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dimanche 21 juillet 2013

Chronique du temps exigu (69)




Revenu donc de l’autre bout du monde, je me préparai donc à aller au fond des choses.
Mais une chose est de toucher le fond et une autre de savoir ce que sont les choses. Les choses ont-elles une forme ? J’hésite à penser qu’elles puissent être rondes, où donc en serait le fond ? Je leur accorderais plutôt une forme cylindrique ou polyédrique, ce qui me permet d’envisager qu’elles aient un fond. A moins toutefois qu’à l’instar du tonneau des Danaïdes, elles n’en aient point. Auquel cas nous n’atteindrions jamais leur fond sauf à faire comme Achille lorsqu’il poursuit la tortue de Zénon… mais alors au bout du bout nous chercherions le fond du fond puis le fond du fond du fond sans jamais en voir la fin ! Au train où vont les choses, nous arriverions à la retraite et toucherions notre fonds de pension. Et les choses étant ce qu’elles sont, l’on constate que ces fonds fondent pour des raisons non fondées.
Les choses ont-elles une masse ? Le poids des mots, le choc des photos et la masse des choses. La chose et le mot…
Les choses sont-elles un bric-à-brac ou bien sont-elles une foule d’autres choses, ou tout simplement un petit quelque chose, un presque rien ou un je-ne-sais-quoi ? Comment alors en voir le fond et a fortiori aller au fond des choses ?
Lorsque la vérité sort du puits, vient-elle du fond après avoir bousculé le mensonge qui flottait à la surface ? Aller au fond des choses nous permettrait donc d’aller à la vérité contenue dans les choses et cela n’est pas chose aisée.
On voit par là qu’au fond, il ne faut pas grand-chose pour faire une chronique caniculaire.

dimanche 14 juillet 2013

Chronique du temps exigu (68)




Vous aurez certainement remarqué que nous sommes brutalement passés du numéro 63 au numéro 68. Non parce que j’aurais une affection particulière pour ce chiffre mais parce que, étant plus homme de lettres comme de chiffres – pardon : qu’homme de chiffres -, je me suis quelque peu mélangé les pinceaux précédemment. J’ai donc mis de l’ordre dans mes numéros. Puis, je suis parti au bout du monde.
Comment aller au bout du monde ? Rappelons ce que disait ma buraliste :
-         Vous habitez à Tarpignac ? Mais c’est au bout du monde !
-         Mais non, madame Sara, répondais-je, peut-être est-ce au milieu de nulle part mais où peut donc être nulle part si on est entouré de toutes parts ?
-         Certes, répondait-elle, cela fait un euro vingt. Mais convenez tout de même que c’est un trou !
-         Convenons si vous le voulez, mais qu’appelez-vous donc un trou ?
-         Par exemple, un trou, c’est au bout du monde. Vous avez déjà imaginé un trou plein ? Donc, au bout du monde, s’il n’y a plus rien, c’est un trou !
Ainsi parlait Sara Toussetra .Et constatons que son raisonnement  frappé au coin du bon sens ne l’empêche pas de rester lucide sur le prix du Canard du mercredi. Néanmoins –et toutefois de surcroït-, comment aller au bout du monde lorsque l’on jouit d’un budget modeste quoique suffisant ? La première question qu’il est nécessaire de se poser est la suivante : où suis-je ? Oui, je ne le répèterai jamais assez, où sommes-nous ? Sommes nous à l’autre bout du monde –auquel cas nous serions en quelque sorte au bout du monde- ou sommes-nous au centre du monde ? Ou sur quelque autre lieu du monde ? Et, question encore plus térébrante : peut-on réellement faire le tour du monde ? Car si l’on peut faire le tour du monde, comment savoir où trouver le bout du monde ? Même un serpent se mordant la queue y perdrait son latin : sic transit gloria mundi !
Laissons de côté les petits malins qui s’imaginent trouver un trou à Bâle et laissons Bécassine aller voir s’il n’y a plus rien à Plurien. Concentrons-nous sur le bout du monde : pour aller au bout de quelque chose, ne suffit-il pas de suivre la chose jusqu’au bout ? Il suffirait donc de marcher droit devant soi jusqu’au bout. Oui mais dans ce cas, ne risque-t-on pas de faire le tour du monde sans en voir le bout ?
Une seule solution donc : se retourner d’un coup sec pour surprendre tout le monde, d’un bout à l’autre. Car s’il y a un bout du monde, il y en a peut-être un deuxième, de l’autre côté du monde. Et c’est bien de là que je vous envoie cette chronique dont je commence à voir le bout.
On voit par là que la prochaine fois nous irons probablement au fond des choses.

dimanche 7 juillet 2013

Chronique du temps exigu (63)




Vae victis. Malheur aux vaincus avait déclaré Brennus en 390 ACN…
Mais aujourd’hui, il n’y a plus vainqueurs ni vaincus, il n’y a plus que des victimes. Il n’est plus nécessaire de se battre pour vaincre, il suffit de savoir se faire plaindre.
Ainsi tel ancien président qui claquerait la porte d’une institution seulement parce que celle-ci reconnaitrait qu’il a gaspillé l’argent de ses partisans et qu’il envisagerait de gaspiller celui de l’État. Cette issue défavorable ne pourrait certes pas étonner un homme qui ferait profession d’avocat et qui aurait voulu légiférer tant et plus sous son mandat. Mais ce dernier saurait fort bien aussi que l’on peut faire commerce de sa propre disgrâce. En effet, il ne manque pas dans notre pays de sots et de benêts capables de penser que la justice s’acharne sur un seul homme.
Néanmoins, il faut savoir que si un juge, un procureur ou un policier voulait s’acharner sur quelqu’un, il choisirait plutôt un pauvre hère qu’un puissant et riche ex-président et toujours avocat. Il ne faut pas rêver… Si vous avez eu l’occasion de voir, comme cela m’a été donné, quelque procès ordinaires, avec des juges pressés d’en finir, des substitutes qui se prennent pour des walkyries et des policiers aux témoignages douteux, vous savez que la justice qui est faite aux pauvres est parfois
  une pauvre justice. Elle ne fait pas la une des journaux, à peine quelques entrefilets en pages locales.
Donc, si vous avez le cœur plein d’astuce, vous pouvez tirer d’un maléfice effroyable des bénéfices secondaires confortables : en électeurs, en bienfaiteurs et en flagorneurs. Quoi de plus émouvant qu’un petit homme écrasé sous la botte des juges ? Quoi de plus émouvant qu’un petit homme qui a péché et qui ne se repent point ? Quoi de plus émouvant qu’un petit homme qui a gaspillé l’argent des autres et qui veut avoir le droit d’en gaspiller plus encore ? Quoi de plus émouvant que les clampins qui s’apitoient sur son sort ?
Mais de nos jours, la victoire est à ce prix : il faut devenir une victime, feindre de boire la coupe jusqu’à la lie, savoir se faire plaindre et émouvoir les âmes sensibles.
On voit par là qu’à feindre sans baril, on triomphe sans boire.