Une fois repu, il prend, à travers les bruyères, le chemin qui mène vers la route, jusqu’à l’arrêt du bus.
Le bus arrive peu après, il monte à l’avant pour mieux voir défiler le paysage. Il décide de descendre en ville, sans attendre l’arrêt de la gare routière, bien plus proche de chez lui. En remontant l’artère principale, il avise la boutique d’un brocanteur et, après avoir regardé la devanture, il se décide à entrer. Il y a de belles choses, il cherche un petit tableau à accrocher à ses murs mais rien ne lui convient. Le brocanteur est de surcroît peu avenant, il sort donc sans rien acheter. Quoi qu’il en soit, la ville est si agréable à arpenter qu’il souhaite continuer à la visiter. Il arrive sur une place et découvre la vitrine d’un antiquaire, le genre de magasin un peu trop chic pour ses moyens. Mais, au diable l’avarice, il entre avec son petit sac à dos, pensant se faire refouler sans tarder.
En poussant la porte, il fait sonner le léger timbre, mais personne ne se manifeste. Il avance dans le magasin, se délestant de son sac en le prenant à la main par la poignée du haut. La boutique est encombrée de meubles de valeur, il a peur de les érafler en passant et se demande si sa présence n’est pas incongrue dans ce lieu.
– Entrez, entrez, ce n’est pas tous les jours que je vois venir des sportifs ici, dit une voix qui vient de derrière une vitrine de style.
– Excusez-moi, mais je suis ici un peu en touriste, je ne voudrais pas vous déranger, dit il précipitamment.
– Pourquoi me dérangeriez-vous ? répond la voix. C’est le moment de ma tasse de thé et je serais fort heureux de partager le contenu de ma théière avec un honnête homme, que dis-je, un humaniste peut-être. Qu’en pensez-vous cher monsieur ?
– Me voilà pris au dépourvu, monsieur, je suis seulement à la recherche de petits tableaux pour garnir mes murs et je me vois invité à une tea-party !
– Peut-être n’avez-vous pas les moyens de vos ambitions, mon cher monsieur, mais votre amitié, ou tout au moins votre présence amicale, me ferait plaisir car si j’aime beaucoup le thé, j’aime plus encore le déguster en bonne compagnie.
Il se sent désarmé par tant d’affabilité, pose son sac à côté de la petite table où l’homme plus âgé que lui mais portant beau, le cheveu blond et argent, se lève, lui propose une chaise et va chercher une autre tasse qu’il pose devant Hervé qui se sent un peu contraint dans son habillement de marcheur. Cependant, par son accueil bienveillant, l’antiquaire a tôt fait de le mettre à l’aise. Il lui sert du thé.
– Puis-je considérer que vous acceptez mon invitation ? lui dit-il.
– Avec plaisir, monsieur, mais je suis un peu confus…
– Tss, tsss, voyons, vous me faites plaisir en vous assoyant en face de moi. Vous êtes un grand marcheur, dites-moi ?
– Non, pas du tout, je viens de prendre ma retraite et je me suis installé dans la région.
– Ici en ville ?
– Non, je n’en ai pas les moyens, je n’ai qu’une modeste retraite. J’ai trouvé un petit meublé, rue Équoignon.
– Cela existe cette rue ? C’est dans les nouveaux quartiers ?
– Nouveau, si l’on peut dire, la maison date des années trente…
– C’est bien ce que je disais. Mais ne faites pas attention, je ne suis jamais sorti du centre de Saint-Lambaire.
– Donc, j’ai trouvé ce meublé pas trop cher et mon ambition, si je puis utiliser ce mot, est de découvrir ce beau pays en marchant.
– Vous avez raison, le pays est très beau et moi-même j’aime marcher, mais je me contente de ma promenade journalière, une petite demi-heure en ville. Et qu’est-ce qui vous amène chez moi ? lui demande-t-il.
(à suivre...)
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