Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour.
Après avoir dégoisé tant et plus sur les glands, les navets les sots et autres
foutriquets de toutes farines, il serait reposant, comme dirait Sylvia, de changer radicalement de sujet. Et s’il est
un sujet que jamais nous n’avons abordé, c’est bien le chou. Il n’est pas
question de piétiner les plates-bandes des collègues chroniquant les marmites
et casseroles, le jardinage ou les légumes frais mais seulement de parler de ce
légume éminemment populaire non seulement pour les relâchements du ventre qu’il
est censé produire mais encore pour sa bonté intrinsèque exprimée dans tant
d’expressions communes telles que mon chou, ça serait chou, mon p’tit chou, mon
chouchou ou mon bout de chou. Malgré sa bonté, il est à ménager comme la chèvre
et c’est dans les choux que naissent les enfants qui n’ont pas pu passer par
les voies naturelles. Et de plus, associé à un ou plusieurs de ses congénères,
il partage avec le caillou, le hibou, le genou, le pou, le joujou et le bijou
la gloire de posséder un x lorsqu’ils sont à plusieurs. De là l’expression
« une certaine quantité plus x » et « né chou x ».
Il y a toutes sortes de choux, depuis le chou frisé et le chou plat
jusqu’au chou-rave et au chou-fleur, je n’arriverais pas à en dresser une liste
exhaustive. Il y a le chou blanc, le chou rouge et le tête de nègre, le chou
caulet si cher au bétail, le chou à choucroute, le brocoli si élégant dans ces
petits bouquets et l’arbitre des élégances des choux, le Romanesco dont les
bouquets dessinent des fractales qui eussent réjoui Mandelbrod. J’allais
oublier le chou de Bruxelles, plus belge encore que la frite, qui est la plus
mignonne des miniatures du chou, naissant aux aisselles du trognon. Qu’on
l’appelle raba caul ou Kohlrabi, suurkrüt, chou cabus ou cabbage, le chou n’a
pas fini de nous surprendre. On
en met dans le stoemp qui a servi de régal obligatoire à un peuple entier
de petits Bruxellois dont il a fortifié les muscles et encouragé la propension
à la bedaine. Mais le chou n’a pas
toujours bonne presse et Serge Gainsbourg a fait un album intitulé « l’homme à la tête de chou ». Une
feuille de chou est un journal de peu de valeur et des oreilles en feuille de
chou sont considérées comme peu élégantes. Louis-Ferdinand Céline
écrivait : « L’été aussi tout sentait fort. Il n’y avait
plus d’air dans la cour, rien que des odeurs. C’est celle du chou-fleur qui
l’emporte et facilement sur toutes les autres. Un chou-fleur vaut dix cabinets,
même s’ils débordent. ». Jean Girault, dans son film « La soupe aux
choux » adapté du roman de René Fallet permet à Jean Carmet et Louis de
Funès de partager leurs variations mélodiques mais sans la fragrance qui s’y
rattache. Et les expressions « prendre le chou » et « faire chou
blanc » ne sont pas des moindres.
Pourtant, le chou était fort prisé des bons
auteurs de l’antiquité : Pythagore et Platon en ont célébré les vertus et
Pline l’Ancien y a consacré de longues tablettes. S’il reconnait en effet des
effets de relâchement du ventre, bénéfiques selon ce vénérable auteur, il
recense aussi moult utilisations thérapeutiques de ce généreux légume. Et il
conseille, parmi d’autres médications, l’urine de celui qui a mangé du chou,
préalablement chauffée et administrée en breuvage contre les maladies
nerveuses. Je pense en effet que ce remède est certainement plus adéquat que
tous nos antidépresseurs, anxiolytiques et psychotropes modernes pour un prix
abordable même sans le remboursement de la Sécurité Sociale.
J’ose
à peine citer encore Savinien Cyrano de Bergerac qui disait : « Je trouve pourtant bien du distinguo entre les femmes et les choux ; car des choux la tête seule est bonne, et des femmes c'est ce qui ne vaut rien. » Il disait aussi :
« Vous anéantissez l'âme d'un chou en le faisant mourir ; mais en
tuant un homme vous ne faites que changer son domicile »
On
voit par-là que faut pas jouer les riches quand on n’a pas le chou.
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