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dimanche 19 janvier 2020

Chronique de Serres et d’ailleurs V (19)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. « Longtemps je me suis couché de bonne heure, mais par la suite mes parents ont fini par acheter la télévision. » Ceci est l’incipit d’une nouvelle d’un écrivain croate qui, dans les années 2000 avait fait son miel du célèbre incipit de la « Recherche » de Marcel Proust. Je n’ai pas retrouvé le nom de ce judicieux nouvelliste et je ne doute pas que l’une ou l’autre d’entre vous me le fera connaître.

Mais revenons à notre préoccupation première, la télévision dont on peut penser que, si Proust l’avait connue, nous eussions été privés d’une bonne partie de son œuvre. En effet, la première chose que l’on peut reprocher à cette malfaisante lucarne, c’est bien de faire se coucher tard nos concitoyens en les abrutissant de sottises. Bien sûr, quand j’en parle autour de moi, on me dit toujours : « oh mais moi, je regarde surtout les documentaires et surtout sur Arte… ». Voilà comment se dédouanent bien des gens de leur addiction télévisuelle mais si ce qu’ils disent était vrai, l’audimètre de la chaîne franco-allemande dépasserait de plus d’une tête celui de toutes les autres chaînes. Or cela n’est pas le cas, à ce que je sache. De plus, ils vous font des commentaires sur l’actualité qui sont directement issus de ce gloubi-boulga diffusé sur toutes ces chaînes et qu’on ose appeler information. A l’époque soviétique, une plaisanterie avait cours sur les journaux officiels, la Pravda et les Izvestia. Pravda voulant dire « La vérité » et Izvestia signifiant « Les Informations », les moscovites avaient coutume de dire qu’il n’y avait pas d’informations dans la vérité et pas de vérité dans les informations. De là à ce que je vous dise que nous sommes en régime soviétique, il y a tout de même une marge. Mais ce que je voudrais dire, c’est que ce que l’on faisait avaler de force aux russes, nos concitoyens adeptes de l’information télévisuelle l’avalent de leur plein gré et même ils en redemandent.

Et, dans cette vallée de larmes, il reste encore de bonnes nouvelles. La première, c’est qu’il y a encore des gens dans notre pays qui peuvent se coucher et se lever de bonne heure et casser la croûte convivialement avec de la saucisse sèche et du pain de campagne, sans s’embarrasser de vains commentaires d’experts autoproclamés. Car il y a encore des foyers sans télévision, oui, cela existe et plus qu’on ne croit. Moi-même -faut-il le dire ?- je m’en passe sans difficulté et je me demande quand j’aurais le temps de la regarder. Le seul inconvénient, c’est que l’autre jour je me trouvais à une réunion d’information où l’intervenante – quelque experte je suppose- nous parla de quelque chose que nous avions tous vus à la télé ! Il n’est pas bon d’interrompre le discours d’une experte et je me tus dans le brouhaha d’acquiescements qui suivit. Nous sommes dans un pays où l’on parle du droit à l’image mais pas encore du droit à la non-image

Venons-en à la deuxième bonne nouvelle, c’est qu’il y a encore des moyens d’information indépendants, soit du pouvoir, soit des annonceurs, à savoir des journaux –payants bien sûr- qui ne dépendent ni de la publicité, ni des financiers ni du pouvoir politique : ce sont des journaux qui sont financés uniquement par leurs lecteurs qui en sont parfois actionnaires. Je ne suis pas ici pour leur faire de la publicité et ne les citerai donc pas. Mais il suffit de se renseigner.

Et, pour finir, une troisième bonne nouvelle : vous pouvez écouter Cool Direct, la web radio sur laquelle vous pouvez entendre votre chroniqueur. Vous n’aurez pas l’image mais vous aurez le son et cela n’est pas rien.

On voit par-là qu’il n’y a pas que les ânes qui ont le droit d’avoir du son.


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