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dimanche 30 décembre 2012



Chronique du temps exigu (39)
En Belgique, il n’y a pas que des nouveaux riches ; il y a aussi d’anciens français. Un certain monsieur A. dont nous avons parlé précédemment (25ème chronique) mais aussi un autre monsieur, que nous nommerons Deparlefisc (par discrétion, les noms ont été changés, les intéressés n’ayant peut-être pas atteint une certaine majorité). L’exode des riches a commencé par la lettre A, nous voilà donc à la lettre D, les choses avancent. Les riches vont pouvoir rejoindre la Belgique, doux pays de Canaan pour les fortunés possédants, et un immense acteur pourra rejouer « Les dix Commandements » dont le premier sera : « En France, ton pognon gagneras » et le second : « En France, tes impôts ne paieras ».
La présence de ces crésus en Belgique enrichira-t-elle les belges ? L’avenir nous le dira. Gageons que la légère gabelle dont ils s’acquitteront au profit du fisc belge servira à éclairer quelques routes de plus dans ce beau pays visible par les sélénites aux heures nocturnes.
Quoiqu’il en soit, on comprend que, de nos jours, tout français disposant d’un niveau élevé de revenu se doit de devenir belge, fiscalement tout au moins. Tout français riche est donc un belge qui s’ignore. Tout belge riche est un suisse qui s’ignore et tout suisse riche est un monégasque en puissance (mais que peut-on penser d’un belge qui se serait dépouillé de sa nationalité pour devenir français ?).
Statistiquement parlant, la France fait une bonne affaire en laissant partir ses opulents nababs. En effet, moins il y a de riches en France, plus les démunis semblent opulents et moins ils paraissent pauvres. Mais malheureusement pour les nécessiteux de Belgique, ceux-ci seront à leur tour écrasés sous la présence fastueuse de nos nababs exfiltrés, pour ne pas dire ex-fisqués.
En conclusion, on peut dire que MM. Moscovici et Cahuzac ont lu ma chronique du 7 juin et en ont adapté les idées. En effet, j’y proposais, pour supprimer la pauvreté, d’éradiquer les pauvres. Néanmoins, ma proposition était difficile à réaliser du fait d’un grand nombre de pauvres en France, reconnaissons-le. L’idée géniale de nos deux compères fut de commencer par éradiquer la richesse en éradiquant les riches qui sont tout de même moins nombreux. Mais comment supprimer les riches sans les raccourcir ? Tout simplement en les laissant glisser au fil de l’Escaut jusqu’outre-quiévrain. N’est-ce pas admirable ?
On voit par là qu’il ne suffit pas de donner sa voix, il faut aussi donner des idées.

dimanche 23 décembre 2012



Chronique du temps exigu (38)
Cette chronique ne sera peut-être lue que par ceux qui, attentifs au calendrier des Mayas et soucieux de se préserver, auront survécu à la fin du monde annoncée en se réfugiant à Bugarach. Je suppose que des personnes aussi avisées auront pris la précaution de se munir de systèmes 4G ou autres pour lire ma chronique d’outre-fin du monde.
En 1956, une équipe de chercheurs en psychologie sociale a infiltré une secte qui avait annoncé la fin du monde. Celle-ci n’a pas eu lieu comme vous pouvez le supposer et il ressort de ce que ces chercheurs ont pu observer que les individus de la secte ont « rationalisé » ce qui aurait pu apparaître comme un échec en une glorieuse victoire en déclarant : «C’est grâce à notre croyance, notre sacrifice, que le déluge n’a pas eu lieu. Nous sommes des élus, nous sommes légitimés.»
Voilà donc une manière fort élégante de s’en sortir et cela fait penser à cette parole de Cocteau : « Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur ».
Parlons d’une autre secte, peut-être la plus puissante de toutes, la secte des économistes patentés. Ces derniers nous prédisent des crises, des impasses, des cataclysmes financiers. Leur grande subtilité est de ne prévoir ni la fin du monde ni celle du capitalisme mais seulement la fin d’un soi-disant âge d’or et la venue d’une ère d’austérité et de pénitence. Ils en profitent pour faire avaler d’amères potions au petit peuple et pour accorder des privilèges supplémentaires à ceux qui en ont déjà largement. Et cela fait, ils nous disent bien que c’est grâce à leurs incantations boursicotières, financières et gestionnaires que le cataclysme n’est pas intervenu. Et ils continuent de pontifier, le cul sur un coussin d’actions. Et à faire la morale aux plus bas revenus, responsables de tous les maux de la planète financière.

On voit par là que, si la fin du monde ne se produit pas, il y aura du pain sur la planche.

dimanche 16 décembre 2012



Chronique du temps exigu (37)

« Après avoir sauté son petit déjeuner et la femme de chambre du Bitotel, il prit ses jambes à son cou et un taxi pour l’aéroport. Arrivé à l’aéroport, il reprit ses esprits et une tasse de café. L’affaire n’en resta pas là bien qu’il eût largement défrayé la chronique et la femme de chambre. »
D’aucuns et d’aucunes ont déjà certainement imaginé qu’après avoir pêché une telle phrase dans un de nos quotidiens nationaux ou régionaux, j’allais vous parler du directeur du Foutage Masculin Incontrôlé (F.M.I. pour les intimes). Eh bien, que nenni.
Je vais vous parler aujourd’hui d’une figure de style, le zeugme, zeugma pour les humanistes anciens. Bien moins connu que la catachrèse et l’anacoluthe popularisées par le bouillant capitaine Haddock, le zeugme a une place originale dans le discours car il crée un effet de surprise par le rapprochement inattendu de deux mots en les subordonnant à un troisième, généralement un verbe. Vous avez bien sur remarqué que la phrase ci-dessus contient quatre zeugmes.
Évidemment, on peut s’amuser avec des homophonies mais au lieu de dire :  « Jésus naquit le jour de Noël et la notoriété qu’après l’âge de trente ans », il vaut mieux dire : « Jésus naquit le jour de Noël et n’acquit la notoriété qu’après l’âge de trente ans ».
On voit par là que Jésus n’aurait pas pu devenir directeur du F.M.I.

dimanche 9 décembre 2012



Chronique du temps exigu (36)
Il paraît que toute vérité n’est pas bonne à dire. Soit. Mais alors, tout mensonge n’est pas bon à taire, en déduirais-je en quelque sorte ab absurdo (et non pas ad absurdum comme certains pourraient prétendre…). S’il vaut donc mieux parfois taire la vérité et proclamer le mensonge, qui est le mieux placé pour le faire ? Est-ce le politicien, si connu pour son goût immodéré des vérités inverses réciproquement fausses ? Le journaliste si pressé de délivrer un message quel qu’il soit sans prendre le temps démêler le vrai du faux ? Le ministre du culte, besogneux ravaudeur de révélations ? Le philosophe que Nietzsche admonestait en ces termes : »Mourir de soif en pleine mer est atroce. Pourquoi mettre tant de sel dans votre vérité qu’elle ne soit même plus bonne à boire ? » ?
Vous avez judicieusement compris où je voulais en venir : bon sang, mais c’est bien sûr, rappelez-vous. Qui a dit : « L’histoire que je vais raconter est authentique. Elle a eu lieu au siècle passé, il y a plus de dix ans, quinze ans peut-être. Pour préserver l’anonymat de chacun des protagonistes, ceux-ci étant encore tous bien en vie, les noms des personnages et les noms de lieux ont été changés. De même, les circonstances et les faits ont été modifiés. L’authenticité du narrateur étant indiscutable, cette histoire sera un peu comme une voiture dont le propriétaire aurait changé le moteur, puis la boite de vitesse et aurait ensuite changé la carrosserie : le véhicule est différent, mais la réalité du véhicule est authentifiée par son propriétaire. Il en va de même pour nombre d’œuvres d’art exposées dans nos musées : restaurées et re-restaurées au cours des siècles, elles persistent dans leur vérité. » ?

Qui dit le mieux le faux pour montrer le vrai, sinon le romancier ? Surtout s’il est quelque peu facétieux.
Qui pare si bien le mensonge des plumes ocellées du paon qu’il en devient vérité vraie et pure ?
Et, finalement, qui ment si bien et si joliment que tous les autres devraient être condamnés à ne plus user que de fades et tristes vérités ?

On voit par là que ce n’est pas tout de mentir, encore faut-il savoir le faire en vérité.

dimanche 2 décembre 2012

extrait de :"Le temps de l'éternité"

Ce dimanche, pas de chronique mais un extrait d'un manuscrit en cours :

"Pijm n’en peut plus, il part en courant, un éclair illumine toute la maison, suivi aussitôt d’un coup de tonnerre formidable. Pijm court, trébuche, il tente de rallumer sa lampe qui redonne une lumière normale. Pijm se rend alors compte qu’il ne reconnaît plus le chemin. Il ne sait pas s’il est sur le bon chemin. Il s’arrête pour reprendre ses esprits. Il réfléchit : s’il s’est trompé de chemin, peu importe, car chaque chemin fait une boucle et revient vers le chemin initial. Il faut qu’il parte, qu’il retrouve sa voiture, son lit, sa femme, sa famille. Il se dit qu’il est fou de jouer ainsi avec le feu.

Pijm repart. Le chemin descend, cela l’inquiète un peu, mais soit, il continue, et tombe sur un autre imprévu : un autre chemin qui part sur la droite. Il décide de le prendre. Il descend encore et finit par arriver dans un vallon où le chemin part encore sur la droite en remontant. Un nouvel éclair illumine toute la vallée et Pijm voit devant lui, au bord d’un profond fossé, un pan de mur en ruine.
 A côté du pan de mur, un petit homme lui fait face, un tout petit homme, pas un enfant, mais un très petit homme. Cinquante ou soixante centimètres de haut. Il porte un manteau sombre et un chapeau noir tout simple, juste un court cylindre avec un rebord large.
Pijm garde sa lampe braquée sur le petit homme, mais celui-ci ne semble ni gêné, ni ébloui.

-         Qui êtes-vous ? demande Pijm.
-         Je suis un occupant de ces lieux, mon nom ne te dirait rien, répond l’homoncule.
-         Excusez-moi, je ne veux pas vous déranger, je veux retourner à ma voiture.
-         Tu ne me déranges pas, reste ici, la pluie commence à tomber très fort.
-         Mais ici je vais me mouiller…
-         Suis-moi, dit le petit homme.

Il entre dans une petite église que Pijm aperçoit tout à coup, comme sortie du pan de mur.

-         Mais où est-ce qu’on est ? Demande Pijm.
-         Dans l’église de La Furetière, c’est ici que j’habite et on y est à l’abri de la pluie, répond le petit homme.

Dehors, la pluie tombe bruyamment et l’orage gronde de plus belle. Pijm balaye de sa lampe l’intérieur de l’église. Elle est très simple, les murs sont crépis et chaulés, un autel dans le chœur, deux prie-Dieu, quelques chaises paillées. Le sol est fait de pierres calcaires un peu disjointes.

-         Mais cette église n’est pas sur la carte, objecte Pijm.
-         Bien sûr, puisqu’elle n’existe plus à ton époque, dit le petit homme.
-         Mais vous, alors, qui êtes vous ? Moi je suis Pijm, Pijm van Zwartkluut, je suis hollandais.
-         Disons que je m’appelle Tin Quiète, si cela te rassure.
-         Mais vous vivez ici ?
-         A ma manière, oui. Mais je ne suis pas comme toi. Je suis ce que les gens ici appellent un drac. Ou si tu préfères un lutin. Je suis ici, ou ailleurs. Il est très rare que des gens comme toi puissent me voir. Je me suis mis sur ton chemin pour éviter que tu te mettes en danger. On dit que les dracs sont des malfaisants ou des malicieux, mais c’est rarement vrai.
-         Mais qu’est-ce que vous faites ici ?
-         Je ne fais rien, je suis là, c’est tout. Je ne suis pas comme toi, je ne suis pas un humain, je n’ai pas besoin de m’occuper, de faire, de boire, de manger. Je suis présent là où je suis, c’est tout, répond Tin Quiète.
-         Mais alors tu es un esprit ?
-         Oui, on peut dire que je suis un pur esprit, mais pour autant je suis là, je m’occupe si je veux, je fais, je bois, je mange ce que je veux, quand je veux. Et cette nuit, je veux m’occuper à t’aider.
-         Mais alors, tu sais ce que je viens de faire ? Dit Pijm en passant lui aussi au tutoiement.
-         Je peux savoir qui tu es, ce que tu viens de faire, n’oublie pas que je suis un drac…
-         Tu sais que je viens de voir des fantômes ? Dans la maison, là-haut ?
-         Ce que tu as vu en bas dans la maison, ce ne sont pas des fantômes, tu as juste vu une scène du passé se refléter devant toi. Quand tu es monté dans la tour, tu as vu des esprits, pas des fantômes.
-         Et pourquoi la scène s’est-elle arrêtée ?
-         Parce que tu as bougé et que tu n’étais plus en état de la voir, la scène ne s’est pas arrêtée.
-         Et cela s’est passé dans cette maison il y a longtemps ?
-         Oui, il y a plus d’un siècle, autour des années 1870, dit le drac.
-         Et tu étais déjà là ? Demande Pijm.
-         J’étais là et je n’étais pas là, je n’ai pas connu ces gens, mais je sais qui ils sont. Tu ne sais pas ce que c’est qu’un drac. Je remonte à la nuit des temps. Je n’ai que peu de mémoire, mais j’ai un accès direct à toute l’information de l’univers. Il suffit que je pense à ces gens que tu as vus et je peux savoir qui ils sont, ce qu’ils ont vécu, où ils sont allés. Tout cela est trop difficile à comprendre pour toi. Est-ce que tu peux me dire en quelle langue je te parle ?
-         En néerlandais, tu parles la même langue que moi, répond Pijm.
-         Eh bien, si un français écoutait ce que je dis en ce moment, il dirait que je parle en français, et un russe dirait que je parle le russe. N’essaye pas de tout comprendre, tu n’es qu’un homme… Mais, assieds-toi, la pluie tombe encore trop fort pour que tu repartes. Je vais te raconter l’histoire de ces gens que tu as vus.

Effectivement, dehors la pluie tombe encore plus fort et Pijm entend l’eau qui coule dans le fossé. L’orage est toujours violent. Pijm s’assied sur une des chaises paillées, un peu surpris de se trouver sur une vraie chaise."

dimanche 25 novembre 2012



Chronique du temps exigu (35)
Aujourd’hui, je devrais livrer une chronique qui ferait un sort à un certain nombre de notions, de poncifs et de lieux communs concernant les politiciens, les anglais et toutes sortes de gens étranges. Hélas, de triviales occupations sont venues perturber le bel agencement d’une vie déjà un peu désordonnée et donc nous laisserons de côté cette exégèse pour nous concentrer une fois de plus sur les champignons.
Les graciles et omphalomorphes chanterelles d’automne viennent de terminer leur saison et les lactaires sanguins rougissent encore les doigts du mytilicole promeneur et quelques girolles percent ça et là sous les feuilles d’automne.
Finis les cèpes, les bolets pied-rouge et les pieds-bleus, les prairies ne se tachent plus de ronds de sorcières blancs où poussent les rosés des prés.
Et aucune trompette-de-la-mort au nom si inquiétant et à la saveur si pleine, qui en a trouvé ?
Alors, je vous parlerai aussi un de ces prochains dimanche de livre de François Fierobe « La mémoire de l’orchidée » où il est question de semperfixines, de javelines de Zénon d’Elée, de récurrines et de l’octaèdre entropique de Sysiphe. Sans compter les flacons jumeaux de Rabelais et le bureau des objets maudits.
On voit par là que, même quand on n’a pas le temps d’y penser, il y a toujours des mots étranges et beaux à prononcer.

dimanche 11 novembre 2012



Chronique du temps exigu (33)
Ne pouvant soulager mes maux dans les brumes septentrionales, j’ai consulté le bon docteur V. (ce dernier tient à rester anonyme) qui soigne par les plantes. En effet, il soigne les malades par les plantes des pieds ; c'est-à-dire qu’il introduit dans les chaussettes du patient un fin broyat dynamisé selon une méthode analogue à celle du Dr Hahnemann, inventeur de l’homéopathie.
 Le traitement qui m’a été administré par le bon docteur V. fut un traitement expérimental. En effet, le traitement de la mogigraphie n’avait jamais été tenté par cette méthode, cela pour la bonne raison que le bon docteur V. est diplômé de l’Ecole vétérinaire et que l’on connaît fort peu d’animaux souffrant de mogigraphie. Mais je dirais que l’essai fut concluant puisque vous pouvez me lire sur vos écrans. Le bon docteur a donc garni l’intérieur de mes chaussettes avec de la plume d’oie en poudre mélangée à de la seiche broyée. Le postulat de départ étant que « similia similibus curentur », il fallait traiter le mal de l’écriture par ce qui permet l’écriture. Or, si l’écriture a beaucoup évolué depuis le stylobille jusqu’à l’imprimante multifonctions, il n’en reste pas moins qu’elle s’est longtemps pratiquée avec une plume d’oie finement taillée. Un traitement à la plume d’oie ne peut qu’affiner et rendre plus légère une écriture parfois un peu lourde par exemple. Pour ce qui est du broyat de seiche, nous n’ignorons pas que cet animal, joliment appelé chipiron par les basques, est l’inventeur de l’encre. (Nietzsche lui-même avait déclaré avoir écrit un livre « noir comme la sépia de la seiche ») Plume et encre, quoi de plus revigorant pour le chroniqueur atteint de mogigraphie chronique !
Donc, suite à une seule application de douze heures dans des chaussettes de qualité, je me suis vu reprendre mon activité écrivante sans douleur ni difficulté. A la fin de la journée, j’ai retiré un mulching honorable du fond de mes chaussettes et je l’ai ajouté sur mon tas de compost. Certains pourraient penser que cela peut se fumer mais j’ai abandonné la pratique du tabac depuis quelque temps et plutôt que de pétuner, je préfère maintenant fumer mon potager.
Cela dit, je m’en tiens à l’écriture au clavier mais je ne dédaignerais pas de tenter l’écriture à la plume d’oie. J’attendrai le retour des oies sauvages pour ne pas déplumer les gardiennes du Capitole et la migration des chipirons hors du port de Ciboure pour ne pas dégarnir la carte des restaurants locaux
On voit par là qu’être un plumitif n’est pas tout, encore faut-il que l’encre sèche.

dimanche 4 novembre 2012



Chronique du temps exigu (32)
Il n’y a pas que la ponctuation qui souffre, il y a aussi les tortures infligées aux mots ; en effet, il suffit d’écouter les présentateurs de radio ou de télévision pour le constater. Je prendrai pour premier exemple le mot périple qui, au départ et par étymologie, signifie circumnavigation et qui est couramment utilisé pour parler de voyages terrestres. Même d’éminents lexicologues tolèrent cette acception, il faut bien vendre du dictionnaire que diable !
Le mot « télévision » est déjà un barbarisme puisque composé d’une tête grecque et d’une queue latine et ceci prouve que ce média était condamné dès le départ mais je m’en voudrais de fustiger les seuls audiovisuels alors que les scribouillards ne sont pas en reste envers leurs collègues babillards. La presse de province, en particulier dans ses pages sportives, est une mine d’utilisations abusives de notre malheureux lexique.
Emile Littré, éminent lexicologue, aimait les mots, bien sûr, mais également les amours ancillaires. Un jour, sa femme le trouva couché avec une domestique : « Ah, Émile, je suis surprise! » dit l'épouse trompée. « Non, madame, rectifia ce spécialiste des nuances du vocabulaire; vous, vous êtes étonnée et c'est moi qui suis surpris... ».
Je vous propose donc un mot en ce jour de repos et ce mot est : mogigraphie. Je n’ai pas dit : mogilialisme, non car cela est bien différent. Je ne vais pas proposer une pinte de bière tiède au premier ou à la première qui aura trouvé la signification de ce mot car il n’est pas simple de faire parvenir ce genre de lot par la poste. Donc, la mogigraphie est la crampe de l’écrivain et vous aurez compris que c’est ce qui m’inquiète, surtout lorsque ce genre de crampe atteint le cerveau. Etre trahi par son poignet est une chose, avoir sa pensée au bord du claquage en est une autre. Quant au mogilialisme, c’est une manière élégante de nommer le bégaiement et cela n’a donc rien à voir avec la tenue du porte-plume.
Nous verrons dans les semaines qui viennent si j’arrive à surmonter cette mogigraphie et si nous pouvons trouver d’autres mots à sauver de la torture.
On voit par là qu’il faut du poignet pour sauver les mots.

dimanche 28 octobre 2012



Chronique du temps exigu (31)
Et si, aujourd’hui, je parlais de la ponctuation ?
Je parlerai de la petite virgule qui donne de la musique et du souffle à nos phrases, qui donne le rythme et le sens à nos périodes. « Alors on mange les enfants ? » devient par la grâce d’une seule d’entre elles : « Alors on mange, les enfants ? ». Elle sauve des vies et nous préserve du cannibalisme, ménage notre souffle et structure nos périodes. Merci petite virgule.
Il y a le point, point à la ligne ou point final qui nous permet de repartir vers une autre phrase ou de terminer notre texte. Du point, Ambrose Bierce disait qu’il n’avait pas toujours existé et qu’il avait été créé par la mouche domestique ordinaire – Musca maledicta. Je cite : « Ces insectes, qui sont toujours attestés dans le voisinage des auteurs, embellissent avec générosité ou parcimonie les manuscrits tout au long de leur composition, et, s’accordant à leurs besoins naturels, mettent en relief avec une sorte d’instinct supérieur l’œuvre des écrivains, à leur insu » (A. Bierce, le dictionnaire du diable, article « Chiure de mouche », trad. B Sallé, Rivages, 1989). Grâce soit donc rendue à cet insecte, collaborateur émérite du rédacteur.
Les guillemets nous permettent de piller les idées des autres en s’en exonérant mais aussi de citer des phrases que nous attribuons aux autres alors qu’ils ne les ont jamais prononcées. Ce côté un peu faux-cul est largement compensé par la proximité avec l’adjectif guilleret qui est un cousin direct du guillemet. Laissons-les s’amuser en famille.
Le point d’interrogation interpelle le lecteur et certaines langues lui mettent la tête à l’envers en le redoublant au début de la phrase. ¿ Qu’en pensez-vous ? Je dirais que je me sens encore plus interpellé. Muchas gratias.
Le point-virgule, si délaissé de nos jours, indique une pause moyenne, articulation subtile qui dit que la phrase continue sans tourner à la virgule. Redonnons vie à ce malheureux et posons chaque jour au moins un point virgule au pied de l’autel de la ponctuation.
Les deux points sont un moyen d’articuler deux termes d’une phrase en développant le premier après cette ponctuation et en présentant le second comme dérivant ou expliquant le premier. Ils permettent aussi d’introduire une citation. Bénissons-les comme l’outil du développement de notre pensée.
Et, pour mémoire, il y a encore les tirets, les guillemets, les parenthèses et autres alinéas. Qui sait, peut-être aurons-nous l'occasion ultérieurement de leur faire hommage.
Mais il me reste à aborder le sujet qui fâche : les points de suspension et les points d’exclamation. Pourquoi donc parler d’un sujet qui fâche, téméraire auteur ? Parce que si je plaide pour la réhabilitation du point-virgule, je constate dans bien des courriers que je vois passer sur mon écran une gabegie de points de suspension et de points d’exclamation. A quoi sert l’usage abusif des points de suspension sinon à laisser en suspens une pensée qui n’arrive point à s’exprimer clairement ? Les points de suspension, légers et en usage modéré, permettent à celui qui écrit de proposer au lecteur de suivre son regard, de chercher le sous-entendu. Un usage ad nauseam est le signe de la vacuité de la pensée de l’auteur. Il en va de même de l’emploi immodéré du point d’exclamation. Ce dernier marque l’étonnement, une suspension de la voix, une interjection ou une apostrophe. Utilisé sans modération, il devient comme une barrière qui interdit à la pensée de vivre. Honte sur ceux qui doublent, triplent, et même quadruplent parfois, les points d’exclamations !
On voit par là que les mouches ont encore beaucoup à nous apprendre.

dimanche 21 octobre 2012



Chronique du temps exigu (30)
Aujourd'hui, me voilà bien en peine de vous livrer une vraie chronique et je vais donc me contenter de deux blagues dominicales:



Un jour, le missionnaire d’un village africain va voir Mamadou le chef.
Mamadou le chef n’est pas content car sa femme vient d’accoucher d’un petit bébé blanc. Il n’y a qu’un seul blanc dans le village, c’est le missionnaire.
Celui-ci est bien embêté et il demande au chef de sortir avec lui. Devant la case, il y a le troupeau de moutons du chef et le missionnaire lui dit : « regarde tes brebis, Mamadou, elles sont blanches »
« Oui elles sont blanches » répond Mamadou
« Regarde les bien, elles font des petits qui sont blancs, mais parfois il arrive qu’il y en ait une qui fasse un agneau noir, tu le sais …»
Mamadou regarde bien les brebis, puis le missionnaire et il a un geste d’apaisement en disant : « écoute, je ne dis rien à personne pour le petit qui vient de naître et tu ne dis rien à ma femme pour les brebis… ».

Une autre pour la route :

C’est un zèbre qui s’échappe du zoo. Il se promène dans la campagne et rencontre un coq. « A quoi sers-tu ? » lui dit-il.
« Je sers à sauter les poules » répond le coq.
Satisfait de la réponse, le zèbre continue son chemin et croise un bouc. « A quoi sers-tu ? » lui dit-il.
« Je sers à sauter les chèvres » répond le bouc.
Satisfait de la réponse, le zèbre continue son chemin et croise un bélier. « A quoi sers-tu ? » lui dit-il.
« Je sers à sauter les brebis » répond le bélier.
Satisfait de la réponse, le zèbre continue son chemin et croise un taureau. « A quoi sers-tu ? » lui dit-il.
Le taureau tourne un peu la tête, dévisage le zèbre et lui répond : « Enlève ton pyjama, je vais te faire voir à quoi je sers… »

Je m’arrête là car ces blagues sont vieilles comme Hérode.

lundi 15 octobre 2012



Chronique du temps exigu (29)
Il faisait encore nuit A pas lents il avançait sur la colline surplombant le lac. Une crête de vapeur dense s’était formée sur la rivière, des flocons plus sporadiques de brume flottaient au-dessus du lac.
Une clarté légère commençait à poindre,  il s’arrêta près d’un chêne.
La brume commençait à se répandre, à monter en rouleaux épais puis en nuages qui détrempaient les feuilles des arbres en se diffusant. Dix minutes plus tard, une lueur spectrale baignait la vallée. Il descendit de quelques mètres dans la brume et s’arrêta en voyant une ombre géante avancer dans le fond du vallon. Le Black Pearl glissait doucement le long de la rivière. Sur la dunette légèrement éclairée se tenait, grave et impérieux, le Commandant. Derrière lui son second, le fidèle Smiley, tenait la barre. Le vaisseau continuait sa lente progression et fondit sur le lac, plongeant tel un sous-marin. Avant qu’il ne disparût, la dame du lac fit entendre le chant craquant de son dos crénelé. Dans la lumière naissante, elle semblait de jade.
La brume, montant encore, envahit le vallon laissant émerger seulement le haut du coteau. Alors, l’autre Dame du lac vint. Elle le regarda et dit : « Tu es venu, cela est bien. Repars maintenant, tu sais ce que tu as à faire. ».
Ocellant revint sur le sommet de la colline, île sur une mer floconneuse. Il monta sur son cheval et s’éloigna.
Brume sur la combe, tiens-toi à l’ombre…

dimanche 7 octobre 2012



Chronique du temps exigu (28)
Pour plusieurs raisons, cette vingt-huitième chronique sera consacrée à l’amiral cap dont je vous ai déjà parlé le seize août. La première raison, et la plus importante, est que le chiffre huit est son chiffre de prédilection. J’ignore pourquoi mais c’est ainsi. La deuxième, et non des moindres, est que mon ami l’amiral souffre de voir sa notoriété éclipsée par celle de son ancêtre, à l’instar d’Emile Zola qui se morfondait de voir que l’on faisait tout un fromage à propos de sa sœur Gorgone. La troisième, last but not least, est que ma relation de nos mésaventures du quinze août a suscité quelques moues sur les claviers.
Il serait regrettable que l’amiral cap passât à vos yeux pour un ivrogne. S’il a un goût immodéré pour les alcools en mélange, il le tient, certes, de son glorieux ancêtre mais aussi de son enfance difficile à bord de la marine marchande. Il n’était encore qu’un moussaillon alors qu’il embarqua sur un super-tanker, un de ces pétroliers géants qui sillonnent nos mers et nos océans. Au nombre des tâches humiliantes et dégradantes qui lui étaient réservées en tant que benjamin de l’équipage, il avait le rôle de taste-mazout. En clair, il devait goûter la marchandise transportée, la déguster et en déterminer les qualités et le millésime. Bien sur, comme tout dégustateur avisé, il recrachait les liquides de dégustation après usage. Avez-vous, vous-mêmes, déjà bu et recraché des produits pétroliers ? Si oui, reconnaissez que cela provoque un désir immodéré de se rincer la bouche. D’où la pépie chronique de mon vieil ami. Celui-ci était dur au labeur et ne s’est pas laissé rebuter mais il fut débarqué un beau jour à Aden après avoir remis un rapport comminatoire à son commandant. Dans ce rapport, il relatait avoir tasté les produits de dégazage et constaté que, malgré leur belle couleur rubis nocturne et leur cuisse ample, ces produits ne convenaient en aucun cas à l’usage qui en était fait. En conséquence, le moussaillon cap demandait avec une rare fermeté que l’on transportât du rouge pour les oiseaux et du blanc pour les poissons et que l’on dégazât sélectivement. Si on devait empoisonner les habitants de la mer, autant que cela se fît dans le respect des arts de la table. Fuel pour les uns, gas-oil pour les autres. Cela ne fut pas du goût du pacha qui le raya du rôle.
Prévoyant malgré son jeune âge, mon ami avait emporté dans ses poches quelques verroteries dont un œil de verre, toujours prisées par les étrangers des contrées sauvages. Il les échangea contre un boutre que lui céda le roi d’une tribu de bédouins belges fixés dans un club de vacances. Après avoir chaudement remercié le roi bédouin, il monta à bord de son embarcation et, après un voyage mouvementé dont je narrerai peut-être un jour les épisodes, il fit sa joyeuse entrée dans Paris non sans avoir soigneusement briqué son navire au quai de Javel. Il était fort essoufflé car il avait brisé son mât sous le pont de Garigliano et avait du en hâte confectionner un système de galère à pédalier pour continuer à remonter le courant. Ayant constaté que la Seine coule en effet sous le pont Mirabeau, il cingla ensuite jusqu’au quai de Bercy où il s’amarra. Il arriva ce qui devait arriver en ce temps-là et notre ami attrapa la fièvre éponyme, la fièvre de Bercy. Il était vacciné contre toutes les fièvres tropicales, pas contre les fièvres tropicrates. Depuis ce jour mémorable, l’administration a jugé utile d’y installer le Ministère des Finances.
Remis de ses émotions, il reprit le cours de la Seine et de ses aventures, se laissant porter par le courant. Il ralentit à la hauteur d’Honfleur pour saluer la mémoire de son glorieux ancêtre puis, prenant son élan à grands coups de pédales, il accosta à Douvres. Un britannique émerveillé voulut lui acheter son bateau et notre moussaillon, qui pratiquait avec peine la langue de cet insulaire, fixa le prix à une brique (notre franc avait encore cours comme vous l’avez compris). Le sujet de Sa Gracieuse Majesté accepta avec enthousiasme et fit monter cap sur un splendide brick. L’affaire fut conclue séance tenante autour d’un apple-pie. Ils prirent la mer de conserve, chacun sur son nouveau bateau et c’est ce jour-là que le moussaillon se mit à son propre compte et acquit son titre d’amiral. L’anglais, peu habitué à la navigation à pédales, perdit le cap assez rapidement car ce dernier était poussé par le vent.
Toujours ingénieux, l’amiral réfléchissait à une possibilité de naviguer sans peine mais sans toutefois utiliser de moteurs dont la source d’énergie serait pétrolière. Il s’était fait trop d’amis parmi la faune des océans. Il essaya tout, l’eau de mer, la méthanisation de ses effluents, la traction baleinière, que sais-je encore… Il ne trouvait aucune solution satisfaisante. Le déclic lui vint un jour de grève, il découvrit l’énergie scolaire ! Il suffisait de récupérer toute l’énergie inemployée par les enseignants pour mouvoir avec puissance le plus frêle esquif comme le plus lourd croiseur. Le gisement est inépuisable. Bien sur, je ne dévoilerai pas le procédé technique car il est encore protégé par un brevet.
On voit par là que pour un boutre à l’œil on peut avoir le pie du voisin et son brick. De nos jours pour une brique on a encore quelque chose

dimanche 30 septembre 2012



Chronique du temps exigu (27)
Le gouvernement vient de sortir son projet de budget. Qu’est-ce qu’un budget ? C’est la vision optimiste d’un monde rétréci, la gestion prévisionnelle de la pénurie intellectuelle.
La dette grève le budget. Faut-il avoir honte de la dette alors que plus la dette s’alourdit, plus les taux d’intérêt montent. Plus les taux d’intérêt montent, plus les riches s’enrichissent… tant que les débiteurs paient. Les riches n’ont pas intérêt à voir les états se désendetter, cela ferait baisser les taux d’intérêt. Désendetter l’Etat fait perdre le beurre aux riches, il ne leur reste plus que l’argent du beurre. Reste à savoir qui sont ces riches…
Une dette, c’est quelque chose qui est due par un débiteur à un créancier. Un créancier, c’est quelqu’un qui dispose de valeurs accumulées et qui les met à disposition d’un débiteur, à charge pour ce dernier de les restituer à terme. On pourrait voir là une forme d’entraide, d’assistance mutuelle, sauf que la dette n’est pas gratuite car elle doit être restituée augmentée d’un pécule appelé intérêt. C’est l’intérêt qui permet au créancier de devenir rentier, à savoir de gagner de l’argent sans travailler. Alors, je vous le demande, qui c’est le plus gros fainéant ?
On voit par là que qui paie ses dettes avec intérêt enrichit les feignants.

lundi 17 septembre 2012





Chronique du temps exigu (25)
Un certain monsieur A. souhaite obtenir la nationalité belge. Cela a suscité nombre de commentaires dans la presse et moult commentateurs ont parlé d’exil fiscal. Certains se sont même demandé si on pouvait le décrire comme un réfugié économique à l’instar de ces clandestins qui tentent de rejoindre l’ile de Lampedusa.
Qu’est-ce qu’un exilé ? C’est quelqu’un qui est ou qui se sent banni de sa patrie et qui la quitte sans espoir d’y revenir tant qu’il y sera persona non grata. Les exilés « fiscaux » dont on nous parle sont tout sauf des exilés. Ils font des affaires florissantes en France et exilent leurs revenus dans des lieux favorables. Ils sont peut-être des délocalisés fiscaux mais nullement exilés. Ovide, Victor Hugo, Dostoïevski, Zola ont dû supporter l’exil et ils se seraient sans aucun doute étonnés de se voir catégorisés avec ces sportifs, artistes et autres culs dorés qui font ruisseler leur or au soleil des paradis de la fiscalité. Monsieur A. ne sera pas plus un déporté, il vivra dans des camps autrement fastueux que ceux qui sont habituellement attribués aux déportés. Un réfugié économique peut-être ? Je dirais plutôt un transfuge financier.
Allons, nous le savons bien, le grand capital a toujours été cosmopolite et ceux qui le détiennent ont l’argent pour eux, un véritable passeport international. Ils sont plus souvent en haut des orgueilleuses tours des capitales financières, dans leurs avions ou sur leurs yachts que les pieds sur terre et ils vont là où leurs profits les portent. Les pleurerons-nous ? Qu’ils aillent au diable dans leurs paradis fiscaux…
Nous sommes nous, ici et maintenant, essayant de participer de la vérité, sinon de la beauté du monde, mais aussi attentifs à sa misère. S’il y en a qui s’essuient les pieds dessus, qu’ils aillent les essuyer ailleurs mais… les belges en voudront-ils ?
Le leader de la production de haut de gamme française n’est pas l’homme qui amène le bonheur en France mais uniquement le luxe. Ils sont bien médiocres ceux qui, croyant faire mieux en font toujours trop. Au revoir, petit monsieur.
On voit par là que les cupides pourraient nous donner envie de payer des impôts.

lundi 10 septembre 2012



Chronique du temps exigu (24)
Me voilà rassuré, la France a gagné son premier match des qualifications pour le Mondial. Comme le dit si bien un grand quotidien régional, la France est partie d’un pied victorieux. N’ayant pas poussé le vice jusqu’à regarder la transmission de cet évènement sur le poste de télévision, je ne ferai aucun commentaire d’autant plus que je n’ai aucune compétence pour le faire. En effet, tout le monde, y compris la France d’ailleurs, a pu remarquer que je suis plutôt un décathlonien de la pensée et que, quand je fais voir mes petits muscles, ce sont mes muscles corticaux (merci aux collègues scribouillard(e)s qui m’ont inspiré).
Je connaissais la Finlande pour ses lacs et ses téléphones cellulaires ainsi que pour un certain jeu relaté par Malaparte pendant une nuit polaire. Ce jeu consiste à ingurgiter une quantité non négligeable de petits verres d’un alcool blanc local puis à planter à la volée la pointe d’un couteau dans les intervalles entre les doigts écartés de la main posée à plat sur une table. Le finlandais normal est censé posséder cinq doigts (avant de jouer) et donc quatre intervalles. J’ignorais que la Finlande possédât aussi une équipe de onze footballeurs en état de marche. Mais de nos jours ce n’est plus un luxe pour un pays d’avoir une équipe de football nationale, c’est devenu une nécessité.
Je connaissais la France pour nombre de choses parmi lesquelles ses journalistes sportifs assistés de consultants appropriés. Le journaliste est la tête et le consultant les jambes, si l’on ose dire. Il ne faut néanmoins pas aller jusqu’à parler de penseur sportif, ce serait un oxymoron inutile. La France possède depuis belle lurette une équipe de football et c’est un de nos premiers commentateurs sportifs, Blaise Pascal, qui a résumé au mieux les différends qui peuvent opposer les équipes nationales : « Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà ».
On voit par là qu’il est heureux que les Pyrénées n’excèdent  pas une longueur de 430 kilomètres (environ).

lundi 3 septembre 2012


Chronique du temps exigu (23)
Dans une précédente chronique, je parlais de locuteurs qui ignorent la signification de ce qu’ils disent tout en ayant la sensation d’avoir une parole sensée.
Allons plus loin. Il y a aussi des locuteurs qui, ne comprenant pas ce qu’ils disent, s’adressent à des auditeurs qui, pensant avoir tout compris n’ont en réalité rien entendu. Ce genre de situation est courant dans la communication politique et en particulier au cours des campagnes électorales.
M. Eastwood vient d’en administrer la preuve en adressant une diatribe incohérente à une chaise vide. Il a montré le triomphe suprême du discours politique qui est de s’adresser à un siège vide et à des cerveaux creux dans le seul but de remplir des urnes. Il a eu le mérite de faire rire son auditoire ce qui montre que si on ne peut pas toujours rire de tout, l’on peut faire rire n’importe qui en disant n’importe quoi.
Dans le genre je n’ai rien à dire mais je voudrais que cela se sache, les handballeurs de l’équipe de France se montrèrent à la hauteur. Comme ils n’avaient rien à dire à des journalistes qui ne leur demandaient rien d’autre que de leur faire des réponses de sportifs telles que « la prochaine fois je ferai mieux » ou « c’était super, j’avais plein de bonnes sensations », ceux-ci ont démoli le plateau de l’Equipe –TV, juste pour mettre de l'ambiance.
On voit par là qu’il n’y a pas plus loin du coq à l’âne que de la coupe aux lèvres et que quand les ânes parlent aux bœufs il n’y a rien à comprendre.

jeudi 30 août 2012


Chronique du temps exigu (22)
Le chauvinisme est-il un sport spécifiquement français ? Je dis bien, un sport. En effet, à peine se sont dissipées les brumes des jeux olympiques que viennent les jeux paralympiques puis que voilà le chauvinisme proposé comme nouvelle discipline olympique.
Allons-nous accepter de voir une autre nation s’emparer d’un flambeau qui nous appartient en propre ? Pouvons-nous imaginer un anglais ou un zimbabwéen détenant le titre de champion olympique de chauvinisme ? Rappelons tout de même, à ce propos, que les anglais nous ont pris notre général de Gaulle en 1940 et qu’ils ont attendu quatre ans pour nous le rendre…
D’après mon ami Tellia Reivilo qui, comme son nom ne l’indique pas, est français de souche né à Palin (27), le chauvinisme se pratique de deux manières différentes : il y aurait le chauvinisme dans le bon sens du terme - celui que nous pratiquons avec art – et le chauvinisme dans le mauvais sens du terme – celui qui ne peut être pratiqué que par les étrangers (mon ami Tellia est un homme qui a des sentences frappées au coin du bon sens et je tâcherai de m’en faire l’exégète de temps à autre au cours de ces chroniques).
Sans notre chauvinisme de bon aloi, qui donc arriverait à détecter les erreurs d’arbitrage si fréquentes dans les matches opposant nos vaillantes équipes nationales opposées aux sanguinaires équipes des autres nations ? Que deviendraient nos journalistes sportifs, déjà cruellement marqués par la perte récente de leur mentor Thierry Roland ? Laissons donc aux autres nations ce chauvinisme médiocre et sans envergure qui est le leur, qu’ils en fassent une discipline si cela leur chante et nous, impassibles et muets tels le Galibier et le Tourmalet, restons hors catégorie. Les Grecs se sont fait voler le marathon, nous nous garderons le chauvinisme pur et dur. Que diable, Nicolas Chauvin était des nôtres, il a bu son verre comme les autres !
On voit par là qu’il faut prendre garde à ne pas délocaliser notre patrimoine intellectuel.

dimanche 26 août 2012


Chronique du temps exigu (21)

Les stéréotypes ont la vie dure et cela n’est pas sans raison.
Prenons un exemple, parlons des allemands. L’allemand est, paraît-il, rigoureux. Non dans le sens où l’on parlerait d’un hiver rigoureux mais dans le sens de l’organisation, de la planification, de la rectitude et de la ponctualité. Même des allemands en viennent à parler d’eux-mêmes en ces termes. Et ils pousseraient le bouchon jusqu’à se dire vertueux en économie. Ce qui leur autorise, soit dit en passant, une certaine condescendance à l’égard des peu rigoureux et mal vertueux, suivez mon regard…
La rigueur allemande est une flamme entretenue par sa chancelière vestale et la vertu allemande est le Graal des financiers teutoniques. L’allemand moyen en est le thuribulaire.  Disons-le sans ambages, ce n’est pas qu’un stéréotype, c’est une réalité et nous pouvons le démontrer.
Je vais le prouver en puisant dans une actualité récente quoique peu diffusée par les grands médias, ceux-ci étant plus préoccupés par les voleurs de poules que par la grande délinquance financière. Certaines grandes banques des pays dits développés ont triché avec les règles qui furent établies pour conserver à la haute finance un semblant de sincérité. Prises la main dans le pot de confiture, si j’ose dire, certaines d’entre elles ont du reconnaître avoir falsifié leurs déclarations à propos d’un indice appelé Libor. Quand une banque magouille, à fortiori une grande banque, cela n’est jamais ni gratuit ni à son désavantage. Avec un peu de retard – la prudence est de rigueur à Berlin - la Deutsche Bank a avoué publiquement ses fautes. Elle s’est même engagée à rechercher et punir quelques lampistes de service. Considérant que faute avouée est à moitié pardonnée - surtout quand l’aveu intervient in extrémis - cette banque a demandé à bénéficier d’un statut de témoin repenti pour avoir dénoncé tant ses propres fautes que celles de ses petits camarades.
C’est avec rigueur que cette banque a trafiqué comme les autres et c’est vertueusement qu’elle livre ses lampistes et ses comparses. Ce qui frappe surtout c’est la synergie qu’il y a entre rigueur et vertu. Voyez les grecs par exemple, ils sont censés être sans rigueur et s’ils ont de la vertu, elle ne leur servira de rien. Je n’ose imaginer les qualificatifs dont les journaux allemands auraient usé pour qualifier ces agissements bancaires s’ils eussent été helléniques.
On voit par là qu’il vaut mieux tricher gros pour garder une bonne réputation.

samedi 25 août 2012


Né à Morchamps, Armand est parti faire sa vie loin de chez lui dans le Tarn. Son petit-fils, Léon, décide de revenir au village natal d’Armand, alors que la France vit sous l’occupation. Il traversera pendant deux jours la montagne à pied pour revenir au village.
« Oui, vous savez, les histoires de l’enfance vous suivent parfois toute la vie… » Est-ce vraiment son rêve, ou celui de son père, ou celui de son grand-père ?
L’histoire de sa famille est inscrite dans cette montagne où ses ancêtres ont vécu. Celle où ils sont morts. Morts et enterrés dans cette si jolie chapelle… Il faut bien deux jours de marche pour que Léon revive les souvenirs que son grand-père avait tant et tant racontés à son fils, mort en Argonne, puis à Léon, le petit-fils. La splendeur de la famille, le beau mariage d’Alfred et d’Elisabeth. Puis la décadence et la chute dans la violence. Elisabeth la châtelaine devenue Elisabeth la boulangère.
Un siècle plus tard, Léon exorcisera-t-il les souvenirs de cette violence ?


Bientôt disponible !

jeudi 23 août 2012



Les colchiques sont arrivées, chantons les avec Apollinaire.


Les colchiques

 
Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne
 
Les enfants de l'école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
Qui battent comme les fleurs battent au vent dément
 
Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne

dimanche 19 août 2012


Chronique du temps exigu (19)
Une fois n’est pas coutume, je vais parler de chapeau. Pas de ces chapeaux orgueilleux, bicorne, haut-de-forme et autre jardin potager. Non, de mon vieux chapeau.
Un authentique panama fabriqué en Equateur, acheté un samedi sur le marché de Nérac (Lot-et-Garonne). Du 58 s’il vous plaît. Qui vous donne le style Compay Segundo. Un couvre-chef acheté en bonne compagnie par un beau jour de juin 2007.
Mais cinq ans plus tard comment se fait-il que ce fidèle ami fasse parler de lui ? Allons droit au but : il est bien cabossé et je ne peux m’en défaire, comment ferais-je pour le jeter aux orties ?
Il apparaît furtivement dans les premières pages de mon prochain roman, au cœur de la Bretagne. Il m’a accompagné sur les sentiers de Dol à Saint-Malo en passant par Cancale. Il a résisté aux assauts du vent à la pointe du Grouin alors que nous entendions au soleil couchant une cornemuse bercer les sirènes de l’océan. Il s’est levé pour saluer de loin, à Combourg et au Grand-Bé, l’auteur des Mémoires d’outre-tombe.
Mais encore, me direz-vous ? Et vous aurez bien raison de le dire.
Mais encore, il est allé par les chemins et dans les bois, dans les prés et au bord des ruisseaux ramasser des morilles à Moirax, des girolles à Moncrabeau, des cèpes à Lizac et à Birkenwald, des lactaires, des mousserons et des clitocybes en tous lieux. Il a fait de la marche, du vélo, du tracteur et de la voiture. Il a pris le soleil, la pluie et les orages.
Mais encore, me direz-vous ? Et vous aurez bien raison de le répéter.
C’est lui que vous avez vu sur un néphélocentaure chasser le Lachanoptère et le Psyllotoxote. C’est lui qui s’est incliné devant la statue de Léonidas à Sparte, qui passa sous le porche des lions à Mycènes pour s’émouvoir devant la tombe de Clytemnestre. Discrètement, dès huit heures le matin, il admira l’Aurige à Delphes. Le voilà ensuite sur les traces de Byron et Châteaubriant prenant les premières gouttes de pluie au Cap Sounion. Il était sous le dôme d’Anaktora Nestoros et il a gravi les marches qui montent au Parthénon.
Peut-on se séparer d’un couvre-chef aussi fidèle et aussi chargé d’histoire ? 
On voit par là que de travailler du chapeau n’est pas le privilège des plus nantis.



jeudi 16 août 2012


Chronique du temps exigu (18)
Hier matin, j’étais à peine levé que j’entendis tinter le grelot à la porte. En ce jour férié, l’amiral Cap venait me saluer avec l’espoir avoué de partager mon petit déjeuner. Je fus au regret de ne rien pouvoir lui offrir et nous partîmes de conserve sur nos vélos jusqu’à la brasserie de l’opéra. L’amiral se dirigea aussitôt vers le barman, en l’occurrence une accorte mais solide barmaid. Celle-ci refusa de nous servir deux serial-boss killers au prétexte qu’elle n’avait pas de paprika. Mais le paprika est-il, je vous le demande, indispensable à la préparation d’un serial-boss killer ? Nullement, c’est un cocktail analogue à la bloody Mary, mais sans jus de tomate. On remplace ce dernier, à quantité égale, par une moitié de bon whisky et une autre moitié de cognac français. Poivrez et buvez sec accompagné d’une chocolatine fourrée au chorizo. C’est avec cela que les cyclistes espagnols se dopent pour les étapes de montagne.
Frustrés de n’avoir pu descendre notre boisson de prédilection, nous nous rabattîmes sur des irish-coffees sans sucre et sans café, accompagnés d’œufs durs mayonnaise. Après trois œufs et trois mêmes cafés, nous étions dispos pour rejoindre un petit bistro de ma connaissance rue du Broc-Percé. Sur place, nous descendîmes à la suite quelques bières anglaises tièdes pour diluer la mayonnaise. Ayant mangé quelques muffins, nous remontâmes sur nos bicyclettes et descendîmes le long du fleuve afin de rejoindre le quai de la Ménestrandise où était amarré le brick de l’amiral.
Nous voulions monter sur ce vaisseau à bicyclette mais un inconnu malveillant l’avait retirée et je vous écris de la cellule de dégrisement du commissariat du XXVIème. Si jamais vous retrouvez la passerelle du brick « La Marrante », ne la déposez pas aux objets perdus mais au commissariat. Merci.
On voit par là que pour tenir l’alcool il faut avoir le pied marin.

dimanche 12 août 2012


Chronique du temps exigu (17)

Où l’on reparle des étrangers… 

En ces temps de vacances, il n’est pas inutile de parler des étrangers. En effet, ceux-ci sont plus visibles par temps clair. Qu’est-ce à dire ?
L’étranger ne se qualifie pas seulement par son extranéité qui est intrinsèque dès lors que ce quidam se trouve dans une contrée à lui-même étrangère.
Il y a de multiples façons d’être étranger, certains se déguisent en métèques, d’autres en touristes, d’aucuns se font passer pour des immigrés quand ils sont chez nous et pour des émigrés quand ils y sont aussi. Comment bien identifier l’étranger ?
Ce qui particularise réellement l’étranger est en fait son étrangeté. Une étude récente faite en Suède a montré que les suédois considèrent pour majeure partie que les norvégiens sont  autant étrangers qu'étranges car ils ne savent ni faire la queue ni rouler correctement dans les ronds-points. En outre, ils se garent sur les places de parking réservées aux handicapés.
Certes, on dit que les norvégiennes ont le sang chaud mais admettons que vus de Romorantin-Lanthenay ou de Rebirechiroulet, les norvégiens paraissent assez semblables aux suédois. Seuls leurs véhicules se distinguent par la plaque d’immatriculation. Les suédois tentent donc d’identifier le norvégien à ses actes comme l’arbre se reconnaît à ses fruits.
Mais les natifs d’Oslo ou de Telemark ont-ils le monopole de l’étrangeté ?
Ce que le norvégien peut faire, n’en serions-nous pas capables ? En y réfléchissant bien, j’en viens à penser que ce que nous savons si bien faire nous-mêmes (et quand je dis nous, suivez mon regard… !) avec une désarmante simplicité quand nous sommes dans notre pays paraîtra étrange à l’étranger chez qui nous nous sommes rendus afin de le bousculer dans sa queue nationale, de perturber sa circulation giratoire et d’occuper avec grâce ses places de parking réservées. La seule difficulté, mais elle est de taille, c’est que nous ne sommes pas étrangers. Qui donc nous reconnaitra ? Serons-nous obligés de nous travestir, de nous draper dans nos couleurs nationales comme des sportifs olympisés ?
Le poète cyclopédique affirmait que les étrangers sont nuls. Je n’irai pas jusque là, disons seulement qu’ils sont non avenus, cela leur laisse tout de même une once de valeur.
On voit par là que les étrangers peuvent devenir de moins en moins encombrants.

jeudi 9 août 2012


Chronique du temps exigu (16)

En ce neuf août, juste une citation pour ne pas perdre le fil de notre discours :

« Quelque critiques que puissent être la situation et les circonstances où vous vous trouvez, ne désespérez de rien ; c’est dans les occasions où tout est à craindre, qu’il ne faut rien craindre ; c’est lorsqu’on est environné de tous les dangers, qu’il n’en faut redouter aucun ; c’est lorsqu’on est sans aucune ressource, qu’il faut compter sur toutes ; c’est lorsqu’on est surpris, qu’il faut surprendre l’ennemi lui-même. »
Sun Tse  (L’Art de la guerre)

dimanche 5 août 2012


Chronique du temps exigu (15)

« Oui, vous savez, les histoires de l’enfance vous suivent parfois toute la vie…  Etait-ce vraiment son rêve, ou celui de son père, ou celui de son grand-père ? ». Armand, le grand-père, né à Morchamps puis qui est parti faire sa vie dans le lointain Tarn. C’est Léon, le petit-fils, qui revient, pendant l’occupation de la France. Il traversera pendant deux jours la montagne à pied  pour revenir au village.
L’histoire de sa famille est inscrite dans cette montagne où ses ancêtres ont vécu. Et où ils sont morts. Morts et enterrés dans cette si jolie chapelle… Il faut bien deux jours de marche pour faire revivre les souvenirs qu’Armand avait tant et tant racontés à son fils, mort en Argonne, puis à Léon, le petit-fils. La splendeur de la famille, le beau mariage d’Alfred et d’Elisabeth puis la décadence et la chute dans la violence. Elisabeth la châtelaine devient Elisabeth la boulangère.
Un siècle plus tard, ses deux descendants, Léon et Antoine, se retrouveront à Morchamps.

 
Né en 1947 en Belgique, Pierre Jooris part à dix-huit ans pour le Lot et Garonne où il est agriculteur. Quinze ans plus tard, il travaille comme manœuvre chez un maçon. Il entre en maçonnerie comme d’autres en politique : il n’a nulle compétence particulière mais il est doué pour cela. Quinze années de plus et il devient même moniteur de maçonnerie. Depuis sa retraite en 2007 il se consacre à l’écriture.

Je propose ce texte comme quatrième de couverture pour une nouvelle à paraître et cela m’aiderait d’avoir quelques commentaires de lecteurs. Je compte sur vous.