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dimanche 22 mars 2020

Chronique de Serres et d’ailleurs V (28)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. A l’heure où j’écris cette chronique, nul ne sait qui de vous ou de moi aura survécu à cette épidémie qu’on nous annonce ravageuse. Donc, comme le disait fort bien un autre Pierre, le Desprosges, vivons heureux en attendant la mort.

C’est pour cela que je me décide enfin à vous parler d’un livre que je vous avais promis d’évoquer dans mes chroniques, le roman intitulé « Mon ami Pierre » de Georges Boué. Ce livre aurait obtenu le prix de l’Académie des sciences, arts et lettres d’Agen et ne se trouve plus que chez les bouquinistes ou marchands de livres d’occasion. C’est ce que j’appelle un beau livre, ou un livre rare, car il se compose d’une grande partie de textes mais aussi de chansons dont les paroles sont en occitan de Gascogne traduites en français avec la partition en regard. Il a été publié par l’auteur en 1994. Il l’intitule roman historique car l’auteur part d’une histoire vraie qu’il raconte sous forme romancée. D’aucuns pensent qu’il a pris bien des libertés avec la réalité historique, je n’en jugerai pas ici car le récit est beau.

L’action du roman se situe à Goulens, dans la commune de Layrac (47) et plus précisément dans le vallon du ruisseau d’Amans où coule la Gὁvia, source sacrée dont les eaux viennent sans faiblir des Pyrénées. Plus bas sont les méandres du Gers et cette vallée où, depuis l’Antiquité les hommes se sont ancrés avec labeur et foi.

Je ne vais, bien sûr, pas vous raconter tout le roman car ce livre est un petit bijou que l’on ne pourrait résumer. Au centre du récit, le personnage de Pierre, enfant malingre mais subtil dont le principal handicap est d’avoir un cœur dont l’amour déborde comme la source, cette Gὁvia.

Fils d’un père brutal et violent, il passera bien du temps dans une grotte sous l’église d’Amans, il y trouvera le corps momifié de l’ancien curé de la petite paroisse, prêtre réfractaire sous la révolution qui mourut là pour échapper à ceux qui le pourchassaient. Mais, s’il doit se défendre, il doit aussi protéger sa mère et il devra donc quitter son abri pour se rapprocher d’elle.

Toujours prêt à servir, il se retrouvera à aider les résistants, encore au péril de sa vie.

Mais inlassablement, Pierre compose et chante ses propres chansons, celles-là mêmes que l’auteur nous restitue avec tant de soin. Je ne vous en chanterai pas mais ne résiste pas à vous en réciter une, dans le texte français livré par l’auteur : « Là-bas à la rivière / Lerié dondaine / Il y a un pré à faucher / Lerié dondon / Il y a trois jeunes faucheurs / Qui l’ont pris à faucher / Il y a trois belles filles / Elles l’ont pris à faner / La plus belle de toutes / Va chercher le dîner / Elle ne fut pas partie / Qu’on la voit s’en retourner / Venez dîner, faucheurs / Vous l’avez bien gagné / De trois, deux y allèrent / L’autre n’y alla pas / Belle qu’avez-vous fait à l’autre / Qu’il ne vienne pas dîner ? / C’est votre amour, belle / Lerié dondaine / Qui l’empêche de dîner / Lerié dondon. »

Sans fin, Pierre chante des chansons simples comme les choses de la vie paysanne, toujours il console les autres par cette grâce poétique. Son destin était de marquer à jamais ce coin de terre et soyons reconnaissants à Georges Boué d’avoir sauvé sa mémoire.


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