Auditrices et auditeurs qui
m’écoutez, bonjour. J’ai fait un rêve absurde mais tous les rêves ne sont-ils
pas ainsi ? Sans me prendre pour Athalie, je citerai Racine : Un
songe (me devrais-je inquiéter d'un songe?) / Entretient dans mon cœur un
chagrin qui le ronge. / Je l'évite partout, partout il me poursuit. / C'était
pendant l'horreur d'une profonde nuit.
L’horreur
est humaine, paraît-il, mais la nuit dont je parle est celle de la campagne
électorale pour les élections présidentielles : force est de reconnaître
que certains candidats ont profité d’une ombre propice pour s’en mettre plein
les fouilles, quelquefois même les fouilles de leurs femmes, enfants, veaux,
vaches, cochons, couvée et patin couffin…Et ce fut pendant cette nuit que je me
surpris à faire le songe suivant : un laboureur sans enfants vint à
décéder pendant la campagne électorale et, pour ne pas mourir intestat, il
avait prévu de léguer à chacun des onze candidats un hectare de bonne et belle
terre labourable, à charge pour ce dernier de le faire fructifier. A tout
détrousseur, tout honneur, ce fut monsieur Fillon qui eut le premier lopin. Avec
l’argent de quelques costars de luxe vendus aux fripes, il fit construire une
splendide résidence toute équipée de piscines, spas et cabinets noirs. Puis il
revendit maison et terrain après avoir stipulé que c’était la résidence
principale de l’oncle de la concierge d’un de ses assistés parlementaires, ce
qui lui évita de payer de l’impôt sur les plus-values. Vint ensuite le tour de
madame Le Pen qui s’empressa de procéder à l’érection d’une statue équestre de
son père avec Jeanne d’Arc en tape-cul. Elle n’aliéna point ce bien mais au
contraire fit payer aux gogos admiratifs un droit d’entrée dans ce musée des
erreurs, ce qui la combla d’aise autant que d’espèces sonnantes et
trébuchantes. Monsieur Macron, tout heureux, juché sur son palefroi-bayrou, fit
construire un complexe bancaire décomplexé, une gigantesque gare routière avec
de minuscules abribi car il est inutile de donner envie au petit peuple de
s’abriter trop longtemps, il pourrait y prendre goût. Monsieur Hamon prit
possession de son terrain avec modestie et madame Vallaud-Belkacem dont le
soutien lui était acquis, puis il fit construire une belle cité HLM avec
guichet à revenu universel. Monsieur Mélenchon, sans barguigner, débarqua dans
son nouveau fief afin d’y faire bâtir un zénith personnel pour haranguer les
foules au bord d’une piscine olympique dans laquelle il fit une démonstration
de pédalo, bras dessus bras dessous avec
l’hologramme de monsieur Hollande. Monsieur Dupont-Aignan, ce fonctionnaire qui
veut mettre la France debout, avec madame Bardot qui ne sait plus où donner du
soutien à droite, fit bâtir un palais pour des animaux bien de chez nous sans
compter quelques macaques. François Asselineau, fantomatique inspecteur des
finances, fit bétonner le tout pour y installer une rampe de lancement pour une
fusée Frexit ainsi qu’une station
d’écoute pour espionner les Etats-Unis. Monsieur Cheminade, quant à lui,
fonctionnaire lunaire, fit macadamiser le tout pour y installer une base
spatiale pour l’exploitation de la lune ainsi qu’un troquet où il fera valider
ses comptes de campagne. Madame Arthaud, fonctionnaire elle aussi mais dans
l’enseignement, fit bâtir une agence du Crédit Lyonnais en hommage à Madame
Laguillier et un vaste auditorium pour s’adresser à la population de
travailleuses et travailleurs méritants. Monsieur Poutou fit bâtir une tour
gigantesque pour abriter le million de fonctionnaires qu’il embauchera dès son
élection. On le voit, tous ces candidats ont bétonné, goudronné et macadamisé
mais il n’en restait qu’un seul et c’était Jean Lassalle qui arriva à pied car
lui, quand il dit « en marche », ce n’est pas dans une limousine mais
sur ses deux jambes avec les pieds sur terre. Il ne lui restait plus que le
coin le plus pauvre de l’héritage du paysan, un étroit bout de vallée surmonté
d’une aride colline. Lassalle s’émerveilla et dit : « Laissons
tout cela en l’état, voyez combien de gens peut nourrir ce lopin de terre,
cette vallée avec sa maigre source. Gardons-nous des politiciens, des
technocrates et des agriculocrates, vivons de peu mais vivons bien. »
On voit
par-là que c’était un rêve absurde mais que la salle est comble.
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