Auditrices
et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. A l’heure où j’écris cette chronique, nul
ne sait qui de vous ou de moi aura survécu à cette épidémie qu’on nous annonce
ravageuse. Donc, comme le disait fort bien un autre Pierre, le Desprosges,
vivons heureux en attendant la mort.
C’est
pour cela que je me décide enfin à vous parler d’un livre que je vous avais
promis d’évoquer dans mes chroniques, le roman intitulé « Mon ami Pierre »
de Georges Boué. Ce livre aurait obtenu le prix de l’Académie des sciences,
arts et lettres d’Agen et ne se trouve plus que chez les bouquinistes ou
marchands de livres d’occasion. C’est ce que j’appelle un beau livre, ou un
livre rare, car il se compose d’une grande partie de textes mais aussi de
chansons dont les paroles sont en occitan de Gascogne traduites en français
avec la partition en regard. Il a été publié par l’auteur en 1994. Il l’intitule
roman historique car l’auteur part d’une histoire vraie qu’il raconte sous
forme romancée. D’aucuns pensent qu’il a pris bien des libertés avec la réalité
historique, je n’en jugerai pas ici car le récit est beau.
L’action
du roman se situe à Goulens, dans la commune de Layrac (47) et plus précisément
dans le vallon du ruisseau d’Amans où coule la Gὁvia, source sacrée dont les
eaux viennent sans faiblir des Pyrénées. Plus bas sont les méandres du Gers et
cette vallée où, depuis l’Antiquité les hommes se sont ancrés avec labeur et
foi.
Je
ne vais, bien sûr, pas vous raconter tout le roman car ce livre est un petit
bijou que l’on ne pourrait résumer. Au centre du récit, le personnage de Pierre,
enfant malingre mais subtil dont le principal handicap est d’avoir un cœur dont
l’amour déborde comme la source, cette Gὁvia.
Fils
d’un père brutal et violent, il passera bien du temps dans une grotte sous l’église
d’Amans, il y trouvera le corps momifié de l’ancien curé de la petite paroisse,
prêtre réfractaire sous la révolution qui mourut là pour échapper à ceux qui le
pourchassaient. Mais, s’il doit se défendre, il doit aussi protéger sa mère et
il devra donc quitter son abri pour se rapprocher d’elle.
Toujours
prêt à servir, il se retrouvera à aider les résistants, encore au péril de sa
vie.
Mais
inlassablement, Pierre compose et chante ses propres chansons, celles-là mêmes
que l’auteur nous restitue avec tant de soin. Je ne vous en chanterai pas mais
ne résiste pas à vous en réciter une, dans le texte français livré par l’auteur :
« Là-bas à la rivière / Lerié dondaine / Il y a un pré à faucher / Lerié
dondon / Il y a trois jeunes faucheurs / Qui l’ont pris à faucher / Il y a
trois belles filles / Elles l’ont pris à faner / La plus belle de toutes / Va
chercher le dîner / Elle ne fut pas partie / Qu’on la voit s’en retourner /
Venez dîner, faucheurs / Vous l’avez bien gagné / De trois, deux y allèrent / L’autre
n’y alla pas / Belle qu’avez-vous fait à l’autre / Qu’il ne vienne pas dîner ?
/ C’est votre amour, belle / Lerié dondaine / Qui l’empêche de dîner / Lerié
dondon. »
Sans
fin, Pierre chante des chansons simples comme les choses de la vie paysanne,
toujours il console les autres par cette grâce poétique. Son destin était de
marquer à jamais ce coin de terre et soyons reconnaissants à Georges Boué d’avoir
sauvé sa mémoire.
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