Auditrices
et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Une hirondelle ne fait pas le printemps mais
déjà les oiseaux tentent de réveiller l’hiver, le matin j’écoute siffler les
merles et poqueter les pics verts[1]. Je ne
parlerai par contre pas de la petite tulipe rouge de l’Agenais, je l’avais fait
il y a un an et il est inutile d’insister au risque d’éveiller des convoitises
pernicieuses pour cette espèce. Quant aux élections à venir, il vaut mieux que
je m’abstienne d’en parler, je ne ferais qu’ajouter à la confusion et aux
brouhahas ambiants. Je parlerai donc du temps qu’il fait. Et je citerai Sara
Toussetra, buraliste et marchande de journaux, déclarant qu’Il n’y a plus de
saisons à une dame dont le caniche trempé de pluie venait de s’ébrouer à
côté du présentoir à journaux, constellant de gouttelettes les unes de notre admirable presse
régionale
En
entendant cela, je me sentis reporté plus de cinquante années en arrière
lorsque, petit garçon, j’accompagnais ma grand-mère à la boulangerie-pâtisserie
de Heusy, charmante bourgade de Wallonie . J’entendis cette remarque
météorologique pour la première fois de ma vie
alors que la boulangère emballait un splendide vaution verviétois. Cette
sentence m’avait surpris alors que j’avais appris à l’école que, précisément,
l’année se détaillait non seulement en douze mois exactement ou en
cinquante-deux semaines à la louche et trois-cent-soixante-cinq jours environ.
Et que tout cela se découpait, ainsi que ce merveilleux vaution, en quatre saisons que l’on pensait
immortalisées par Antonio Vivaldi.
Et voilà
que ce bel édifice, naissant au printemps, culminant en été, déclinant à
l’automne et assoupi pendant l’hiver se trouvait d’un seul coup rayé de la
carte. Voilà qu’au printemps ni ton cœur ni mon cœur ne seront plus repeints au
vin blanc, les amants n’iront plus prier Notre-Dame du bon temps. Voilà qu’il n’y
aura plus d’été à Saint-Germain-des-Prés, ce ne sera plus moi, ce ne sera plus
toi, il n’y aura plus d’autrefois. Voilà que les sanglots longs des violons de
l’automne ne blesseront plus mon cœur d’une langueur monotone, je ne m’en irai
plus au vent mauvais qui m’emporte, de çà, de là, pareil à la feuille morte.
Voilà que l’hiver, le vent la pluie ne chanteront plus leur mélodie, la brume
ou le soleil à mes yeux ne seront plus pareils et mille mandolines ne joueront
plus pour ma rêverie… il n’y a plus de saisons et Jacques, Guy, Paul et Pétula
ont raccroché leurs crampons au vestiaire.
Alors,
s’il n’y a plus de saisons, en janvier j’irai chez le pâtissier, en février je
pêcherai la grenouille de bénitier, en mars je ferai des farces, en avril je ne
me ferai pas de bile, en mai… je vous en laisse pour que vous puissiez vous
amuser vous aussi.
On voit
par-là qu’il n’y a pas plus de raisons de s’en faire que de saisons en enfer
car après la pluie peut encore venir la pluie.
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