-
J’en suis content pour toi, moi aussi j’ai
passé le bac… en 68, personne avait été recalé que je sache !
-
Ah ouais, t’es pas con toi, tu sais tomber
les bonnes années !
-
Bien, cela dit, je ne connais pas ton
programme mais moi, je vais encore faire une petite inspection de la maison,
particulièrement le grenier. Tu n’y vois pas d’inconvénient ?
-
Oh non ! Tu peux visiter, fouiller,
je te fais confiance…
-
Et si tu avais tort ?
-
De te faire confiance ? Il ne faut
jurer de rien, bien sûr, mais tu me fus recommandé par madame Setier qui est
probablement la seule personne à qui je puisse vraiment faire confiance en ce
moment !
Albert ne tient pas à
continuer la conversation sur ce sujet et il passe dans l’office. Il a décidé
de faire un tour de la maison en ne se laissant guider ni par sa raison, ni par
son instinct, tâchant de mettre ses sens au ralenti et de capter seulement son
ressenti. Un peu comme une promenade sur la plage, tenter de laisser l’iode et
les embruns percoler doucement sous sa peau.
Il prend l’escalier de
service et se retrouve dans la lingerie. De là, il passe dans le couloir, s’approche
doucement de la baie vitrée qui donne sur le parc puis il visite les chambres,
l’une après l’autre, sans même détailler le mobilier ou la décoration. De temps
à autre, il tourne sur lui-même pour mieux laisser les lieux se pénétrer en
lui.
Il emprunte maintenant l’escalier
qui monte au grenier, doucement et il ouvre la porte en essayant de ne plus
penser aux bruits de la nuit, simplement il circule, indifférent aux toiles d’araignées
et à la poussière.
Dans sa poitrine, il
ressent un point d’interrogation, comme s’il y avait quelque chose à voir, ici
dans ce grenier. Il ne s’attarde pourtant pas mais, sans se presser, après
avoir, là aussi, regardé le parc par les lucarnes embrumées de poussière, il
redescend l’escalier jusqu’au rez-de-chaussée. Il entend que Daniel a allumé la
télévision, il tient surtout à le laisser tranquille et à ne pas perturber sa
prise de conscience des lieux. Il retourne dans le grand cabinet de travail et s’imprègne
de l’atmosphère, passant un regard comme absent sur toutes ces curiosités. Puis
sur les rayonnages chargés de livres. Il règne une pénombre favorable, les
volets persiennés laissant filtrer un jour suffisant. Albert s’assoit dans le
confortable fauteuil ministre, laissant toujours son esprit flotter. Il ne sait
combien de temps cela dure, il a le sentiment de sentir des choses mais il sait
aussi qu’il ne faut pas se presser de les saisir sous peine de les laisser s’échapper.
Doucement, comme on se
réveille, il émerge à la surface des choses. Il regarde autour de lui, sur ce
bureau ministre, à portée de main, trône un téléphone, un de ces téléphones
noirs à cadran. Il décroche le combiné, machinalement. Il écoute la tonalité et
fronce le sourcil. Il raccroche, attend une vingtaine de secondes et décroche à
nouveau. Pas d’erreur, il y a un tutt
caractéristique et anormal. Il raccroche et recommence la même opération.
En son for intérieur, il
pense : un point à zéro !
Mais il reste assis et,
par curiosité, ouvre les tiroirs latéraux du bureau. Des agrafeuses, des
crayons, des bloc-notes, des gommes, des
papiers divers. Un seul est fermé à clé. Sans clé, bien sûr. Au milieu, ce n’est
pas un tiroir mais une simple planche à écrire couverte d’un feutre vert.
Intrigué, il la tire et constate qu’elle se sort. On peut donc la poser où l’on
veut. Plus intéressant, c’est que, lorsqu’on la sort complètement, on trouve un
creux taillé dans l’épaisseur où il y a une petite clé… probablement la clé du
tiroir fermé.
(à suivre...)
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