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dimanche 29 octobre 2017

Chronique de Serres et d’ailleurs III (7)



Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Parmi les nouvelles les plus impressionnantes qu’il m’a été donné de lire, il y a celle que des robots seront, d’ici peu, capable de prédire le crime. Ainsi, la police et la justice ne seront plus tenues d’avoir une politique de répression mais pourront avoir une vraie action préventive, empêchant les prédictions de se réaliser. Car si l’on ne peut empêcher un ouragan ou un raz-de-marée de se réaliser, on peut empêcher quelqu’un de commettre un crime, quelquefois même avant que le criminel putatif n’ait consciemment eu l’idée de commettre l’irréparable.
On n’arrête décidément pas le progrès mais il reste toutefois une inquiétude : si ces machines sont utilisées pour les crimes, ne sera-t-on pas tenté de les utiliser pour les délits, mineurs ou non, de la vie que je qualifierais de quotidienne, à savoir les délits routiers ou les diverses entorses à la législation sur le tabac ? Auquel cas, ce serait une pluie d’interventions en tous genres qui risquerait de noyer nos bons pandores.
Certes, mais il est un terrain sur lequel les constructeurs de ces machines commencent à s’aventurer : il s’agit de prédire à l’avance les mensonges des élus. Jusqu’à présent, il n’était possible de les prédire qu’après coup mais voici que, comme si l’on avait une machine à remonter le temps, l’on peut prophétiser, sinon à coup sûr mais à 99,98 %, les mensonges que proféreront les candidats puis les élus au cours de leurs campagnes électorales puis de leurs mandats. Bien sûr, il ne faut pas être une machine pour savoir qu’un élu émettra au cours de sa carrière de nombreux mensonges mais, dans le cas qui nous intéresse, chaque mensonge sera identifié avant même que l’élu n’ait pu l’imaginer. Toutefois, il reste encore un obstacle au traitement de cette information, à savoir la capacité de mémoire des ordinateurs qui seront chargé de ce travail. A l’époque actuelle, pour détecter et stocker tous les mensonges potentiels dont sont capables les élus, il faudrait un ordinateur de la taille d’un département français pour la surface et du mont Blanc pour la hauteur. Autant dire qu’on n’y est pas encore et que nous devrons encore longtemps nous contenter de la lecture des journaux satiriques.
Car, et en effet, il faut bien savoir que ce n’est pas dans les grades les plus élevés que les élus mentent le plus : les élus d’importance ont des chefs de cabinets et des administratifs qui peuvent s’en charger. Mais la contre-vérité et la vérité inverse sont des sports qui se pratiquent à tous les niveaux, amateur comme professionnel et un élu de base qui se respecte se doit de s’entrainer régulièrement et le meilleur des entraînements est de mentir quand cela n’est pas nécessaire, l’élu compétent a cette abnégation du mensonge inutile. Comme le disait un de nos plus judicieux édiles : « Mentir avant de connaître la vérité et renier notre parole avant de l’avoir donnée, tel sera notre programme ».
On voit par-là que, s’il y a beaucoup d’appelés, il y a aussi un grand nombre d’élus.

jeudi 26 octobre 2017

René-la-Science (73)



— Oui, continue, répondis-je.
— Tout s’est bien passé, en fait ce Roger qui a l’air d’un ours peut être, s’il le veut, parfaitement charmant, gentil et attentionné. Bien sûr, je ne savais pas trop où je mettais les pieds mais je pensais que tout cela serait sans lendemain. D’ailleurs lui aussi avait l’air de prendre la chose ainsi. Il m’a ramené chez Michel, discrètement et sans chercher à poser des jalons pour la suite. Pour moi, on allait en rester là. Quelques temps ont passé et un jour, Roger débarque à la maison, chez Michel, et je lui offre un café qu’il accepte volontiers. Il se fait un peu pressant, mais je lui fais comprendre que je n’ai pas l’intention de lui offrir plus qu’un café. Il prend la chose avec le sourire mais il me dit qu’il est aussi venu parce que je pourrais l’aider. Je lui dis que je ne comprends pas, que je ne fais plus de kiné. Il me répond qu’il me demanderait simplement de lui parler des faits et gestes de Michel, surtout en ce qui concerne le bois du Blédard.
— Espionnage industriel ou quoi ?
— Oui, c’était à peu près cela, il voulait savoir ce que faisait Michel sur son terrain, s’il avait des projets ou des travaux en cours. Là, je lui ai demandé ce que c’était que cette connerie, en quoi les faits et gestes de Michel pouvaient l’intéresser et en quoi cela le regardait. Et j’ai éclaté de rire. Eh bien là, Roger, il n’a pas aimé, mais pas du tout… il s’est levé doucement, sa tasse en main. Il a jeté sa tasse contre le mur où elle a comme explosé. J’ai toujours ce bruit dans ma tête… Il a attrapé un petit chat qui jouait avec sa mère et il l’a aussi jeté contre le mur. Le chat s’en est sorti, mais Roger s’est approché de moi alors que je me levais de ma chaise et il m’a prise par la gorge. Il a serré et il m’a dit de faire attention parce qu’il pouvait être encore plus méchant. Il m’a fait agenouiller et m’a donné l’ordre de demander pardon. Je lui ai demandé pardon. Puis il m’a donné l’ordre de lui faire une pipe. J’ai obéi. Après avoir joui, il m’a dit de rester à genoux et d’aller sur les genoux lui chercher une autre tasse et de lui servir un autre café. J’ai fait tout ce qu’il me disait. Je suis restée à genoux à côté de lui pendant qu’il buvait son autre café. Et il m’a dit que je devais lui dire tout ce que faisait Michel, de chercher à savoir ce qu’il faisait au bois de Montieu. Et il m’a dit que si je ne lui obéissais pas, que si j’en parlais à qui que ce soit, il ferait des choses terribles. J’avais peur, je ne sais pas comment il a pu arriver à imprimer une telle peur en moi. Ce type est un malade, crois-moi.
— Et tu l’as tenu au courant de ce que faisait Michel ?
— Oui, je l’appelais au téléphone pour lui dire mais ce n’est pas par moi que Roger a su que Michel était au bois du Blédard avec sa femme. Je crois qu’il devait aussi surveiller sa femme parce que je lui avais dit que je croyais qu’il lui courait après. Tu comprends, j’essayais de téléphoner à Roger les moindres choses pour me faire bien voir de lui. Il me fait peur, tu ne peux pas comprendre…
— Si, crois-moi, je peux comprendre ta peur. Peut-être ne puis-je pas comprendre à quel point tu as peur, mais je crois que je peux comprendre ta peur. Mais je suis avec toi et je vais t’aider.
— Tu comprends, Michel ne pouvait ne m’être d’aucune aide, il est trop faible pour m’aider.
— Mais à moi, tu me fais confiance ? Demandé-je.
(à suivre...)

dimanche 22 octobre 2017

Chronique de Serres et d’ailleurs III (6)



Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Peut-on ne rien s’interdire et est-ce la même chose que de tout s’autoriser ? En effet, ne rien s’interdire n’est-il pas moins que de tout s’autoriser et peut-on tout s’autoriser sans pour autant ne rien s’interdire ? La question est difficile à trancher et il ne faudrait pas moins qu’un éminent prix Nobel pour nous éclairer sur ce sujet. Mais, de même, n’importe quel prix Nobel de n’importe quelle discipline est-il capable de donner un avis sur n’importe quel sujet ?
Car nul n’ignore que les Nobels sont de disciplines diverses  et chacune de ces disciplines, elles-mêmes, se subdivisent en sous-disciplines et parfois même en sous-sous-disciplines, ce qui fait beaucoup de sous-sous pour un certain nombre de gens, sans compter les primes et indemnités diverses et sans oublier la retraite de la fonction publique.
Ces disciplines sont la physique, la chimie, la médecine, la littérature et la paix. Une sorte de prix annexe est aussi décerné en économie mais celui-ci est décerné par l’académie des sciences imaginaires et ne rentre donc pas, stricto sensu, dans le cadre précédent. Evidemment, les trois premières, physique, chimie et médecine, sont qualifiées de sciences dures et sont donc les voies royales de  la nobélisation. Ensuite, la littérature, science molle si l’on peut dire, couronne une œuvre de qualité animée d’un grand idéal. Les grands idéaux ne font pas exception au niveau des sous-disciplines, le sous-grand idéal fait même florès de nos jours. Et, dernier mais non des moindres, le prix Nobel de la paix récompense  la personnalité ou la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix. L’attribution de ce prix a connu des fortunes diverses et dernièrement encore des pétitions ont circulé pour le retrait du prix à une personnalité, ce qui, paraît-il, est impossible. Et puis, s’il était avéré trente ans plus tard qu’un Nobel de physique ou de chimie se fût mis le doigt dans l’œil, irait-on le lui retirer ? De plus, il faut bien comprendre que le président Obama a reçu le prix Nobel de la paix à l’avance au cas où, par mégarde, il aurait ultérieurement fait la guerre. Mais l’aréopage qui attribue cette récompense sait juger aussi bien sur les faits que sur les intentions présumées des attributaires.
Pour revenir donc à ce que l’on peut s’autoriser tout en ne se l’interdisant pas, cela représente pas mal de choses diverses comme, en vrac, l’alcool, le tabac, les femmes, les hommes (et vice-versa…), le patin avec ou sans roulettes, la burqa, le chapeau haut-de-forme et le chocolat. Sans oublier un certains nombres d’autres choses que la bienséance et le directeur d’antenne m’interdisent de citer. Et si le tout est parfois plus que la somme des parties, il n’en est pas moins vrai que le rien est inférieur à la soustraction de toutes les autres, sans préjudice du contraire.
On voit par-là que s’il est interdit d’autoriser, il peut en conséquence paradoxale être autorisé d’interdire et inversement réciproquement, suivant la prescription du docteur Dac qui connaissait le prix de nos belles fantaisies.