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dimanche 2 avril 2017

Chronique de Serres et d’ailleurs II 29



Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Une hirondelle ne fait pas le printemps mais déjà les oiseaux tentent de réveiller l’hiver, le matin j’écoute siffler les merles et poqueter les pics verts[1]. Je ne parlerai par contre pas de la petite tulipe rouge de l’Agenais, je l’avais fait il y a un an et il est inutile d’insister au risque d’éveiller des convoitises pernicieuses pour cette espèce. Quant aux élections à venir, il vaut mieux que je m’abstienne d’en parler, je ne ferais qu’ajouter à la confusion et aux brouhahas ambiants. Je parlerai donc du temps qu’il fait. Et je citerai Sara Toussetra, buraliste et marchande de journaux, déclarant qu’Il n’y a plus de saisons à une dame dont le caniche trempé de pluie venait de s’ébrouer à côté du présentoir à journaux, constellant de gouttelettes les unes de notre admirable presse régionale
En entendant cela, je me sentis reporté plus de cinquante années en arrière lorsque, petit garçon, j’accompagnais ma grand-mère à la boulangerie-pâtisserie de Heusy, charmante bourgade de Wallonie . J’entendis cette remarque météorologique pour la première fois de ma vie  alors que la boulangère emballait un splendide vaution verviétois. Cette sentence m’avait surpris alors que j’avais appris à l’école que, précisément, l’année se détaillait non seulement en douze mois exactement ou en cinquante-deux semaines à la louche et trois-cent-soixante-cinq jours environ. Et que tout cela se découpait, ainsi que ce merveilleux vaution,  en quatre saisons que l’on pensait immortalisées par Antonio Vivaldi.
Et voilà que ce bel édifice, naissant au printemps, culminant en été, déclinant à l’automne et assoupi pendant l’hiver se trouvait d’un seul coup rayé de la carte. Voilà qu’au printemps ni ton cœur ni mon cœur ne seront plus repeints au vin blanc, les amants n’iront plus prier Notre-Dame du bon temps. Voilà qu’il n’y aura plus d’été à Saint-Germain-des-Prés, ce ne sera plus moi, ce ne sera plus toi, il n’y aura plus d’autrefois. Voilà que les sanglots longs des violons de l’automne ne blesseront plus mon cœur d’une langueur monotone, je ne m’en irai plus au vent mauvais qui m’emporte, de çà, de là, pareil à la feuille morte. Voilà que l’hiver, le vent la pluie ne chanteront plus leur mélodie, la brume ou le soleil à mes yeux ne seront plus pareils et mille mandolines ne joueront plus pour ma rêverie… il n’y a plus de saisons et Jacques, Guy, Paul et Pétula ont raccroché leurs crampons au vestiaire.
Alors, s’il n’y a plus de saisons, en janvier j’irai chez le pâtissier, en février je pêcherai la grenouille de bénitier, en mars je ferai des farces, en avril je ne me ferai pas de bile, en mai… je vous en laisse pour que vous puissiez vous amuser vous aussi.
On voit par-là qu’il n’y a pas plus de raisons de s’en faire que de saisons en enfer car après la pluie peut encore venir la pluie.


[1] En effet, le pic poquète (dictionnaire René-la-Science).

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