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dimanche 30 avril 2017

Chronique de Serres et d’ailleurs II 33


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. « Les petits ruisseaux font les grandes rivières et les petits euros font les riches banquières ». Ainsi parlait Sara Toussetra, buraliste de son état, en déposant nombre de petits rouleaux de pièces de monnaie à la banque. Une de ces piécettes s’étant échappée, notre preste buraliste la rattrapa au vol et, la plaquant sur le comptoir, s’écria : « encore une que les wali-walous à sweat à capuche n’auront pas, je vous dépose cela avant de me faire braquer. Quitte à se faire dépouiller, autant que ça soit par ma propre banque… » L’employée derrière le comptoir fit mine de n’avoir rien entendu mais derrière madame Sara se tenait monsieur Poupignon, socialiste et retraité de l’Education Nationale, qui tiqua par deux fois de la langue pour faire entendre sa réprobation laïque. Le reproche à peine voilé de monsieur Poupignon ne portait bien sûr pas sur la relation de madame Sara à sa banque mais sur la description tendancieuse qu’elle fait des braqueurs dont il faut reconnaître qu’elle disconvient à la bienpensance de la gauche stéréotypique.
Mais le sweatshirt à capuche n’est pas, loin s’en faut, l’apanage des petits braqueurs de quartier, on voit même certains directeurs de radios s’en affubler et, sous la dénomination hoodie il est en passe de devenir le must-have de l’année pour les fashionistas et les spécialistes de la mode. La mode, paraît-il, prend les devants les plus street et c’est la rue qui inspire les créateurs. Et le retour du hoodie serait à porter au crédit de la très trendy marque Vetements qui propose des des hoodies aux manches longues adoptés par bien des fanatiques avec le total look molleton, à savoir le sweat-shirt rentré sous l’élastique de la jupe. On le voit, ce survêtement populaire est devenu une marchandise huppée et de prix élevé et, à moins d’avoir des amis qui vous les offrent et les règlent en espèces - suivez mon regard - vous et moi ne sommes pas près d’en acheter.
La mode et les vêtements de luxe sont objets d’émerveillement constant de ma part. Loin de moi l’idée de trouver cela ridicule mais je peine à comprendre les arcanes de cette science hermétique qu’est la mode. Une science, comme vous l’avez entendu, avec son langage très particulier, un jargon anglo-saxonnisant très pointu et ses adeptes, ses grands-prêtres et prêtresses. Il ne lui manque qu’un prix Nobel, cela ne saurait tarder.
Mais bien sûr, la mode n’est pas univoque et elle est un marqueur des forces politiques qui s’affrontent dans notre société. Tout se passe comme si, idéologiquement, il s’agissait d’un affrontement entre les BoBos et les BoPaBos. Tout le monde aura compris que les BoBos sont les bourgeois dits bohèmes et de gauche (quoique…) et que les BoPaBos sont les bourgeois pas bohèmes donc ni de droite ni de gauche mais vraiment bourgeois. Pour reconnaître un BoBo, il est habillé décontracté mais chic, il lit négligemment Labération (prononcer Labé), a fumé sa moquette et l’a remplacée par du plancher de chez Kikea. Le BoPaBo, quant à lui, s’habille en costar cravate, pas de chez BricoDupot, non, du chic discret mais que le connaisseur reconnaît de loin. Et il s’énerve quand il voit monsieur Poutou venir à la télévision en polo et parler en prolo, le pouvoir est pour ceux qui savent se vêtir et pas pour ceux qui se contentent de s’habiller. Le BoPaBo lit le Figaro et Valeurs Actuelles, fume des Partagas et, s’il a de la moquette chez lui, c’est de l’alpaga. Le BoBo se reconnaît post-soixante-huitard alors que bien des BoPaBos sont de vrais anciens soixante-huitards ayant pris le train du conservatisme en marche pour devenir académiciens ou professeurs émérites.
On voit par-là que pour suivre la mode, il faut savoir prendre l’arrière-train en marche.

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