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dimanche 29 novembre 2020

Contes et histoires de Pépé J (13) Thérèse Desqueyroux

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Je vous ai souvent parlé d’écrivains du sud-ouest que je pensais méconnus et méritant d’être remis en lumière. Cette fois, je vais vous parler d’un de nos plus célèbres chroniqueurs et romancier, à savoir François Mauriac. Et, si je me permets d’en parler ici, c’est parce qu’un de ses plus célèbres romans, Thérèse Desqueyroux, se passe dans la région bordelaise et s’inspire largement d’une histoire authentique, à savoir le procès de Henriette Blanche Canaby.

 

Mauriac excelle à décrire l’atmosphère de la bourgeoisie de la région bordelaise, enrichie par le commerce et protégée par son étroitesse morale. Il excelle aussi à rendre la beauté comme la tristesse des forêts de pins qui trempent les caractères dans le plaisir de l’air océanique l’été et dans une humide mélancolie sylvestre en automne et en hiver. Il a assisté, à l’âge de 21 ans, au procès qui va l’inspirer pour publier vingt ans plus tard le livre. La trame de l’histoire vraie servira de trame au roman mais, comme il le dit lui-même, il a surtout emprunté à l’accusée sa « silhouette », si petite entre les deux gendarmes dans le box des accusés, cette bouche mince, cet air traqué. Et en effet, suivant le dessin qui nous est resté d’elle, c’est une physionomie fine, fière et dont le calme semble cacher l’émotivité.

 

Revenons donc à Henriette Blanche Canaby, elle fut accusée d’avoir tenté d’empoisonner son mari et pour cette raison fut jugée en Cour d’Assises à Bordeaux. Mais les choses ne sont pas si simples que cela car les premiers doutes sont apparus lorsque son mari, victime d’une maladie sur laquelle les médecins avaient du mal à se prononcer, part à l’hôpital où en peu de temps il se rétablit. Le médecin a des doutes qui sont corroborés par le médecin de famille qui se rend compte du fait que des fausses ordonnances à son nom ont été présentées en pharmacie. Ces ordonnances portaient sur des poisons dont l’aconitine et la digitaline. Mais si les médecins initient une enquête, ils doivent rester discrets car, d’une part, on est dans le milieu de la bonne bourgeoisie bordelaise et, d’autre part, il y a beaucoup de liens familiaux dans cette affaire. De plus, on n’est jamais certains, à l’époque, de la réalité de l’empoisonnement. En effet, le poison le plus fréquent – à l’époque – est l’arsenic. Et l’arsenic est utilisée entre autres pour se débarrasser des nuisibles. Il y a bien eu de l’arsenic chez les Canaby mais aucun commencement de preuve d’empoisonnement à l’arsenic.

 

L’enquête avance comme elle peut et seule cette histoire de fausses ordonnances semble établie mais Henriette allègue qu’elle a accepté de faire chercher chez des pharmaciens l’aconitine et la digitaline  pour rendre service à quelqu’un qui le lui a demandé et dont elle donnera même la description. C’est dans ce contexte-là que va débuter le procès mais, si l’accusation d’empoisonnement est toujours tenue par le ministère public, Henriette compte parmi ses témoins à décharge sa belle-mère et son mari qui dira avoir toujours pris une préparation à base d’arsenic.

 

Le doute plane sur l’accusation et l’avocat de l’accusée saura puissamment en jouer, arrivant, à ce qu’il paraît, à faire pleurer l’assistance et jusqu’aux gendarmes. Et il aura cette phrase formidable : « Fermons le code ! Ouvrons nos cœurs ». Finalement, Henriette sera acquittée de l’accusation d’empoisonnement et néanmoins condamnée à quinze mois de prison pour faux et usage de faux. Une fois libérée, elle quittera son mari et ira vivre pendant trente ans à Paris avant de revenir vivre dans la région bordelaise.

 

Mauriac décrivit une femme fine, intelligente et cultivée qui n’avait pu s’adapter à vivre dans une société riche mais étroite d’esprit. Il avait vu juste, je crois.

Voilà, c’est tout et c’est une vraie histoire,

 

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