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dimanche 28 octobre 2012



Chronique du temps exigu (31)
Et si, aujourd’hui, je parlais de la ponctuation ?
Je parlerai de la petite virgule qui donne de la musique et du souffle à nos phrases, qui donne le rythme et le sens à nos périodes. « Alors on mange les enfants ? » devient par la grâce d’une seule d’entre elles : « Alors on mange, les enfants ? ». Elle sauve des vies et nous préserve du cannibalisme, ménage notre souffle et structure nos périodes. Merci petite virgule.
Il y a le point, point à la ligne ou point final qui nous permet de repartir vers une autre phrase ou de terminer notre texte. Du point, Ambrose Bierce disait qu’il n’avait pas toujours existé et qu’il avait été créé par la mouche domestique ordinaire – Musca maledicta. Je cite : « Ces insectes, qui sont toujours attestés dans le voisinage des auteurs, embellissent avec générosité ou parcimonie les manuscrits tout au long de leur composition, et, s’accordant à leurs besoins naturels, mettent en relief avec une sorte d’instinct supérieur l’œuvre des écrivains, à leur insu » (A. Bierce, le dictionnaire du diable, article « Chiure de mouche », trad. B Sallé, Rivages, 1989). Grâce soit donc rendue à cet insecte, collaborateur émérite du rédacteur.
Les guillemets nous permettent de piller les idées des autres en s’en exonérant mais aussi de citer des phrases que nous attribuons aux autres alors qu’ils ne les ont jamais prononcées. Ce côté un peu faux-cul est largement compensé par la proximité avec l’adjectif guilleret qui est un cousin direct du guillemet. Laissons-les s’amuser en famille.
Le point d’interrogation interpelle le lecteur et certaines langues lui mettent la tête à l’envers en le redoublant au début de la phrase. ¿ Qu’en pensez-vous ? Je dirais que je me sens encore plus interpellé. Muchas gratias.
Le point-virgule, si délaissé de nos jours, indique une pause moyenne, articulation subtile qui dit que la phrase continue sans tourner à la virgule. Redonnons vie à ce malheureux et posons chaque jour au moins un point virgule au pied de l’autel de la ponctuation.
Les deux points sont un moyen d’articuler deux termes d’une phrase en développant le premier après cette ponctuation et en présentant le second comme dérivant ou expliquant le premier. Ils permettent aussi d’introduire une citation. Bénissons-les comme l’outil du développement de notre pensée.
Et, pour mémoire, il y a encore les tirets, les guillemets, les parenthèses et autres alinéas. Qui sait, peut-être aurons-nous l'occasion ultérieurement de leur faire hommage.
Mais il me reste à aborder le sujet qui fâche : les points de suspension et les points d’exclamation. Pourquoi donc parler d’un sujet qui fâche, téméraire auteur ? Parce que si je plaide pour la réhabilitation du point-virgule, je constate dans bien des courriers que je vois passer sur mon écran une gabegie de points de suspension et de points d’exclamation. A quoi sert l’usage abusif des points de suspension sinon à laisser en suspens une pensée qui n’arrive point à s’exprimer clairement ? Les points de suspension, légers et en usage modéré, permettent à celui qui écrit de proposer au lecteur de suivre son regard, de chercher le sous-entendu. Un usage ad nauseam est le signe de la vacuité de la pensée de l’auteur. Il en va de même de l’emploi immodéré du point d’exclamation. Ce dernier marque l’étonnement, une suspension de la voix, une interjection ou une apostrophe. Utilisé sans modération, il devient comme une barrière qui interdit à la pensée de vivre. Honte sur ceux qui doublent, triplent, et même quadruplent parfois, les points d’exclamations !
On voit par là que les mouches ont encore beaucoup à nous apprendre.

dimanche 21 octobre 2012



Chronique du temps exigu (30)
Aujourd'hui, me voilà bien en peine de vous livrer une vraie chronique et je vais donc me contenter de deux blagues dominicales:



Un jour, le missionnaire d’un village africain va voir Mamadou le chef.
Mamadou le chef n’est pas content car sa femme vient d’accoucher d’un petit bébé blanc. Il n’y a qu’un seul blanc dans le village, c’est le missionnaire.
Celui-ci est bien embêté et il demande au chef de sortir avec lui. Devant la case, il y a le troupeau de moutons du chef et le missionnaire lui dit : « regarde tes brebis, Mamadou, elles sont blanches »
« Oui elles sont blanches » répond Mamadou
« Regarde les bien, elles font des petits qui sont blancs, mais parfois il arrive qu’il y en ait une qui fasse un agneau noir, tu le sais …»
Mamadou regarde bien les brebis, puis le missionnaire et il a un geste d’apaisement en disant : « écoute, je ne dis rien à personne pour le petit qui vient de naître et tu ne dis rien à ma femme pour les brebis… ».

Une autre pour la route :

C’est un zèbre qui s’échappe du zoo. Il se promène dans la campagne et rencontre un coq. « A quoi sers-tu ? » lui dit-il.
« Je sers à sauter les poules » répond le coq.
Satisfait de la réponse, le zèbre continue son chemin et croise un bouc. « A quoi sers-tu ? » lui dit-il.
« Je sers à sauter les chèvres » répond le bouc.
Satisfait de la réponse, le zèbre continue son chemin et croise un bélier. « A quoi sers-tu ? » lui dit-il.
« Je sers à sauter les brebis » répond le bélier.
Satisfait de la réponse, le zèbre continue son chemin et croise un taureau. « A quoi sers-tu ? » lui dit-il.
Le taureau tourne un peu la tête, dévisage le zèbre et lui répond : « Enlève ton pyjama, je vais te faire voir à quoi je sers… »

Je m’arrête là car ces blagues sont vieilles comme Hérode.

lundi 15 octobre 2012



Chronique du temps exigu (29)
Il faisait encore nuit A pas lents il avançait sur la colline surplombant le lac. Une crête de vapeur dense s’était formée sur la rivière, des flocons plus sporadiques de brume flottaient au-dessus du lac.
Une clarté légère commençait à poindre,  il s’arrêta près d’un chêne.
La brume commençait à se répandre, à monter en rouleaux épais puis en nuages qui détrempaient les feuilles des arbres en se diffusant. Dix minutes plus tard, une lueur spectrale baignait la vallée. Il descendit de quelques mètres dans la brume et s’arrêta en voyant une ombre géante avancer dans le fond du vallon. Le Black Pearl glissait doucement le long de la rivière. Sur la dunette légèrement éclairée se tenait, grave et impérieux, le Commandant. Derrière lui son second, le fidèle Smiley, tenait la barre. Le vaisseau continuait sa lente progression et fondit sur le lac, plongeant tel un sous-marin. Avant qu’il ne disparût, la dame du lac fit entendre le chant craquant de son dos crénelé. Dans la lumière naissante, elle semblait de jade.
La brume, montant encore, envahit le vallon laissant émerger seulement le haut du coteau. Alors, l’autre Dame du lac vint. Elle le regarda et dit : « Tu es venu, cela est bien. Repars maintenant, tu sais ce que tu as à faire. ».
Ocellant revint sur le sommet de la colline, île sur une mer floconneuse. Il monta sur son cheval et s’éloigna.
Brume sur la combe, tiens-toi à l’ombre…

dimanche 7 octobre 2012



Chronique du temps exigu (28)
Pour plusieurs raisons, cette vingt-huitième chronique sera consacrée à l’amiral cap dont je vous ai déjà parlé le seize août. La première raison, et la plus importante, est que le chiffre huit est son chiffre de prédilection. J’ignore pourquoi mais c’est ainsi. La deuxième, et non des moindres, est que mon ami l’amiral souffre de voir sa notoriété éclipsée par celle de son ancêtre, à l’instar d’Emile Zola qui se morfondait de voir que l’on faisait tout un fromage à propos de sa sœur Gorgone. La troisième, last but not least, est que ma relation de nos mésaventures du quinze août a suscité quelques moues sur les claviers.
Il serait regrettable que l’amiral cap passât à vos yeux pour un ivrogne. S’il a un goût immodéré pour les alcools en mélange, il le tient, certes, de son glorieux ancêtre mais aussi de son enfance difficile à bord de la marine marchande. Il n’était encore qu’un moussaillon alors qu’il embarqua sur un super-tanker, un de ces pétroliers géants qui sillonnent nos mers et nos océans. Au nombre des tâches humiliantes et dégradantes qui lui étaient réservées en tant que benjamin de l’équipage, il avait le rôle de taste-mazout. En clair, il devait goûter la marchandise transportée, la déguster et en déterminer les qualités et le millésime. Bien sur, comme tout dégustateur avisé, il recrachait les liquides de dégustation après usage. Avez-vous, vous-mêmes, déjà bu et recraché des produits pétroliers ? Si oui, reconnaissez que cela provoque un désir immodéré de se rincer la bouche. D’où la pépie chronique de mon vieil ami. Celui-ci était dur au labeur et ne s’est pas laissé rebuter mais il fut débarqué un beau jour à Aden après avoir remis un rapport comminatoire à son commandant. Dans ce rapport, il relatait avoir tasté les produits de dégazage et constaté que, malgré leur belle couleur rubis nocturne et leur cuisse ample, ces produits ne convenaient en aucun cas à l’usage qui en était fait. En conséquence, le moussaillon cap demandait avec une rare fermeté que l’on transportât du rouge pour les oiseaux et du blanc pour les poissons et que l’on dégazât sélectivement. Si on devait empoisonner les habitants de la mer, autant que cela se fît dans le respect des arts de la table. Fuel pour les uns, gas-oil pour les autres. Cela ne fut pas du goût du pacha qui le raya du rôle.
Prévoyant malgré son jeune âge, mon ami avait emporté dans ses poches quelques verroteries dont un œil de verre, toujours prisées par les étrangers des contrées sauvages. Il les échangea contre un boutre que lui céda le roi d’une tribu de bédouins belges fixés dans un club de vacances. Après avoir chaudement remercié le roi bédouin, il monta à bord de son embarcation et, après un voyage mouvementé dont je narrerai peut-être un jour les épisodes, il fit sa joyeuse entrée dans Paris non sans avoir soigneusement briqué son navire au quai de Javel. Il était fort essoufflé car il avait brisé son mât sous le pont de Garigliano et avait du en hâte confectionner un système de galère à pédalier pour continuer à remonter le courant. Ayant constaté que la Seine coule en effet sous le pont Mirabeau, il cingla ensuite jusqu’au quai de Bercy où il s’amarra. Il arriva ce qui devait arriver en ce temps-là et notre ami attrapa la fièvre éponyme, la fièvre de Bercy. Il était vacciné contre toutes les fièvres tropicales, pas contre les fièvres tropicrates. Depuis ce jour mémorable, l’administration a jugé utile d’y installer le Ministère des Finances.
Remis de ses émotions, il reprit le cours de la Seine et de ses aventures, se laissant porter par le courant. Il ralentit à la hauteur d’Honfleur pour saluer la mémoire de son glorieux ancêtre puis, prenant son élan à grands coups de pédales, il accosta à Douvres. Un britannique émerveillé voulut lui acheter son bateau et notre moussaillon, qui pratiquait avec peine la langue de cet insulaire, fixa le prix à une brique (notre franc avait encore cours comme vous l’avez compris). Le sujet de Sa Gracieuse Majesté accepta avec enthousiasme et fit monter cap sur un splendide brick. L’affaire fut conclue séance tenante autour d’un apple-pie. Ils prirent la mer de conserve, chacun sur son nouveau bateau et c’est ce jour-là que le moussaillon se mit à son propre compte et acquit son titre d’amiral. L’anglais, peu habitué à la navigation à pédales, perdit le cap assez rapidement car ce dernier était poussé par le vent.
Toujours ingénieux, l’amiral réfléchissait à une possibilité de naviguer sans peine mais sans toutefois utiliser de moteurs dont la source d’énergie serait pétrolière. Il s’était fait trop d’amis parmi la faune des océans. Il essaya tout, l’eau de mer, la méthanisation de ses effluents, la traction baleinière, que sais-je encore… Il ne trouvait aucune solution satisfaisante. Le déclic lui vint un jour de grève, il découvrit l’énergie scolaire ! Il suffisait de récupérer toute l’énergie inemployée par les enseignants pour mouvoir avec puissance le plus frêle esquif comme le plus lourd croiseur. Le gisement est inépuisable. Bien sur, je ne dévoilerai pas le procédé technique car il est encore protégé par un brevet.
On voit par là que pour un boutre à l’œil on peut avoir le pie du voisin et son brick. De nos jours pour une brique on a encore quelque chose