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dimanche 27 septembre 2020

Contes et histoires de Pépé J (4)

 


Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Partons aujourd’hui en un lieu où l’on ne sait plus si on est déjà en Dordogne ou si on est encore en Lot-et-Garonne, allons au Château de Biron. Ce château est situé au-dessus d’un très beau village, on peut le visiter et il y a très souvent de belles expositions de peinture ou de sculpture. Et je ne peux que vous conseiller l’auberge du château après ou avant la visite, pour vous restaurer dignement.

 

A noter dans le village un monument aux vivants, restauration de l’ancien monument aux morts, qui permet de ne pas oublier les horreurs de la guerre et les soldats morts au combat.

 

Mais je reviens au château et, plus précisément, vais-je parler d’un de ses maîtres, Charles de Gontaut, Duc de Biron, qui naquit en 1562 à Saint-Blancard dans le Gers. Fils d’Armand de Gontaut-Biron et de Jeanne d’Ornézan, il fut, comme son père, maréchal de France.

 

Nous avons incidemment côtoyé ce personnage en mars 2016 lorsque je vous ai parlé de la triste histoire d’Anne de Caumont dont la fortune avait fait le malheur puisqu’elle  lui avait attiré nombre de prétendants dès son plus jeune âge. Parmi ceux-ci il y eut Claude d’Escars que Charles de Gontaut, en tant que rival, tua en duel en 1586. Mais s’il la délivra ainsi d’un prétendant, il ne permit pas de changer le triste destin d’Anne de Caumont qui finit ses jours, après bien des péripéties maritales, au château de Gavaudun, non loin de Biron.

 

Charles de Biron fut un vaillant militaire qui, au service du roi Henri IV, se couvrit de gloire dans moult batailles. Le roi le fit successivement amiral de France et de Bretagne, maréchal de France, gouverneur de la Bourgogne puis duc et pair du royaume sur sa terre de Biron.

 

Mais il semble que Charles fut un éternel insatisfait et il conspira contre son roi en s’engageant même à prendre les armes contre son pays. Cela lui fut fatal, des rumeurs  parvinrent à la Cour et il fut dénoncé par son propre émissaire, justement nommé Jacques de la Fin.

Emprisonné, Biron continua à nier alors qu’Henri IV avait espéré qu’il avouât et se repentit afin qu’il puisse pardonner à celui pour lequel il avait eu une si grande affection. Son entêtement lui valut d’être décapité à l’âge de 40 ans dans l’enclos de la Bastille. C’est peut-être cette obstination qui fut à l’origine de l’expression populaire « con comme Biron ». Et c’est peut-être aussi ce personnage qui fut à l’origine de la chanson « Quand Biron voulut danser ».

 

Toujours est-il que les gens de sa terre de Biron prirent assez mal cette exécution et, de colère, ils auraient coupé les plus grands arbres des alentours et auraient décidé de ne plus baptiser les nouveau-nés du nom du roi.

 

Bien sûr, de nos jours les traîtres et les renégats ne risquent plus ni la décapitation ni la décollation mais on leur déroule le tapis rouge en leur allouant une place –et une paie- de député, de ministre, de premier ministre ou même de président. Les félons d’aujourd’hui ont la tête vissée aux épaules et le portefeuille ouvert en entonnoir. Mais nul ne doute qu’ils ne laisseront aucune trace d’eux dans les mémoires sinon de tristes marques bouseuses. Alors que Charles de Biron, même si on en parle peu, continue à hanter les esprits autant que les mémoires. Et, non content de laisser son empreinte mémorielle aux bironniens, il hante son château. Car son fantôme erre dans la chapelle toutes les nuits du 31 juillet, avec sa tête sous le bras. Un esprit céphalophore, pensez donc ! Je m’en serais voulu de ne point le connaître !

 

Voilà, c’est tout et c’est une histoire vraie.

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jeudi 24 septembre 2020

Appelez-moi Fortunio (85)

La pluie commence à tomber en grosses gouttes puis, très rapidement, ce sont des cataractes qui tombent. Un nouveau coup de vent plie la grande tente qui s’affaisse en lâchant des morceaux de bâche. Les responsables interviennent en demandant que personne ne tente quoique ce soit, la sono a pu être protégée et il est dangereux de chercher à sauver le reste tant qu’il y a du vent. Tout le monde s’est réfugié dans la petite salle des fêtes et, suivant le mouvement, Rosa et Albert croisent René qui prend Albert à part :

-          Mon petit Fortunio, peux-tu me passer la clé du château, j’ai à faire…

-          Affaire ? Répond Albert sans se démonter. Il lui tend la clé.

-          Merci, mon pote, je laisserai la porte de derrière ouverte, dit-il en partant vivement suivi d’une donzelle rapide comme l’éclair.

Rosa le tire par la manche et l’entraîne le long une coursive vers l’arrière du bâtiment. Dehors, la pluie tombe en rafales. Ils sont dans une resserre à outils, elle l’entraîne plus loin encore, le faisant traverser une courette sous la drache implacable, puis ils se retrouvent dans une serre assez encombrée mais qui a l’avantage d’être passagèrement éclairée par l’orage.

Elle le précède dans l’allée centrale puis, presque arrivée au bout, entre deux lauriers roses, elle se retourne et l regarde effrontément dans les yeux :

-          On est seuls au monde, ici pendant l’orage…

-          Je ne sais pas si on est seuls mais on est là toi et moi, dit-il en l’attirant à lui.

Il l’enlace et lui prend la bouche de ses lèvres émues. Dehors, la pluie tombe encore plus intensément, battant à gros bouillons sur le toit vitré de la serre, ruisselant généreusement sur les côtés. A chaque flash, la lumière leur fait croire qu’ils sont dans un aquarium ou des petits poissons perdus dans l’immensité d’un océan. Chaque coup de tonnerre fait vibrer la carcasse de la serre, donnant une impression autant de précarité que de sûreté. Combien de temps restent-ils à s’embrasser, ils ne savent, le temps est aboli. Au bout d’une demi-éternité, Rosa l’entraîne sur des bottes de paille, couvertes d’une petite bâche, qu’on croirait judicieusement posées là à cet effet. Combien de temps restent-ils sur cette couche improvisée, ils ne le surent pas plus car ils constatèrent à un moment que l’eau commençait à envahir le sol de la serre. Il était temps de se rajuster et d’évacuer les lieux. Dehors, le déluge continue et ils peuvent juste rejoindre discrètement la salle des fêtes au moment où la lumière revient.

Rosa lui fait comprendre qu’elle va s’éclipser discrètement et il se retrouve isolé dans une foule éberluée  mais qui retrouve un peu ses marques dans la lumière. Il comprend que sa présence n’ajoute rien à l’assemblée et, sous le regard apitoyé des présents, il se jette sous le déluge pour tenter de retrouver sa fourgonnette. Il récupère aussi la mob qu’il met à l’arrière.

La fourgonnette tousse un peu mais arrive à démarrer, les essuie-glaces peinent à dégager le parebrise et il part en direction du château. Par endroits, un torrent dévale des chemins latéraux et il roule doucement, en seconde pour permettre de faire tourner son moteur en donnant un maximum de charge. Mais en arrivant vers un bas-fond, il se rend compte qu’il est inutile de chercher à traverser le torrent, il y a plus de cinquante centimètres d’eau et son delco risque à coup sûr de ne pas accepter la noyade. Il a la chance de trouver à se garer.

Là, il hésite : dormir dans la fourgonnette ou continuer à pied ? Trempé pour trempé, il décide de sortir la meule, de fermer la caisse, de traverser la flotte en poussant/soulevant puis de tenter un démarrage motorisé. Bonne pioche, après le mini torrent, la pétrolette accepte de démarrer et, au petit trot, il regagne le château. Inutile de dire qu’il dégouline de la tête au pied, il est trempé jusqu’au slip, ce qui n’est pas sans rafraîchir à point nommé son matériel qui a connu précédemment la surchauffe.

Tant pis pour la pudeur, il se déshabille à l’entrée, laissant ses affaires dans le timbre de l’office, on verra au matin. Il monte, nu comme un ver, à l’étage. En passant devant la porte de la chambre dévolue à René, il lui semble percevoir un ronflement mais il ne cherche pas à en savoir plus et se dirige vers la salle d’eau où il se sèche vigoureusement avant d’aller dans la chambre se glisser dans son lit.

 

 

*

 (à suivre...)

 

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dimanche 20 septembre 2020

Contes et histoires de Pépé J (3)

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Je vais vous parler d’une poétesse locale que je ne connaissais pas jusqu’il y a peu, je le reconnais, et ce fut pour moi une découverte importante à cause de la qualité de ses écrits. Il s’agit de Sabine Sicaud, qui naquit en 1913 et mourut en 1928 à Villeneuve sur Lot. En quinze années d’existence, elle a écrit des poèmes d’une grande beauté et elle a obtenu une médaille au Jasmin d’Argent pour un poème que je vais vous réciter « Le petit cèpe » :

 

« Va, je te reconnais, jeune cèpe des bois…/ Au bord du chemin creux, c’est bien toi que je vois / Ouvrant timidement ton parapluie. / A-t-il plu cette nuit sur la ronce et la thuie ? Déjà le soleil tendre essuie / Les plus hautes feuilles du bois…

 

Tu voulais garantir les coccinelles ? / Il fait beau. Tu seras, jeune cèpe, une ombrelle, / L’ombrelle en satin brun d’un roi de Lilliput ! / Ne te montre pas trop, surtout… Le chemin bouge… chut ! / Fais vite signe aux coccinelles !

 

Des gens sont là, dont les grands pieds viennent vers toi. / On te cherche, mon petit cèpe… / Que l’ajonc bourdonnant de guêpes, / Le genièvre et le houx cachent les larges toits / De tes ainés, les frères cèpes, / Car l’un mène vers l’autre et la poêle est au bout !

Voici qu’imprudemment tout un village pousse : / Rouge et couleur de sang, vert et couleur de mousse, / Girolle en bonnet roux, / Chapeaux rouges, verts, blonds, partout, / Les toits d’un rond village poussent !

 

Depuis l’oronge en œuf, le frais pâturon blanc / Doublé de crépon rose / Jusqu’au méchant bolet qu’on appelle Satan / Je les reconnais tous, les joyeux, les moroses, / Les perfides, les bons, les gris, les noirs, les roses, / Tes cousins de l’humide automne et du printemps… / Mais c’est pour toi, cher petit cèpe, que je tremble ! / Tu n’es encore qu’un gros clou bien enfoncé ; / Ta tête a le luisant du marron d’Inde et lui ressemble, / Surtout, ne hausse pas au revers du fossé / Ta calotte de moine ! On te verrait… je tremble.

 

Moi, tu le sais, je fermerai les yeux. / Exprès, je t’oublierai sous une feuille sèche. / Je t’oublierai, petit Poucet. Je ne puis ni ne veux / Être pour toi l’Ogre qui rêve de chair fraîche… / Je passerai, fermant les yeux !

 

Dans mon panier, j’emporterai quelques fleurs, une fraise… / Rien peut-être… Mais toi, sur le talus, / A l’heure où les chemins se taisent, / Levant ton capuchon, tu ne nous craindras plus !

Brun et doré, sur le talus, / Tu t’épanouiras en coupole si ronde, / Si large, que la lune en marche – une seconde- / S’arrêtera pour te frôler de son doigt blanc. La nuit / Se fera douce autour de toi, bleue et profonde. / Mignonne hutte de sauvage – table ronde / Pour les rainettes dont l’œil   jaune et songeur luit, / Mon cèpe ! tu ne seras plus un clou dans l’herbe verte, / Mais un pin-parasol dans l’ombre où se concertent / Les fourmis qui, toujours, s’en vont en longs circuits ; / Tu seras une belle tente, grande ouverte, / Où les grillons viendront chanter, la nuit… »

 

Voilà, c’est tout et c’est une histoire vraie.

 

 

 

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jeudi 17 septembre 2020

Appelez-moi Fortunio (84)

-          Je pensais qu’en étant au Comité on buvait gratis, dit-il.

-          C’est possible mais je n’aimerais pas que tu m’offres une bière gratuite… et puis il faut faire rentrer des sous dans la caisse…

-          Pas d’objection, je me rends à vos arguments…

-          Alors, raconte, tu es ici en vacances ou tu t’installes dans la région ?

-          Plutôt en vacances, je dirais. J’habite en Lot-et-Garonne…

-          Ah. Moi, ça fait six ans que j’habite ici, l’ancienne école. C’est pas facile de trouver une maison à louer assez grande avec quatre gosses et un homme.

-          Il n’y a plus d’école ici ?

-          Si, une école toute neuve, l’ancienne était trop petite, ils l’ont restaurée pour la louer. Elle était trop petite comme école mais pas assez grande pour faire plusieurs logements et puis ils cherchaient à faire venir une famille avec enfants, justement pour l’école…

-          Tout cela me dépasse un peu, je dois dire…

-          T’as pas d’enfants, si je comprends bien ?

-          Ni femme ni enfant, juste une bétonnière et trois ouvriers. Je vis seul et en ménage avec ma truelle…

-          C’est passionnant tout ça ! On danse ?

-          Et le mari ? Il danse pas ?

-          D’abord c’est pas mon mari, ensuite il est censé garder les gosses, c’est-à-dire qu’il est devant la télé avec un pack de kros et il s’endort entre la troisième et la quatrième !

-          Bien, allons danser. Là il y a une espèce de rock, ça vous plaît ?

-          Pas trop, je danse pas bien mais le slow, ça passe tout seul…

-          Allons, je ne suis pas un professeur mais on va essayer.

L’ambiance aidant, ils se lancent au milieu de la piste. Le résultat n’est pas terrible mais ils se marrent bien. Ensuite vient un slow assez sympa, Albert sent bien sa cavalière contre lui , la tête sur on épaule. A un moment, elle bascule la tête en arrière et le regarde dans les yeux. Ses yeux verts lui font un regard magnétique qui lui met un frisson dans la moelle de tous les os.

Brutalement, les lumières s’éteignent et la musique s’arrête. Un coup de tonnerre éclate au-dessus d’eux et un brusque coup de vent balaie les gobelets et les serviettes sur les tables.

Les danseurs, plongés dans le noir, se sont arrêtés de danser. Par moments, des éclairs jettent une lueur fugace sous la tente. Rosa n’a pas lâché Albert, ils s’embrassent langoureusement, profitant de l’obscurité.

D’un coup, la lumière revient avec la musique, Albert et Rosa ont glissé doucement vers le fond de la piste mais un éclair violent suivi immédiatement du tonnerre éclate, le courant est de nouveau coupé.

D’autres éclairs, d’autres grondements de tonnerre, puis une bourrasque brutale secoue le barnum qui se couche puis se redresse. L’évacuation est générale dans une tempête qui menace.

 (à suivre...)

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