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jeudi 24 décembre 2020

Dernier tableau (8)

 

La partie est acharnée et Raymond l’emporte au dernier tour, d’une courte tête. à ce moment entre une dame d’une cinquantaine d’années, élégamment habillée. L’antiquaire se lève, faisant signe à Hervé de ne pas bouger, et s’empresse auprès de sa cliente.

 

– Mes hommages, Madame Le Blévec, c’est toujours un honneur et une joie pour moi de vous recevoir ici. Voulez-vous vous asseoir ?

– Merci, Monsieur Marondeau, mais je voudrais trouver un miroir ou un tableau, vous savez, pour mettre sur le dessus d’une cheminée. Dans l’antichambre, nous avons une très belle cheminée affligée d’un tableau hideux, une de ces natures mortes avec de la volaille ou du gibier. Vous avez bien quelque chose à me proposer, je verrais bien une marine…

– Ne mettez pas une marine au dessus d’une cheminée, chère Madame, je verrais plutôt une nature morte, mais bien évidemment pas un étalage de volailler, une nature morte avec des fleurs, des fruits, éventuellement une scène de chasse. Si vous voulez une marine, je peux vous en proposer, mais pour votre salle à manger, votre salon. Regardez cette nature morte par exemple. Bien sûr le cadre ne lui convient guère, mais je pourrais le faire modifier, ce qui serait beaucoup plus opportun. Je ne vous dis pas de choisir ce tableau néanmoins, il est peut-être un peu terne, mais cela donne une bonne idée de ce que je pourrais vous proposer.

– Je retiens votre proposition, Monsieur Marondeau, je crois que vous trouverez quelque chose qui me conviendra. Mais à propos de marines, vous avez, dites-vous, quelque chose, un très beau tableau pour mon salon ? J’aimerais me débarrasser de quelques horreurs qui datent de mes beaux-parents et donner à mes murs un peu plus de lustre.

– Oui, j’ai justement une très belle marine d’Artur Leyden, venez la voir, elle est par ici. Connaissez-vous Artur Leyden ?

– C’était un peintre lambairien, je crois, répond Madame Le Blévec.

– Oui, sa cote n’est plus ce qu’elle a pu être, mais sa peinture a gardé toutes ses qualités artistiques. Pour qui l’achèterait, ce serait une acquisition de prestige, autant qu’un placement à long terme. Et il a une telle cote d’amour ici à Saint-Lambaire ! Voyez si ce tableau est superbe. Et il n’est vraiment pas à son avantage dans ce recoin si mal éclairé. Mais dans un salon aussi beau que le vôtre, je suis certain qu’il y sera comme dans un écrin…

– Je suis très tentée, Monsieur Marondeau, je ne venais pas pour cela, mais vous êtes toujours de si bon conseil…

– Chère Madame Le Blévec, les plus beaux objets doivent aller aux personnes qui savent les apprécier et les mettre en valeur. Et votre beauté donne de l’éclat aux plus belles choses.

– Vous me flattez, Monsieur Marondeau, mais je m’en voudrais de vous contredire, répond-elle en souriant. Alors, ce Leyden, il n’est pas hors de prix tout de même ?

– Comme je vous l’ai dit, chère Madame, sa cote n’est plus ce qu’elle était. Une marine comme celle-là valait, il y a vingt ans, dans les cent-vingt ou cent-cinquante mille francs. Aujourd’hui, je la vends seize mille euros et dans dix, quinze ou vingt ans, elle aura cinq à dix fois plus de valeur. Vous ne trouverez nulle part une aussi belle affaire. Mais c’est surtout un tableau de toute beauté. Vous savez, des Leyden, il est extrêmement rare d’en trouver… ceux qui en ont les gardent pour eux et c’est bien pour cela qu’il retrouvera sa cote un jour !

 

Elle s’approche du tableau, le scrute de près, puis recule pour le regarder sous des angles différents.

 

– Je suppose que vous le vendez avec un certificat ? demande-t-elle à Marondeau. J’ai confiance en vous mais à ce prix-là, j’aime bien avoir une garantie écrite.

– Bien sûr, Madame Le Blévec, votre confiance m’honore mais je suis bien loin d’être un expert en peinture. J’ai donc un certificat d’authenticité établi par un expert reconnu.

– Bien. J’en parlerai ce soir à mon mari, mais vous pouvez considérer que le tableau est à moi dès maintenant. Pour la nature morte, trouvez-moi quelque chose de bien et je vous prendrai les deux tableaux pour seize mille. Au revoir, Monsieur Marondeau.

– Au revoir, Madame Le Blévec, je m’occupe de tout. Mais confirmez-moi tout cela dès que vous le pourrez.

 

Elle sort, très altière, et Marondeau ferme la porte derrière elle.

 

(à suivre...)
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