espérer que vous me pardonnerez le cru de cette expression… En retournant le manche, on peut lire : « Long manché pour touiller la merde ». Voilà donc ce qui me fut offert en hommage à mes capacités par des amis reconnaissants.
Depuis ce jour, je me tins à la tâche, brisant avec application nombre de breloques et remuant autant que possible le marais fétide de la sottise de mes contemporains. Et, bien que travaillant sans relâche avec une constance et une précision admirables, je n’ai encore ni usé ni cassé ce manche et moins encore ébréché le métal du marteau.
On voit par-là qu’il reste encore de la matière pour bien des chroniques.

2 commentaires: