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dimanche 31 mars 2013



Chronique du temps exigu (64)
Y a-t-il encore de l’argent en France ?
On peut le penser. En effet, la Monnaie de Paris a vendu en deux jours dix mille pièces en or valant mille Euros chacune, soit un total de dix millions d’Euros. Cela n’est pas rien et l’on peut comprendre que certains bas de laine n’ont pas encore été écorchés par la politique fiscale de l’actuel gouvernement.
La Monnaie de Paris avait mis en vente ces pièces de la série dénommée « Hercule » et elle compte bien nous jouer à l’automne un remake  de cette opération avec des pièces en or de cinq mille Euros. Soit dit en passant, mon ami le bon docteur V. aurait été pressenti pour réaliser une séquence publicitaire dont le slogan ambitieux aurait pu être le suivant : « Pour ne pas avoir l’herpès, prenez l’hercule ! ». Toutefois, je ne suis pas certain, au vu du succès précité, qu’il soit utile de faire une grande réclame à ce sujet.
Cela dit, je me demande ce que fait le gouvernement. On voit que dès qu’il y a de l’argent à placer, à dépenser ou à gaspiller, un grand nombre de non-nécessiteux (expression de novlangue pour ne pas blesser les riches en les désignant trop crûment) sort de son trou les poches pleines de billets. Ils se jettent sur la dépense comme la richesse sur le beau monde.
Je pense en outre avoir autour de moi bien des gens très fortunés, à en entendre d’aucuns se plaindre de l’impôt sur la fortune, de la tranche à soixante-quinze pour cent et autres menaces qui pèsent au dessus de leurs têtes comme l’épée de madame Oclès dont parle Cicéron dans ses lettres tusculanes. Ne me sentant guère concerné par ces taxes, je ne peux que compatir à leur douleur.
D’après ces gens, le gouvernement aurait fait fuir tous les capitaux hors de notre pays vers des contrées plus favorables. Mais constatons tout de même que dès lors qu’il s’agit de faire une razzia sur tout ce qui a de la valeur, il se trouve toujours quelque fonds de tiroirs inattendus quoique disponibles.
Le problème, avec la richesse, c’est que contrairement à la pauvreté elle ne se laisse pas facilement définir. Il existe bien ce que l’on appelle un seuil de pauvreté mais point de seuil de richesse. Je me demande bien ce que fichent les économistes s’ils ne sont pas capables de nous pondre une définition objective et définitive (comme tout ce que professent les économistes les plus en vue) du seuil de richesse. Diantre, reconnaissons-le : si le seuil de pauvreté se reconnaît au moment où l’on y trébuche, le seuil de richesse est bien cette marche que nous n’arrivons jamais à franchir avec nos courtes gambettes. Ce que nous - simples mortels - sentons si bien intuitivement, comment se fait-il que les esprits distingués ne puissent le mettre en équations ?
On voit par là que, si les esprits distingués ont l’immortalité devant eux, ils auront encore beaucoup à faire.

dimanche 24 mars 2013




Chronique du temps exigu (47)
L’hiver s’en va à petit pas, sans se presser, un pas en avant, deux pas en arrière… le printemps arrive, doucement, sans trépigner. Les perce-neige sont là, jonquilles et narcisses fleurissent et dans l’ombre moussue les morilles attendent leur tour.
Et voilà qu’arrive, frêle et écarlate, la tulipe rouge de l’agenais. Ne la touchez pas, ne la cueillez pas plus, vous la feriez disparaître à jamais. Ses petits bulbes ont eu tant de mal à se perpétuer, arrachés par le soc des charrues, empoisonnés et décimés par les herbicides.
Mais elle est toujours là et ses délicates cousines, sauvages petites tulipes jaunes, poussent dans les taillis, en groupes abondants au pied des anciennes demeures.
Le printemps est là. Et malgré le froid, la pluie et la neige, rien ne l’arrêtera.
On voit par là… mais que voit-on donc par là ?
 

dimanche 17 mars 2013




Chronique du temps exigu (51)
Être pape, cela ne doit franchement pas être de la tarte mais le devenir ne doit pas être facile non plus. Déjà faut-il avoir la capacité de devenir vieux, ce qui n’est pas donné au premier venu. C’est en regardant, contrairement à mon habitude, le journal télévisé de la deuxième antenne française que j’ai appris qu’un nouveau pape venait de se faire élire, provoquant une crise d’enthousiasme chez le présentateur et les envoyés de la chaîne publique.
Le journal de la « deux » est une nourriture spirituelle dont je me passe généralement avec facilité. En effet, il est semblable à ces agglomérats dont se nourrissent les habitués des restaurants « fast-food » à l’américaine. Ceux-ci proposent, entre deux morceaux de ce que l’on pourrait appeler pain, des couches successives de viande hachée reconstituée, de fromage de synthèse, de salade nitratée et de mayonnaise graisseuse. De même, entre deux couches d’autopromotion, le journal de vingt heures vous offre une à deux épaisseurs de prévisions météorologiques, un zeste de bison futé, une épaisse tranche d’information prédigérée et un hachis de reportages téléphonés. Il faut bien huit heures de sommeil pour digérer le tout.
Je parlais donc de l’enthousiasme des prédicateurs du service public qui n’ont pas tardé à présenter le nouvel élu comme le pape des pauvres, passant sous silence la manière dont il aurait traversé la période de la dictature argentine. Mais qui n’a pas eu, en soixante-dix-sept années de vie, ses petites vicissitudes ?
« Combien j'aimerais une Église pauvre et pour les pauvres», aurait dit le nouveau chef des catholiques. C’est pas gagné d’avance, répondrais-je… Déjà faudrait-il que l’Église de Rome se défasse de bon nombre de ses possessions – au sens matériel du terme – et ensuite faudrait-il aussi que les riches démissionnent de leur appartenance à cette église. Vaste programme.
Fort heureusement, les zélateurs de l’Église ont toujours su porter leur choix sur des pauvres de bon aloi, écartant avec discernement les pauvres qui se rebellent, qui dénoncent les abus des puissants et qui s’unissent pour améliorer leur condition. Un bon pauvre est un pauvre à genoux et qui prie. Un mauvais pauvre est celui qui dit : « les grands nous paraissent grands mais nous sommes à genoux ; levons-nous ! ».
On voit par là qu’il n’est pas plus facile de rester un bon pauvre que de devenir un bon pape.

dimanche 10 mars 2013



Chronique du temps exigu (50)
Les amis de nos amis sont nos amis.
Alors là, je dis : oh oh oh ! Soyons prudents. Car en poussant le raisonnement un peu plus loin, peut-on en déduire que les amis de nos ennemis sont nos ennemis, que les ennemis de nos amis sont nos ennemis ou que les ennemis de nos ennemis sont nos amis ? Et inversement réciproquement. Sans oublier les amies de nos amis…
Pour bien en parler, il faudrait déjà avoir défini ce que c’est que l’amitié. Mais en cela, La Boétie avait déjà conclu : « c’est parce que c’était lui, c’est parce que c’était moi ». Et il est bien doux d’avoir de vrais amis, de ceux que le vent n’emporte pas mais que la mort cruelle nous enlève souvent en nous arrachant une part de nous-mêmes.
Mais s’il est bon d’avoir de vrais amis, il est plus utile encore d’avoir de vrais ennemis. Pas de ces ennemis médiocres et de peu de valeur. Du genre à vous vouloir du mal et à vous en faire sans le savoir, boutiquiers de l’inimitié à la petite semaine. Rien qu’à affronter leur bassesse, on y perd de la hauteur et l’on se livre à la vile et stérile polémique. Ils sont légion ces cafards de basse-fosse. Ils polluent nos villes, nos campagnes et quelques unes de nos synapses. La faucheuse, bien souvent, comme pour leur accorder un sursis qui leur permettrait de se racheter, les laisse vivre plus vieux. Mais ayant vécu sans âme, ils meurent sans esprit. Leurs cendres même ne sont que poussière et salissent la terre de leur crasse.
Mais un ennemi intime et fidèle, un de ces ennemis que l’on peut se vanter d’affronter, qui nous fait sortir le meilleur de nous-mêmes, voilà qui est précieux ! « Protégez-moi de mes amis, Seigneur, de mes ennemis je m’en charge » aurait dit le Vert Galant. Qu’il est admirable de se trouver un ennemi à sa hauteur, un adversaire que l’on respecte car il nous oblige à donner le meilleur de notre intelligence. Nous le sentons toujours en embuscade, prompt ou patient à nous répondre et sans le voir nous dialoguons sans cesse avec lui comme s’il regardait par dessus notre épaule lorsque nous écrivons. Il ne nous frappera point si nous sommes à terre car il n’accepte que le juste combat.
On voit par là que si l’honnêteté de nos amis nous réconforte, la loyauté de nos ennemis nous élève.

dimanche 3 mars 2013



Chronique du temps exigu (49)
« Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Des chercheurs qui trouvent, on en cherche. » (Pierre Dac).
Cette phrase avait tant frappé mon ami le professeur Papillon qu’elle a changé le cours de sa vie. En effet, après de longues, brillantes et solides études, il s’était lancé dans la recherche. Et comme il y a même de temps en temps un ministère pour cela, il dépendait de ce ministère. Nul ne doute que cela soit passionnant de chercher toujours et encore mais il commençait à se lasser de fureter, fouiner, fouiller et sonder. Après avoir envoyé un courrier au ministre pour lui proposer de créer un ministère de la découverte, il réfléchissait à cela en prenant un bain sur le balcon de son rez-de-chaussée – il avait en effet inventé le rez-de-balcon,  sans danger de chute et commode pour les Roméo sourds ou manquant d’agilité – lorsque le facteur en passant lui jeta la réponse du ministère. En termes un peu secs –un comble pour une lettre qui avait atterri dans l’eau du bain – il lui était signalé que sa proposition était incongrue, saugrenue et ingénue. Son licenciement sans indemnités lui était notifié et il était prié de ne plus mettre les pieds au ministère. Eurêka, s’écria notre Papillon, je viens de découvrir une nouvelle loi : « Tout corps plongé dans la fonction publique subit une pression de haut en bas telle que toute trouvaille lui est impossible. Tout corps émergeant de la fonction publique peut s’épanouir dans la découverte ». Il venait de formuler la Loi de Papillon.
Le bon professeur se lança donc à corps perdu et pour son propre compte dans la découverte, ce qui le mena jusqu’en Australie où il assistait à un congrès organisé par l’inventeur du slip kangourou lorsqu’il reçut un télégramme lui apprenant que son épouse légitime, non contente de demander le divorce s’était déjà mise en ménage avec son percepteur. Malgré son désespoir, il parvint à établir que « le battement de l’aile d’une feuille d’impôts à Bercy peut provoquer une tempête sous un crâne à Sidney ». C’est ce que l’on a nommé l’effet Papillon, du nom de son découvreur.
Car en effet, mon ami était devenu un découvreur après avoir été un chercheur. Son esprit est depuis toujours en éveil car il compte sur le hasard et l’intelligence de l’instant qui passe pour récompenser l’acuité de son esprit. Il se considère comme un héritier spirituel des princes de Serendip, inlassables découvreurs dont la bonne fortune a permis de créer le mot de sérendipité.
Chapeau, professeur ! On voit par là qu’il faut se découvrir devant le génie.