J’en ai vu, moi, des trains partir
vers l’horizon
J’en ai quitté aussi, descendu sans
raison
Vers une vague rive, une sombre
lumière.
Sur les quais des gares, je voyais
à l’arrière,
Rouge œil de cyclope, le fanal
s’éloigner,
La gare déserte, tous s’en étaient
allés.
Longtemps je restais là, les yeux
fixant la voie,
Sous les caténaires, et seul dans
le vent froid.
Trains partis dans la nuit vers des
destinations :
Bordeaux-Vintimille, Saint-Etienne
-Lyon,
De Paris à Irun, de Limoges à
Paris,
Changement aux Aubrais, terminus au
Perthuis.
Cri des rails qui grincent, des
boggies qui claquent
Et des aiguillages où les roues
craquent,
Les sifflets en gare, trompes de
croisement,
Au fond des campagnes comme des
mugissements.
Refrain :
Partir et tout
quitter, partir pour un ailleurs,
Roulant vers
l’inconnu, voguant vers un meilleur
Rêvant la croisière, infini
voyageur,
Visant un autre part,
volant vers le bonheur
Je le croisais chaque jour sur le
quai désert
D’où partaient ces cargos, ventrus
et mercenaires.
Et puis on s’est parlés, il m’a
tout raconté,
Les mers en furie, l’océan déchaîné.
Il partait pour des ports vers des
Amériques,
Veracruz, Tampico, ces villes du
Mexique,
Pour les grands archipels, Hawaï ou
La Sonde,
Sur un pétrolier pour un tour du
monde,
Bourlinguant sur un brick,
affrétant des dragues,
Passager clandestin fuyant dans la
vague
Sur une corvette cinglant pleines
voiles,
Prenant le fil de l’eau, visant une
étoile,
Mourant à chaque fois sur le flot
fantasque
Paré à renaître après la
bourrasque.
Il parlait sans cesse décrivant les
vaisseaux
Poursuivant la lame sur les fonds
abyssaux
(refrain)
C’est ainsi que nous allions, lui, moi,
tous deux,
Voir partir les avions s’envolant
vers les cieux,
Le terminal ouvert comme une
esplanade.
Et tel un musicien pour la sérénade
Je me tenais debout, les jumelles
pointées
Mirant les grands oiseaux, départs
et arrivées,
Fiumicino-Orly, Venizélos-Roissy,
De Cointrin à Schiphol, Kennedy à
Grozny,
Airbus ou Antonov, réacteurs
vrombissants,
Boeing ou Tupolev, quadrimoteurs
hurlants,
Sillages dans le ciel, sifflets
dans les oreilles.
Lui et moi fascinés par des nuits
sans sommeil
Passées à animer les salles des pas
perdus
Où reposaient fébriles des migrants
éperdus.
Après ce festival, muets nous
repartions
Touristes fantômes, voyageurs
d’illusion.
(refrain)
© Pierre Jooris
" Touristes fantômes, voyageurs d’illusion."
RépondreSupprimerCela vous a plu ?
SupprimerPasser frontières sans quitter le salon....voilà qui est fait! Merci... Béné Méri chanteuse
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