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dimanche 28 septembre 2014

Chronique du temps exigu (124)




Longtemps, je me suis levé de bonne heure. Parfois, à peine éveillé, mes yeux s’ouvraient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : « je suis éveillé ». Et, une demi-minute après, la pensée que j’aurais pu, encore, être occupé à dormir, me surprenait ; je voulais reprendre les rêves que j’avais car il me semblait qu’ils me préparaient au jour venant. Cette croyance survivait pendant quelques secondes puis elle faisait place peu à peu aux réalités que le temps amenait. J’étais seul dans la maison et l’heure hâtive faisait que la lumière blafarde transformait en fantômes légers les arbres, les maisons et les prés. Puis, je prenais la route, traversais des villages endormis où luisait parfois la porte d’un fournil et les rares êtres que je croisais paraissaient furtifs et sans malice, se hâtant lentement vers la journée en devenir. Il me semblait que tout était ouaté, doux, vaporeux et parfait. C’était l’heure où le soleil n’éclairait pas encore de sa lumière crue les errements de notre espèce.
Mais avec le jour émergeait la dure réalité des choses et des hommes, le soleil montrait que la sottise humaine emplit le monde de son odeur triste et fade, de sa brume opaque et disgracieuse  ainsi que de sa clameur sourde et rauque. La sottise, oui, non point la bêtise ou la connerie.
La connerie, en effet, est le fait de tous et nul ne sait s’il n’est point le con d’un autre. De plus, respectons l’origine du mot qui lui-même désigne l’origine du monde et Dieu sait pourquoi ce mot si doux a si mal tourné.
La bêtise est accessible au moindres comme aux meilleurs d’entre nous ; il n’est pas rare que l’on puisse se dire : « Mince alors, suis-je bête ! ». Erreur excusable et souvent vénielle, la bêtise semble sortir de nous comme si nous n’y avions pas fait attention, comme survenue d’un fonctionnement reptilien et donc en quelque sorte animal. Et c’est bien le genre d’erreur que l’on ne refera plus la prochaine fois car on y sera attentif. L’erreur est humaine, dit-on. Mais y persévérer est diabolique, ajoutent certains : c’est pas parce qu’on a mis le pied dedans qu’il faut y mettre les mains.
 Et c’est là qu’arrive pompeusement la sottise, apanage de ceux qui se parant des plumes ocellées d’une raison falsifiée montrent à qui sait voir un orifice postérieur souillé de leur arrogance et de leur stupidité, de ceux qui, persévérant dans la bêtise s’en flattent et font l’admiration d’autres sots, les crétins se reconnaissant entre eux, les demeurés s’acoquinant et les débiles se congratulant mutuellement. L’impuissance de leur pensée n’a d’égale que leur cécité mentale, leur autosatisfaction leur tient lieu de nécrologie anthume et l’admiration niaise des nigauds leur tiendra lieu de nécro-coprologie. Et du haut de leur sottise, ils nous toisent en nous prenant pour des idiots.
Passer pour un idiot aux yeux des imbéciles est une volupté de fin gourmet, disait Georges Courteline. Régalons-nous donc.

jeudi 25 septembre 2014

Le cabot de Fortunio (12)

-          Bien sûr, je vais vous les remplir ces papiers mais je n’ai aucune idée de ce que c’est d’avoir un chien. Je vais devoir le vacciner ?
-          Allez voir votre vétérinaire, avec le chien bien sûr, et il vous dira ce qu’il faut faire. Ne vous plaignez pas, j’ai déjà rempli l’essentiel du questionnaire. C’est bien votre adresse ?
-          Oui, comment connaissez-vous… ?
-          Quand on a un véhicule en forme de carte de visite, ça laisse des souvenirs, plus la note de la gendarmerie. Madame Tenel m’a dit de noter votre adresse…
-          Madame Tenel ?
-          La présidente, celle que vous avez traitée de…
-          Bon, j’ai compris, j’ai insulté votre présidente et je vais avoir une plainte au cul !
-          Mais non, vous vous faites des idées. Allons, signez-moi cela puis je voudrais voir encore une fois ce chien.
-          Bien, dis-je en me penchant sur le questionnaire. Oui, mes coordonnées sont exactes. Vous avez marqué qu’il a entre 8 et 16 mois, je l’aurais cru plus vieux. Et c’est quoi ça, c’est la race du chien ? Ou c’est son nom ?
-          C’est un snotenberg, un vrai à mon avis. Vous devriez contacter la Société Centrale Canine, ce chien est peut-être inscrit au Lof.
-          Ah bon ? Et vous sortez ça d’où ?
-          Je vous signale que je sors de l’Ecole Vétérinaire, ça ne se voit peut-être pas. De plus, je connais très bien cette race, mon oncle avait un élevage de snotenbergs et je suis même allé avec lui à un concours à Zakdúk.
-          Excusez-moi mais vous me parlez de choses que je ne connais pas. C’est quoi tous ces trucs-là ?
-          Le Snotenberg est une région de l’ex-RDA. Cette race de chien en est originaire et la ville principale est Zakdúk. Je suis allée là-bas avec mon oncle, à un concours spécial de la race. C’est une très jolie ville, un peu ravitaillée par les corbeaux. J’aimerais bien y retourner un jour mais depuis que mon oncle est décédé, je n’ai plus eu l’occasion d’y aller.
Je signe le formulaire et nous allons jusqu’à la fourgonnette. J’ouvre une porte arrière et Annie se met à examiner le chien, pardon la chienne.
-          Elle a subi des traumatismes divers, sans gravité mais il faudra surveiller. Vous savez si elle a pris des coups ? dit-elle.
-          Ecoutez, c’est un pompier qui l’a trouvée en pleine nuit non loin du lieu d’un accident de voiture. Je vous fais grâce des détails mais la bagnole, c’est moi qui l’ai trouvée, était dans un état incroyable. Complètement démantibulée, personne ni dans la voiture ni aux alentours. J’ai appelé les flics et ils m’ont demandé de rester sur place. On a tous cherché dans les fossés, dans les taillis et dans les bois et tout ce qu’on a trouvé, c’est ce clébard…
-          Il a un nom ce chien, elle s’appelle Kara, appelez-la par son nom.
-          Vous avez peut-être raison mais moi je lui avais déjà donné un nom : Flèche.
-          C’est joli mais ce n’est pas son nom officiel !
-          D’accord mais Kara, ça ne me plaît pas. D’abord ça fait vraiment le nom du chien de tout-le-monde ou n’importe qui et d’ensuite ça fait carabiné, carabistouille, carapate ! Donc, je l’appellerai Flèche. Ou La Flèche, pas autrement.
-          Ah, vous alors ! Et puis, vous faites comme vous voulez. Appelez-la donc pour voir.

Je me recule de quelques mètres et je l’appelle : « Kara ! ». Elle ne bronche pas. Ensuite j’appelle : « Flèche ! » et elle vient vers moi.
(à suivre...)

dimanche 21 septembre 2014

Chronique du temps exigu (123)


L’automne arrive, chantons une petite chanson !


À chaque coin de rue
Le travailleur surpris
Sur l’affiche se rue
Des candidats d’Paris
On voit beaucoup d’promesses
Écrites sur le papier
Mais l’peuple ne vit pas d’messes
Alors ça l’fait crier


Refrain :
L’gouvernement d’Ferry
Est un système pourri
Ceux d’Floch et de Constant
Sont aussi dégoûtants
Carnot ni Boulanger
Ne pourront rien changer
Pour être heureux vraiment
Faut plus d’gouvernement


Le gros ventre qu’engraisse
L’suffrage universel
Vient vous battre la grosse caisse
Comme monsieur Gérodel
Il vous promet tout rose
Mais quand il est élu
Ça n’est plus la même chose
Il vous tourne le cul !

Certains énergumènes
Débitants de discours
Vous redisent les rengaines
Qu’on entend tous les jours
Moi j’suis un homme honnête[2]
Moi j’suis un érudit
Mon copain est intègre
Mais l’populo leur dit :


Refrain


Même des socialistes
Membres de comités
Soutiennent des fumistes
Qui s’portent députés
Y’a pas à s’y méprendre
Qu’ils soient rouges, bleus ou blancs
Il vaudrait mieux les pendre
Que d’leur foutre vingt-cinq francs

Tu leur paies des ripailles
Toi, peuple souverain
Et lorsque tu travailles
À peine as-tu du pain
Ne sois donc plus si bête
Au lieu d’aller voter
Casse-leur la margoulette
Et tu pourras chanter


Refrain


De toute cette histoire
Voici la conclusion
L’électeur c’est notoire
N’a pas tout’ sa raison
J’n'aim’ pas le fataliste
Je n’ai ni foi ni loi
Je suis abstentionniste
Ami voici pourquoi :


Refrain

François Brunel « Faut plus de gouvernement ».

jeudi 18 septembre 2014

Le cabot de Fortunio (11)

-          Ben dites-donc, c’est à vous ce cador ? me demande-t-il.
-          Je dirais que c’est une acquisition récente et quelque peu involontaire. Je suis franchement désolé…
-          Ce n’est rien, il paraît que chien qui aboie ne mord pas mais tout de même, il m’a surpris !
Ce moment d’émotion passé, je règle mes affaires puis reviens chez moi escorté du toutou qui semble maintenant calmé. Mes ouvriers terminent de décharger les outils du camion, ils ne bossent pas le vendredi après-midi. Je leur propose de boire un coup et nous entrons dans la maison. Le clebs semble assez dissipé, on voit qu’elle se sent à l’aise, un peu trop même.
On boit notre coup, les mecs ne s’attardent pas. Je mets en place les gamelles avec des croquettes pour la chienne puis je me prépare un frichti. Tout en tournant dans une casserole, je pense à ce putain de clébard. Il ne va pas me pourrir la vie maintenant que, par la force des choses et par la grâce de ma connerie, je suis devenu son maître.
Je me mets à table et le téléphone sonne. C’est Annie, la jeune femme du chenil qui me signale que j’ai, comme qui dirait, intérêt à me mettre en règle : je suis parti comme un voleur et je risque en effet d’être considéré comme tel. Un voleur de chien, s’entend. Il faut régulariser la situation et le mieux serait de revenir dès quatorze heures au chenil. Je sens une ironie perfide dans sa voix juvénile.
-          Bon, je veux bien revenir mais je ne voudrais pas retomber sur la harpie de ce matin.
-          C’est un risque à courir, cher monsieur, et c’est vous qui voyez, me répond-elle.
-          Bien, je viens. J’avoue que je n’ai pas été très fin…
-          Mais si, mais si, vous seriez surpris si vous saviez…
-          Il vaut parfois mieux ne rien savoir. Allons, laissez-moi le temps de manger et j’arrive. Par pitié, n’ameutez pas la maréchaussée, les gabelous et les services vétérinaires, je vous promets de me jeter à vos pieds avant le coucher du soleil et d’implorer votre clémence !
-          Bon appétit, je vous attends, conclut-elle.
Et sitôt déjeuné, me voilà sur la route. J’arrive à deux heures tapantes au chenil et me présente devant la demoiselle.
-          Bonjour Annie, dis-je. Enfin, vous permettez que je vous appelle par votre prénom ?
-          Mais oui, cher monsieur, répond-elle.
-          Oh oh, pass tann de moussu, appelez-moi Albert, je vous en prie.
-          Bien, alors monsieur Albert, vous devez signer ces quelques papiers. En fait tout doit se passer comme si vous aviez amené ce chien puis que vous étiez venu le prendre. Ce chien fait partie du chenil et vous en deviendrez propriétaire si vous remplissez et signez ces papiers, pas avant sinon vous serez considéré comme voleur de chiens. Alors, que décidez-vous ?

dimanche 14 septembre 2014

Chronique du temps exigu (122)


Les Français seraient-ils constipés ? On pourrait le penser car on vient de leur administrer deux grains de valls en peu de temps, ce qui est un remède, sinon souverain, tout au moins radical contre la constipation. Ce qui est attesté par la présence de Madame Pinel au gouvernement.
A croiser bon nombre de nos concitoyens, on est frappé par l’aspect de leur visage qui exprime en effet un transit difficile et un réel embarras intestinal. Voyez ces conducteurs le matin qui donnent l’impression d’une réflexion profonde alors qu’ils sont seulement accaparés par leur tristesse occlusive. Voyez ces passants, les pommettes gonflées, les yeux bridés et la bouche contractée : vous les saluez, ils peinent à émettre un grognement, monopolisés qu’ils sont par leur mélancolie obstructive. Pour eux, force est de reconnaître qu’un laxatif puissant leur est nécessaire mais était-il utile de nous administrer un tel purgatif, à nous qui vivons en bonne entente avec nos intestins ?
Mais, foin de ces considérations médicales, revenons à nos politiques. Ou plutôt aux électeurs qui les portent au pouvoir. Car ce sont bien les électeurs qui décident, même s’ils ont l’impression de diluer leur vote dans un océan d’eau trouble. Et ces électeurs préfèrent toujours les candidats qui font des promesses dont tout le monde sait qu’ils ne les tiendront pas. Sinon Jospin ne se serait  pas vautré aux présidentielles de 2002, après avoir en moins de cinq ans réalisé l’essentiel de son programme électoral. En fait, l’électeur moyen a pour certains candidats, avant les élections, les yeux de Chimène et ensuite pendant cinq ans, il fait comme Caliban qui enrage d’abord de voir sa face horrible dans un miroir puis ensuite de ne plus la reconnaître dans un miroir déformant, les élus n’étant que le reflet de l’image de leurs électeurs.
« Pour être heureux vraiment
Faut plus d’gouvernement 
 »[1]


[1] François Brunel « Faut plus de gouvernement ».

jeudi 11 septembre 2014

Le cabot de Fortunio (10)

A ce moment, une porte s’ouvre, du côté des bureaux, et une dame avec un chapeau un peu ridicule interpelle la préposée.
-          De quoi s’agit-il, Annie, vous enregistrez un chien ? C’est vous qui portez ce chien ? dit-elle en nous regardant successivement.
-          Monsieur est envoyé par la gendarmerie de Marmande, ils ont trouvé ce chien, répond l’Annie en question avec un peu d’agacement.
-          Envoyé par la gendarmerie ? Ils disent tous cela en venant se débarrasser de leurs animaux…
-          Pardon, madame, dis-je, j’ai un document d’accompagnement et ce chien ne m’appartient pas…
-          C’est cela, oui, et c’est nous qui avons les animaux sur les bras, vous êtes vraiment bien content de vous en débarrasser, coupe la mégère avec rudesse.
-          Madame, dis-je avec emphase, seriez-vous une bénévole ?
-          Oui, monsieur, et on commence à en avoir…
-          Madame, la coupé-je en haussant le ton, je me disais bien que vous n’êtes pas payée pour faire chier le monde mais que vous le faites bénévolement.
-          Monsieur, je ne vous permets pas de…
-          Je n’ai nulle besoin de votre permission, Madame Vieille Guenon, et je ne vous salue pas. Au revoir, mademoiselle Annie, c’était un plaisir de vous rencontrer !
Et, laissant la chapeautée interloquée, je me dirige dignement vers la porte, je sors et referme derrière moi. Je regrette de partir ainsi sans avoir dit au revoir au clebs. J’arrive à ma fourgonnette quand j’entends la porte s’ouvrir : c’est Annie qui m’interpelle pour me signaler que je n’ai pas signé la décharge. J’hésite à revenir sur mes pas lorsque je vois arriver la matrone que je viens d’affubler d’un nom de singe. Elle reste sur le pas de la porte, la bouche ouverte et je suppose qu’elle veut m’asséner un lot de vérités premières mais aucun son ne sort de sa bouche. Et, profitant de ce moment de flou, mon cabot fonce entre les jupes de la mégère et se précipite vers moi, tout joyeux. J’ouvre la porte du véhicule et il s’engouffre aussitôt à l’intérieur.
-          Eh bien voilà, plus besoin de décharge, déclaré-je en mimant le salut du mousquetaire balançant son large chapeau à plumes. Au plaisir, Mesdames !
Je me mets au volant et démarre tranquillement sous les yeux des chenillères départementales. Je ne suis pas plus fier que cela de mon esclandre mais cette vieille orchidoclaste, avec son arrogance, m’a obligé à faire ce que je voulais faire : repartir avec le clébard. Ce n’est pas que j’aie envie d’avoir un chien mais il me semble que c’est lui qui m’a adopté, ou plutôt que nous étions faits pour nous rencontrer, d’une manière ou d’une autre. Voilà qui est bel et bien, je ne sais pas si ce chien est vacciné, truc chose ou machin car en la matière, je n’y connais que dalle. Bon, en plus, il se fout à aboyer maintenant comme s’il se sentait chez lui dans ma bagnole.

Je m’arrête à la coopérative pour lui acheter un sac de croquettes, un collier, tout le bataclan qui va avec, gamelles et patin couffin. Voilà Mirza, pardon Flèche, montée en ménage. Cela réglé, je passe voir un client à Saint-Léger. En arrivant, j’ouvre la porte arrière et voilà Flèche qui se transforme en molosse et se précipite en aboyant sur mon client, plutôt surpris. Impossible de la calmer et je lui enjoins donc de remonter dans la fourgonnette, ce qu’elle refuse tout autant. Je tente de l’attraper par son collier tout neuf, elle me grogne dessus et se met à tournoyer dans la cour du client. Il ne me reste qu’une solution, mimer mon départ. Dès qu’elle entend le moteur tourner, elle saute dans le véhicule auquel je fais faire un bond en avant suivi d’un brusque coup de frein, ce qui a pour effet de fermer la porte arrière. Je peux redescendre et saluer dignement mon client.
(à suivre...)

dimanche 7 septembre 2014

Chronique du temps exigu (121)

La France va-t-elle redevenir un pays agréable à visiter ? On peut le penser car un journal américain nommé  Condé Nast Traveler vient de publier un palmarès des villes les moins accueillantes pour les touristes. Si Johannesburg est classée en tête, Cannes et Paris arriveraient respectivement en deuxième et quatrième position.  Bien sûr, on ne sait pas trop sur quels critères se basent ces prodigieux statisticiens mais ce qui aurait été aussi intéressant c’est de connaître le palmarès des touristes les plus désagréables. Qui sait en quelle position se serait placé le touriste américain ou autre lecteur de ce magazine ?
Toujours est-il que la publication de ce classement ne peut qu’être favorable au bien-être et au calme des villes précitées qui vivront bien mieux sans ces hordes déferlantes de touristes et qui seront d’autant plus réceptives aux aimables visiteurs et accortes visiteuses soucieux et soucieuses du respect des lieux qu’ils visitent et des personnes qui y vivent. Quant aux autres, les touristes purs et durs, il faut leur créer encore plus de parcs d’attraction avec hôtels incorporés, parkings à camping-cars et supermarkets à touristes, le tout dans une ambiance de folklore local quoique mondialisé avec aliments pasteurisés et distractions finement calibrées. L’accueil serait assuré par d’accortes hôtesses et de fringants stewards. Bien, me direz-vous, mais en quoi tout cela est-il bien différent des Clubmed’s et  autres espaces à touristes ? Si, cela est légèrement différent car on pourrait installer ces parcs dans les plus grandes installations d’épuration de notre pays. Avez-vous déjà vu ces stations et avez-vous remarqué la place perdue, l’espace libre et disponible que l’on pourrait récupérer ? De plus, le touriste se nourrissant abondamment de nourritures et boissons variées se trouverait en prise directe pour évacuer, après digestion, les reliquats de son alimentation. On garnirait ces stations de minitour Eiffel, de mini cathédrales, de golfs et autres sites attractifs. On créerait des catacombes virtuelles et des musées imaginaires. Ainsi, l’on serait débarrassé du touriste le plus désagréable autant que sudoripare, lecteur de magazines pour gogos, tout en le délestant quand même de son argent excédentaire. Nos villes, nos montagnes, nos campagnes deviendraient plus fréquentables pour les voyageurs courtois et vraiment intéressés par notre pays. Evidemment, nous serons toujours tenus de supporter ceux de nos concitoyens qui se comportent en touristes chez nous mais nous envisagerons ultérieurement de les envoyer sur une autre planète.

On voit par là qu’on trouvera toujours de la place pour évacuer certains déchets.

jeudi 4 septembre 2014

Le cabot de Fortunio (9)

J’arrive à la gendarmerie. Livron m’attend dans la cour, un papier à la main.
-          Voilà, me dit-il, c’est pour le chenil, pas de problème de ce côté-là.
-          Y en aurait-il d’un autre côté ? ironisé-je.
-          Oui, un peu. Je ne devrais pas trop en parler. Bon, mais ne le répétez pas, ce n’est pas non plus… enfin vous voyez. Oui, la voiture, le propriétaire… enfin, il l’a vendue il y a six mois mais l’acheteur n’a pas fait le changement de carte grise. Et pour le retrouver, ça ne va pas être simple, l’ancien propriétaire, un nommé Robico,  a disparu il y a quinze jours à peu près, la veuve ne sait pas où il a mis les papiers. Voyez… Et puis, ce qui est bizarre, bon… comment dire ? La voiture a été trafiquée, on ne sait pas si c’est avant ou après la vente au dernier propriétaire. La suspension a été durcie, le moteur gonflé, enfin le genre à en faire une petite bombe sur roues, le style compétition. Pas étonnant de comprendre ce qui a dû se passer, le mec devait rouler au moins à deux-cents pour avoir mis le véhicule dans cet état, d’après les experts de la police scientifique. Voilà, c’est tout mais c’est bizarre de retrouver le véhicule, juste une trace de sang sur le tableau de bord et personne autour, ni mort ni vif ! Bon, le chien, lui, c’est autre chose, il n’a sans doute aucun lien…
-          Oui, sans doute, mais c’est bizarre qu’il se soit trouvé là…
-          Bon, enfin, voilà, je ne sais pas pourquoi je vous raconte tout cela, c’est juste que ça m’intrigue. Allez, on verra bien. Merci de vous être occupé du chien. Et si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas, je ferai ce que je pourrai.
-          D’accord, merci. Au revoir.
Et nous partons, Molosse et moi, en direction du chenil départemental. L’endroit est un peu tristounet, on entend quelques jappements et les animaux font des gueules d’enterrement. Je rentre dans un petit hall où nous sommes reçus par une aimable jeune fille qui se met en devoir d’examiner le chien. Elle est sans aucun doute plus experte que le pompier de la veille car elle décèle d’une part que le chien souffre de multiples contusions et d’autre part qu’il est porteur d’une puce. Elle passe un lecteur de puce près du cou de l’animal puis vérifie les données sur son ordinateur.
-          C’est un chien qui a été déclaré volé, me dit-elle, son propriétaire s’appelle Robico, ajoute-t-elle en souriant, il habite à Angoulême.
-          Tout est bien qui finit bien, alors, dis-je, il va pouvoir retrouver son maître.
-          Je vais essayer d’appeler chez son propriétaire, avec un peu de chance…
Elle cherche le numéro sur son ordinateur et je me mets à gamberger : y aurait-il deux Robico à Angoulême ? Pourquoi pas mais ce serait une sacrée coïncidence tout de même.
-          Allo, je suis bien chez monsieur ou madame Robico ? demande la caninière.
Il s’ensuit une conversation à laquelle je ne comprends pas grand-chose. Cela dure deux bonnes minutes.

-          Bon, dit-elle une fois qu’elle a raccroché, ce n’est pas simple. J’ai eu madame Robico, elle me dit que son mari a disparu depuis plus de quinze jours et que ni son mari ni elle n’ont ou n’avaient de chien. Si ça en tombe, ils ont cru qu’ils pouvaient se débarrasser du chien en douce mais maintenant avec l’identification par puce…
(à suivre...)