Auditrices et auditeurs qui m’écoutez,
bonjour. Une fois encore, l’automne arrive, subreptice quoiqu’implacable. Les
feuilles dorées volètent et se posent sur les trottoirs ou dans les allées,
couvrant le sol d’une parure mordorée comme si elles n’avaient tant vécu que
pour ce fulgurant éclat. Mais bientôt les ouvriers communaux et les retraités
sourcilleux chasseront à coups de balais ces malicieuses décorations qui
pourraient bien, aidées par quelque subtile pluie, menacer le col du fémur de
quelque senior en goguette. Et l’on peut encore se réjouir du chant du balai
alors que, le progrès faisant rage, d’aucuns chassent les feuilles avec de
mélodieux souffleurs à moteur thermique. Inutile d’insister, il y a encore pire
car l’élu conscient de ses responsabilités et gonflé de son importance veille
au grain : il surveille de près ces arbres de tous les dangers, depuis le
platane sournois qui attire l’automobiliste innocent vers son tronc jusqu’à
l’envahissant marronnier qui prétend garnir les squares, les allées et les
avenues de ses marrons, de leurs bogues et de ses larges feuilles. Si l’élu chevronné
fait l’orgueil de la nation, il fait aussi la crainte de tout ce qui pousse
naturellement et qui n’est point rigoureusement encadrable, goudronnable et
cimentable. Et ce ne sont pas les nouveaux enmarchistes lobbyisés qui
modifieront ce strict programme, ils sont les nouveaux zélateurs du monsantisme
sous toutes ses formes religieuses, brûlant ce qu’ils ont adoré et adorant ce
qu’ils ont brûlé.
Mais revenons à l’automne, ses feuilles
légères, ses escargots tranquilles et ses matins brumeux. Voilà déjà que se
pressent les pratelles - dites rosés des prés -, gentils boutons blancs qui
avoisinent dans l’herbe le timide colchique. Voilà que les cèpes dodus
s’impatientent dans les fourrés et que girolles et chanterelles tentent de
soulever les feuilles pour éclairer le sous-bois de leur or brillant ; les
noyers garnissent les bords de route de leurs fruits délicieux et les
hirondelles se rassemblent, piaillant sur les fils aériens. A l’aube, la brume
se forme sur la rivière, elle s’épaissit et emplit la vallée puis tente de
gravir le coteau jusqu’à ce que le soleil paraisse et la dissipe joyeusement,
rappelant que l’hiver n’est pas encore là et que l’été indien peut encore
arriver.
Revenons à l’automne, les grains et les
pailles sont récoltés, seuls restent quelques sorghos et maïs qui eux aussi
passeront à la batteuse. Le gros des
vendanges est dans les cuviers et seules restent les rares et précieuses
vendanges tardives qui attendent le vigneron en saoulant les grives. Le fin
chasselas doré réjouit déjà nos palais
et les plus belles grappes attendront Noël dans leur petit panier afin
de régaler les gourmets. Les sangliers dégustent les glands dans la forêt et
les cerfs brament dans la nuit jusqu’à l’épuisement.
Revenons à l’automne, avec ces feuilles en
arrivent d’autres les feuilles d’impôt : taxe d’habitation, taxe
audiovisuelle et taxe foncière reviennent comme les marronniers. Toutefois les
percepteurs ne sont pas des oiseaux migrateurs, loin s’en faut, ce sont de
voraces papivores s’engraissant toute l’année des fruits de notre labeur et ils
viennent jusque dans nos montagnes imposer le fisc dans les campagnes. Tout
leur est zéphyr, ils ne connaissent point de saison et, comme l’âne chargé de
sel, il font disparaître leur cargaison dans les ruisseaux de Bercy.
Ô saisons, ô châteaux, on voit par-là que
l’on ne sait quel âne est sans défaut
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