Auditrices
et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. « Longtemps je me suis couché de
bonne heure, mais par la suite mes parents ont fini par acheter la télévision. »
Ceci est l’incipit d’une nouvelle d’un écrivain croate qui, dans les années
2000 avait fait son miel du célèbre incipit de la « Recherche » de
Marcel Proust. Je n’ai pas retrouvé le nom de ce judicieux nouvelliste et je ne
doute pas que l’une ou l’autre d’entre vous me le fera connaître.
Mais
revenons à notre préoccupation première, la télévision dont on peut penser que,
si Proust l’avait connue, nous eussions été privés d’une bonne partie de son
œuvre. En effet, la première chose que l’on peut reprocher à cette malfaisante
lucarne, c’est bien de faire se coucher tard nos concitoyens en les abrutissant
de sottises. Bien sûr, quand j’en parle autour de moi, on me dit
toujours : « oh mais moi, je regarde surtout les documentaires et
surtout sur Arte… ». Voilà comment se dédouanent bien des gens de leur
addiction télévisuelle mais si ce qu’ils disent était vrai, l’audimètre de la
chaîne franco-allemande dépasserait de plus d’une tête celui de toutes les
autres chaînes. Or cela n’est pas le cas, à ce que je sache. De plus, ils vous
font des commentaires sur l’actualité qui sont directement issus de ce
gloubi-boulga diffusé sur toutes ces chaînes et qu’on ose appeler information.
A l’époque soviétique, une plaisanterie avait cours sur les journaux officiels,
la Pravda et les Izvestia. Pravda voulant dire « La vérité » et
Izvestia signifiant « Les Informations », les moscovites avaient
coutume de dire qu’il n’y avait pas d’informations dans la vérité et pas de
vérité dans les informations. De là à ce que je vous dise que nous sommes en
régime soviétique, il y a tout de même une marge. Mais ce que je voudrais dire,
c’est que ce que l’on faisait avaler de force aux russes, nos concitoyens
adeptes de l’information télévisuelle l’avalent de leur plein gré et même ils
en redemandent.
Et,
dans cette vallée de larmes, il reste encore de bonnes nouvelles. La première,
c’est qu’il y a encore des gens dans notre pays qui peuvent se coucher et se
lever de bonne heure et casser la croûte convivialement avec de la saucisse
sèche et du pain de campagne, sans s’embarrasser de vains commentaires
d’experts autoproclamés. Car il y a encore des foyers sans télévision, oui,
cela existe et plus qu’on ne croit. Moi-même -faut-il le dire ?- je m’en
passe sans difficulté et je me demande quand j’aurais le temps de la regarder.
Le seul inconvénient, c’est que l’autre jour je me trouvais à une réunion
d’information où l’intervenante – quelque experte je suppose- nous parla de
quelque chose que nous avions tous vus à la télé ! Il n’est pas bon
d’interrompre le discours d’une experte et je me tus dans le brouhaha
d’acquiescements qui suivit. Nous sommes dans un pays où l’on parle du droit à
l’image mais pas encore du droit à la non-image
Venons-en
à la deuxième bonne nouvelle, c’est qu’il y a encore des moyens d’information
indépendants, soit du pouvoir, soit des annonceurs, à savoir des journaux –payants
bien sûr- qui ne dépendent ni de la publicité, ni des financiers ni du pouvoir
politique : ce sont des journaux qui sont financés uniquement par leurs
lecteurs qui en sont parfois actionnaires. Je ne suis pas ici pour leur faire
de la publicité et ne les citerai donc pas. Mais il suffit de se renseigner.
Et,
pour finir, une troisième bonne nouvelle : vous pouvez écouter Cool
Direct, la web radio sur laquelle vous pouvez entendre votre chroniqueur. Vous
n’aurez pas l’image mais vous aurez le son et cela n’est pas rien.
On
voit par-là qu’il n’y a pas que les ânes qui ont le droit d’avoir du son.
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