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jeudi 26 décembre 2019

Appelez-moi Fortunio (46)


-          Mon père a été, de son propre aveu, un résistant de la dernière heure. Il n’en tirait pas gloire et n’aimait pas trop en parler car, en réalité, cela va lui valoir des relations fructueuses dès la libération. Il va redémarrer son entreprise mais, cette fois, il voit grand. Il s’associe avec un certain Brento qui avait le sens du commerce et de l’entregent. Les affaires démarrent très fort et les deux hommes se séparent au bout de deux ans, Brento voulant monter à Paris. Mais, au dire de mon père, il lui a vraiment mis le pied à l’étrier. L’entreprise de Virgile Rambaud – ex Virgilio Rambolacci – a pignon sur rue et, lorsque quelqu’un lui parle du château, il flaire la bonne affaire. Il est à vendre meublé, pour une croûte de pain. Pourquoi ? Parce que Sammy et sa femme, sur la route du retour en France libérée, vont dévaler un ravin en auto et se tuer tous les deux. C’est donc la famille espagnole de l’épouse qui liquide la succession sans avoir aucune idée de la valeur du bien. Toutefois, une croûte de pain, il faut l’avoir et mon père, malgré son beau chiffre d’affaires, a beaucoup investi dans du matériel. Qu’importe, il fonce et son banquier le suit car c’est un placement : le château vaut peut-être dix fois le prix qu’il l’a payé. Il suffit d’attendre et de trouver le pigeon. Mais ce n’est pas comme cela que mon père voit les choses, il veut le garder. Ce qui veut dire qu’il faut faire tourner l’entreprise à fond pour rembourser. Rambaud Construction prend de l’ampleur et devient une des belles entreprises de la région. Mais, pris par son travail, mon père n’y habitera pas pendant plusieurs années. Il a placé un couple qui s’occupe de l’entretien et il y va une ou deux fois l’an. C’est aussi au début des années 50 qu’il rencontre ma mère qui était, suivant l’expression de l’époque, fille-mère. Il l’a épousée et il m’a adopté. Je n’ai jamais connu mon « géniteur » et c’est lui que j’ai toujours considéré comme mon vrai père. Il s’est toujours comporté comme tel et il a continué lorsqu’ils ont divorcé. J’étais aussi souvent chez lui que chez ma mère. Et, pour lui, j’étais son seul fils alors que ma mère a eu d’autres enfants après le divorce.
-          Elle s’est remariée ?
-          Non, elle a eu deux enfants avec un mec et un de plus avec un autre gars, toujours à la colle.
-          Mais, avec ton père, les choses se sont gâtées ?
-          J’y viens, j’y viens ! C’est vrai que c’est grâce à lui, ou plutôt à cause de lui que je me suis fait entôler. Mon père avait toujours sa maison et ses bureaux à Montauban et il faisait totalement confiance au couple qui s’occupait de la maison. Mais le mari est tombé malade et ils ne pouvaient plus assurer l’entretien et surtout ils voulaient se rapprocher d’une grande ville, enfin je m’entends, Montauban en l’occurrence. Mon père leur a trouvé un logement et il était çà et là d’aller s’installer à Soméjac quand s’est présenté un autre couple intéressé par le gardiennage. Et il faut dire qu’ils ont bien pris le boulot en main car il y avait, bien sûr, du retard dans l’entretien. Mon père était enchanté et il s’est mis à aller plus souvent au château. Il faut dire qu’il approchait de la soixantaine, l’entreprise pouvait tourner sans lui et il aspirait à une vie plus tranquille. Et puis, c’est pas tout ! Le couple de jardiniers était fort empressé auprès de lui, surtout elle, la quarantaine avenante. Et un mari prêt à fermer les yeux, si tu vois ce que je veux dire…
-          Je ne sais pas si je vois mais j’entends bien en effet !
-          Donc, il est venu s’installer tout à fait à Soméjac, il a vendu la moitié de son entreprise et il a commencé une vie de gentleman-farmer, en quelque sorte. Et moi, ma foi, je suis venu m’installer auprès de lui car la vie de famille du côté de ma mère, disons que c’était pas ça, je ne m’entendais pas toujours bien avec mes frères et sœur plus jeunes.
-          Donc tu te sentais mieux là ?
(à suivre...)

dimanche 22 décembre 2019

Chronique de Serres et d’ailleurs V (16)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Noël vient de passer après une débauche de promotions commerciales et le Nouvel-An arrive avec ses vœux dégoulinants de bons sentiments, de champagne et de gras foie.

Tout a commencé avec Halloween qui, sur un substrat religieux celtico-machinchose, nous est revenue des États-Unis comme bien des néo traditions commerciales et basées sur la sottise des consommateurs. Il serait plus judicieux de s’occuper des vivants qui souffrent de par le monde que de jouer à se faire peur avec des morts qui ne demandent qu’à rester tranquilles.

Vint ensuite le black Friday où tout un tas de commerçants vous font des rabais sur tout ce dont vous n’avez nul besoin : j’en ai fait l’expérience, je suis allé regarder certains produits que j’achète régulièrement et ces produits-là ne sont, par un étonnant hasard, justement pas en promotion. Mais tout ce qui m’est totalement inutile est tout à coup bradé à moins quarante, moins cinquante pour cent. Donc, mon seul réflexe a été de ne plus lire aucune de ces publicités racoleuses.

Un peu plus modeste, vint ensuite Saint-Nicolas, patron des écoliers qui s’est fait dépouiller de sa houppelande par un véreux financier. Mais c’est bien fait pour lui, il n’avait qu’à pas aller en Amérique où l’expression financier véreux est un pléonasme. Donc, Saint-Nicolas qui portait des jouets aux enfants des régions nordiques ou septentrionales, a perdu beaucoup de sa superbe et ne raccommode plus les petits enfants qui s’en vont glaner dans les champs car il n’y a plus de champs à glaner, on y a installé des supermarkets, des drive, des zones commerciales et on a massacrés pour cela les meilleures terres agricoles de notre pays, on y a créé des zones labyrinthiques qui dans vingt ans seront peut-être des friches industrielles irrécupérables. Ah, pauvre Saint-Nicolas !

Et arrive ensuite le père noël – et vous remarquerez que j’écris ces mots sans majuscules, ce qui ne fait pas ciller mon traitement de texte – qui fait les poches des crédules consommateurs sans que ceux-ci se remémorent que la fête dite de noël rappelle que naquit, il y a environ deux-mille années, un petit enfant qui, devenu grand, chassa les marchands du temple. Je suppose que, s’il les a chassés par la porte, ils sont revenus par les fenêtres et en masse, de surcroît ! Mais tant qu’ils auront des acheteurs, ils reviendront comme des sauterelles sur les récoltes, ne laissant rien sur leur passage.

Et, pour couronner le tout, voici la nuit de la Saint-Sylvestre et son réveillon, foie gras, caviar et champagne, crises de foie, gueules de bois et constipations au chocolat. Et surtout, les vœux, bonne année, bonne santé, surtout la santé ! Car pour le reste, y’a pas d’assurance ni d’hosto. Nous aurons droit aux vœux tout le long d’un interminable mois de janvier, le président, ses acolytes frénétiques, les députés, les présidents de toutes farines, les sénateurs, les maires et quelques autres ratons-laveurs.

On voit par-là qu’on va encore picoler ferme dans les chaumières.