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jeudi 19 mars 2020

Appelez-moi Fortunio (58)


Bingo ! Et qu’y a-t’ il dans le tiroir ? Un flingue. Albert n’y connaît rien en armes mais il sait quand même reconnaître un flingue. Quant à savoir s’il est chargé ou s’il est armé, niet ! Il y a aussi trois boîtes de cartouches, et du matériel d’entretien.
Albert ferme le tiroir à clé et met la clé dans sa poche. Il remet la planche-tiroir en place et se lève, doucement, il est intrigué par la poupée piquée d’aiguilles, une question à poser à Daniel. Dans la bibliothèque, il regarde s’il ne trouverait pas une lecture pour la soirée au cas où Daniel mettrait un programme sans intérêt. De la philosophie, de l’ésotérisme, il ne se sent pas trop inspiré par cela. Tiens, un Jules Vernes qu’il ne connaît absolument pas, « Le Château des Carpathes » ! Pourquoi pas se dit Albert et il le sort du rayonnage.
D’un coup, il se rend compte du fait que le soir est là, il est presque vingt heures et il a faim. Dans le salon, la télévision crache toujours son lot de publicités et d’âneries, il entrebâille la porte et constate que Daniel est toujours dans son fauteuil, l’œil glauque et la lèvre inférieure avachie. Laissons-le dans son rêve, pense Albert, allons voir ce qui peut se manger ce soir.
Pour changer de la pizza, il repère un sac de jolies pommes de terre, il fouille dans le frigo et sort deux grandes tranches de bavette. En cherchant un peu plus, il trouve quelques échalotes et il reste encore de la salade. Cette maison est pleine de ressources, pense-t-il. Il y a aussi une friteuse électrique, la graisse semble parfaitement acceptable. C’est parti pour une bavette à l’échalote-frites-salade ! Il va annoncer le menu à Daniel qui sort de sa torpeur médiatique et acquiesce nonchalamment. Pendant la première cuisson des frites, il descend rapidement à la cave où il avait repéré une caisse avec des bières en 75 cl et il en remonte deux, histoire de bien démarrer. Une fois que la cuisine est bien sur les rails, il appelle Daniel qui arrive pesamment.
-          Méé, méé, on dirait qu’on va se régaler, dit-il.
-          Tu ne vas pas regretter ta pizza aromatisée au coca ?
-          Non, non, il faut changer un peu, tu as raison mais je ne sais pas cuisiner, moi. Même si en taule j’ai travaillé à la cuisine, je faisais seulement la vaisselle. Pour ça, je suis champion, mais pour le reste, tintin !
-          Dommage, tu aurais dû en profiter pour te faire une formation de cuistot…
-          Tu parles, les cuistots, là-bas, c’étaient des mecs qui te tenaient à distance, pas question de mettre son nez dans la tambouille. C’était l’essuie et ferme ta gueule ! Mais bon, on n’y était pas si mal à la cuisine, faut dire.
-          Allez, madame est servie ! Assieds-toi et sers toi de viande, les frites arrivent.
-          En tout cas, les entrecôtes sont mastars…
-          C’est pas des entrecôtes, patate, c’est de la bavette. Et tu as raison, ce sont des beaux morceaux. Alors, avec ça, monsieur voudra-t-il une larme de bière ?
-          Ah, de la bière ! T’as trouvé ça où ?
-          A la cave, il y en a deux caisses.
-          C’était la bière préférée de mon père, la Henlein ça s’appelle, non ?
-          Presque, c’est une bière du Nord ou du Pas de Calais, j’aime bien moi aussi.
-          Alors, si tu sais remplir un verre avec une larme, remplis-le moi ! Et à la santé de mon père, le pauvre !
-          Et à propos, pourquoi « le pauvre » ?
(à suivre...)

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