Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Parmi les histoires de la campagne, il y en a bon nombre qui parlent des animaux, que ce soient les animaux de la ferme ou les animaux sauvages. Les premiers sont souvent appelés animaux domestiques, du latin domus qui signifie maison mais aussi tout ce qui concerne la vie privée, le ménage ou plus largement le domaine. Les seconds sont souvent considérés soit comme gibier soit comme nuisibles, ou les deux à la fois. Mais tous font partie de l’environnement rural en général et paysan en particulier. Si maintenant beaucoup d’exploitations agricoles se dispensent d’avoir des animaux, autrefois et dans un passé pas si lointain, les paysans ne pouvaient se passer d’avoir veaux, vaches, cochons, couvées, chiens, chats et patin couffi. L’animal faisait partie de la vie de tous les jours, les cours des fermes retentissaient du chant du coq comme du meuglement du bétail. Et même parfois trouvait-on, chez d’aucuns, les animaux trônant dans la cuisine.
Les animaux dits domestiques étaient censés être apprivoisés et répondre à l’appel de leurs maîtres mais tout cela est vite dit et une surveillance constante était généralement nécessaire car avec une telle diversité il n’était pas question d’enclore tous les animaux. Les animaux faisaient partie non seulement de la vie quotidienne mais de l’imaginaire traditionnel. D’ailleurs, ne disait-on pas d’une mamie qui, du fait de son grand âge, oubliait ceci ou cela : « Oh, la pauvre mémé, elle est plus trop bien, elle commence à perdre les aouquats ! » ou du pépé qui commençait à décraboter : « Ah, lou pobre ca, a questé cop il perd les piottes ! » Cela faisant référence aux vieux quand on les envoyait garder les oies ou les dindons au pré.
Mais, de toute la grange et de toute la basse-cour, l’animal le plus indépendant était bien la pintade. D’une part elle a un cri moqueur et joyeusement bruyant mais encore elle va se chercher sa nourriture au fond des combes, assez loin des poulaillers. Mais, assez grégaire, la pintade revient en principe à son port d’attache, sa ferme. Mais il n’est guère question de la faire entrer dans quelque poulailler, elle préfère de loin se percher près des maisons, dans un gros chêne par exemple. On pourrait la croire, à près de dix mètres de haut, à l’abri des prédateurs en général mais s’il est un rusé compère, c’est bien le renard et on le dit capable d’hypnotiser la pintade, en pleine nuit et sous la lune, jusqu’à ce qu’elle se laisse tomber. C’est ce que raconte la fable que je vais vous dire et je remercie Jérôme, un paysan de ma petite commune, d’avoir validé ce savoir ancestral.
Le renard et la pintade :
Minuit, la ferme est endormie, / Un maigre filet de fumée / S’effile sur la cheminée, / L’herbe, blanche de givre, brille. / Les grands chênes tendent leur front / A la bise venue du nord. / La lune livide en décor, / Un souffle en musique de fond. / Une ombre discrète et furtive, / Moirée de reflets ambrés roux, / Dans un glissement lent et doux / Se cache au pied de la massive / Et large ramure du chêne / Au faîte duquel sont perchées / Quatre pintades chamarrées, / Un œil fermé, l’autre qui traîne / Guettant le péril du rapace, / Pattes bien serrées sur la branche. / Sur le sol, dans la gelée blanche / Le goupil a laissé sa trace. / Il se tapit au pied de l’arbre, / Nuque souple, museau pointant / Et fixe d’un regard perçant, / Le corps figé comme le marbre. / Il pointe d’un aigu regard / Le bel oiseau dont la prunelle / Brillante s’affole, étincelle, / Enfin se fige face au dard / De cet œil sûr et envoûtant. / Il fixe et lentement oscille / Visant le fond de la pupille / Du volatile qui, tremblant, / Lâche sa branche sans crier, / Enfin tombe comme une masse. / Le malin vite la ramasse / Et l’emporte dans son terrier.
Voilà, c’est tout et c’est une vraie histoire.
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