Auditrices
et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. « Les petits ruisseaux font les
grandes rivières et les petits euros font les riches banquières ». Ainsi
parlait Sara Toussetra, buraliste de son état, en déposant nombre de petits
rouleaux de pièces de monnaie à la banque. Une de ces piécettes s’étant
échappée, notre preste buraliste la rattrapa au vol et, la plaquant sur le
comptoir, s’écria : « encore une que les wali-walous à sweat à
capuche n’auront pas, je vous dépose cela avant de me faire braquer. Quitte à
se faire dépouiller, autant que ça soit par ma propre banque… » L’employée
derrière le comptoir fit mine de n’avoir rien entendu mais derrière madame Sara
se tenait monsieur Poupignon, socialiste et retraité de l’Education Nationale,
qui tiqua par deux fois de la langue pour faire entendre sa réprobation laïque.
Le reproche à peine voilé de monsieur Poupignon ne portait bien sûr pas sur la
relation de madame Sara à sa banque mais sur la description tendancieuse
qu’elle fait des braqueurs dont il faut reconnaître qu’elle disconvient à la
bienpensance de la gauche stéréotypique.
Mais le
sweatshirt à capuche n’est pas, loin s’en faut, l’apanage des petits braqueurs
de quartier, on voit même certains directeurs de radios s’en affubler et, sous
la dénomination hoodie il est en
passe de devenir le must-have de
l’année pour les fashionistas et les
spécialistes de la mode. La mode, paraît-il, prend les devants les plus street
et c’est la rue qui inspire les créateurs. Et le retour du hoodie serait à porter au crédit de la très trendy marque Vetements qui propose des des hoodies aux manches longues adoptés par bien des fanatiques avec le
total look molleton, à savoir le sweat-shirt rentré sous l’élastique de
la jupe. On le voit, ce survêtement populaire est devenu une marchandise huppée
et de prix élevé et, à moins d’avoir des amis qui vous les offrent et les
règlent en espèces - suivez mon regard - vous et moi ne sommes pas près d’en
acheter.
La mode
et les vêtements de luxe sont objets d’émerveillement constant de ma part. Loin
de moi l’idée de trouver cela ridicule mais je peine à comprendre les arcanes
de cette science hermétique qu’est la mode. Une science, comme vous l’avez
entendu, avec son langage très particulier, un jargon anglo-saxonnisant très
pointu et ses adeptes, ses grands-prêtres et prêtresses. Il ne lui manque qu’un
prix Nobel, cela ne saurait tarder.
Mais bien
sûr, la mode n’est pas univoque et elle est un marqueur des forces politiques
qui s’affrontent dans notre société. Tout se passe comme si, idéologiquement,
il s’agissait d’un affrontement entre les BoBos et les BoPaBos. Tout le monde
aura compris que les BoBos sont les bourgeois dits bohèmes et de gauche
(quoique…) et que les BoPaBos sont les bourgeois pas bohèmes donc ni de droite
ni de gauche mais vraiment bourgeois. Pour reconnaître un BoBo, il est habillé
décontracté mais chic, il lit négligemment Labération (prononcer Labé), a fumé
sa moquette et l’a remplacée par du plancher de chez Kikea. Le BoPaBo, quant à
lui, s’habille en costar cravate, pas de chez BricoDupot, non, du chic discret
mais que le connaisseur reconnaît de loin. Et il s’énerve quand il voit monsieur
Poutou venir à la télévision en polo et parler en prolo, le pouvoir est pour
ceux qui savent se vêtir et pas pour ceux qui se contentent de s’habiller. Le
BoPaBo lit le Figaro et Valeurs Actuelles, fume des Partagas et, s’il a de la
moquette chez lui, c’est de l’alpaga. Le BoBo se reconnaît
post-soixante-huitard alors que bien des BoPaBos sont de vrais anciens
soixante-huitards ayant pris le train du conservatisme en marche pour devenir
académiciens ou professeurs émérites.
On voit
par-là que pour suivre la mode, il faut savoir prendre l’arrière-train en
marche.
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