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jeudi 29 janvier 2015

Le cabot de Fortunio (30)

-          Ils n’en savent rien, ils ne l’ont jamais contrôlé et ils ne vont pas relever tous les numéros de plaques des voitures du coin… surtout quand elles sont particulièrement rapides.
-          Bien, bien. Et on fait quoi avec ça ?
-          Inutile de se pointer là-bas, je n’ai aucune autorité pour y aller et l’enquête est pour ainsi dire close. Mais tout de même, j’aimerais bien aller jeter un coup d’œil en douce…
-          Ouiiii, et tu ne comptes pas m’y envoyer, j’espère. Ça m’étonnerait qu’on me reçoive avec de la tartiflette, ce coup-ci. Ou alors une tartiflette dans la tronche !
-          Bien sûr, on irait à deux, j’ai un peu repéré les lieux sur goût-gueule-heurte, il n’y a qu’une petite route goudronnée pour y aller et qui descend, pas le genre pour une arrivée discrète. Mais plus haut, il y a des bois, un chemin d’exploitation et on devrait pouvoir garer la voiture au-delà du bois et s’approcher à pied. Le mieux, ce serait un matin tôt, juste avant le lever du soleil…
-          Là, pendant la semaine, inutile d’y compter, je bosse moi ! coupé-je d’autorité.
-          Tu as raison, je proposerais plutôt même dimanche matin. La météo prévoit un temps brumeux, de la bruine peut-être, de quoi aller se balader discrètement en tenue pas trop voyante, si tu vois ce que je veux dire…
-          Allez, pourquoi pas ? A quelle heure dimanche matin ? Il faut une heure et demie pour aller là-bas, non ?
-          Un peu plus, même. Je propose trois heures du mat’ ici, dit-il en débouchant une petite bouteille.
-          Ça boume. Bon, on finit cette fillette de rosé et tu te barres. A moins que tu veuilles casser une croûte sur le pouce…
-          Oh non, je bois juste un petit coup et, comme tu le dis si bien, je me barre. En tant que gendarme, je peux difficilement me permettre de dépasser la limite légale, tu le sais bien. Et puis, je dois quand même me présenter à la maison, le retour à pas d’heure ça va bien une fois de temps en temps, dit-il en vidant son godet. Allez, à dimanche !
Après son départ, je sors une miche de pain et un morceau de Cantal grand comme une entrecôte de Salers puis je m’enfile tout cela avec un bon coup de rosé avant d’aller dormir.
*
Le lendemain soir, après une studieuse journée de boulot, Flèche et moi allons à notre première séance au club canin de Courtlieu. C’est fou ce que ce clébard apprend vite, il est bien plus doué que moi et on commence à former une bonne paire à tous les deux, la tête et les jambes comme qui dirait…

Vendredi soir, je décide de tenir ma parole et, une fois habillé en citadin, je me rends à l’Espace Peinture de Bergerac seul sans ma Flèche, restons discrets. L’expo se situe à coté de la rue Denis Baudelaire, dans une rue plutôt calme. Il commence à faire noir et en arrivant je vois deux personnes qui discutent devant ce que je suppose être la porte d’entrée. Je suis encore à une bonne trentaine de mètres mais il me semble comprendre qu’il y a du désaccord dans l’air. Un gars, pardon : un monsieur, cinquantaine et fringué comme il faut, rouspète et tente d’entrer en écartant une gonzesse, pardon : une dame à queue de cheval sombre qui doit faire un mètre quatre-vingt-dix et un empennage d’autant. Evidemment, le monsieur, qui fait une tête de moins que la dame, n’arrive pas à faire bouger la solide cerbère qui doit avoir tout au plus trente ans et des battoirs comme des raquettes. Il élève la voix. Madame queue-de-cheval le chope par le col et lui balance par un aller-retour deux petites calottes qui claquent joyeusement. Le calotté bat de l’aile mais la solide vigile le tient toujours par le col, bras tendu. En deux temps, elle l’attire vers elle légèrement puis le propulse en arrière. Le gazier peine à tenir son équilibre et se retrouve presque face à moi.
(à suivre...)

dimanche 25 janvier 2015

Chronique du temps exigu (140)

La pénibilité au travail, on en parlait et on en reparlait mais voici que le gouvernement commence à en préciser les critères. Et quand le gouvernement, épaulé par sa solide administration, précise des critères, on n’est pas certain d’y voir beaucoup plus clair. En effet, le ministre du Travail a créé une mission pour vérifier l’applicabilité des critères retenus. Pourtant, on pourrait se demander si des critères inapplicables ne seraient pas plus pertinents, économiquement parlant. Mais nul doute, les missionnaires du ministre sauront prêcher la bonne parole : ils se réuniront en conclave ou autre conciliabule, pondront des rapports circonstanciés, se congratuleront mutuellement puis se nourriront frugalement de petits fours aux frais de la princesse. Le métier de missionnaire ne manque pas de moments pénibles…
Toutefois, il ne faut pas tout mélanger : de même que pour la température, il y a pénibilité et pénibilité, à savoir la réelle er la ressentie. J’explique : d’abord il y a le travail pénible réalisé par un artisan ou tout autre travailleur indépendant. Que diable, s’il veut être son propre patron, qu’il se débrouille ! Cela n’est pas pris en compte par la pénibilité officielle qui ne concerne que les salariés. Ensuite, il y a le travail pénible réalisé par un travailleur λ, conscient de faire un dur travail mais heureux de le faire et qui ne demande qu’à continuer. C’est le monsieur Jourdain de la pénibilité car ce dernier faisait de la prose sans le savoir et notre travailleur λ fait de la pénibilité sans s’en douter. Et c’est là qu’intervient le spécialiste en pénibilité, celui qui éveille les consciences et met au jour la pénibilité. Non qu’il la pratique lui-même mais il est capable de la ressentir tels ces chefs qui soulèvent quelques poids pendant leurs loisirs et qui, le lundi, savent qu’ils connaissent réellement la pénibilité. Disons par exemple qu’un fonctionnaire soulevant un poids de vingt kilos ressentira une pénibilité supérieure au travailleur λ qui soulèverait un poids de quarante kilos. Cela se traduit par le théorème suivant : « Toute masse soulevée par un fonctionnaire a un poids égal à toute autre masse de poids égal à laquelle on ajoute la TVA, la CSG et le CRDS, les centimes additionnels, multiplié par l’indice de référence et la valeur du point, le tout additionné d’une pincée de provisions pour retraite anticipée. 

Force est de comprendre que maintenant tout travailleur se devra de réfléchir à son indice de pénibilité avant de faire le moindre effort. Et que l’on ne nous dise pas qu’il est pénible de réfléchir !

jeudi 22 janvier 2015

Le cabot de Fortunio (29)

Le soir même, comme promis, mon Livron débarque avec un petit pack de quatre fillettes de rosé. C’est un homme qui sait vivre…
-          Rosé de Touraine, introuvable pour le profane ! déclare-t-il, péremptoire.
-          C’est-y qu’tu s’rais donc de par-là ?
-          Du tout, mais c’est là que j’ai eu ma première affectation et il m’en reste quelques connaissances.
-          Bien, voilà des verres, je te laisse faire le service…
-          Bon mais c’est pas tout ça, j’ai du nouveau et je ne suis pas mécontent de moi, dit-il en débouchant une première fillette, j’ai retrouvé la trace du prénommé Adso…
-          Alors raconte…
-          Les recherches se font toujours alphabétiquement, sur le nom de famille. Mais j’ai eu l’idée de regarder si le logiciel permettait de faire une recherche par prénoms. Bien sûr, des Pierre, Paul, Jacques et autres il y en a à la pelle mais j’ai pensé que des Adso, ça devrait être bien moins courant. Ça n’a pas été simple car ce n’est pas prévu mais j’y suis arrivé… et bingo ! Je n’ai trouvé qu’un seul propriétaire de véhicules prénommé Adso  et répondant au patronyme quelque peu néerlandais de Kriekecrommbierbuik. On comprend qu’il ait voulu simplifier...
-          Attends, il y a un truc que je ne comprends pas : tu l’as retrouvé alors qu’il n’a pas déclaré le changement de propriétaire ?
-          Tu as raison, mais il a bien d’autres véhicules…
-          Alors là, je comprends. Il en a plusieurs ?
-          J’en ai compté quatorze. Pas mal, non ?
-          Quatorze ? Il a une véritable flotte de véhicules ou alors il est garagiste…
-          Rien qui ait moins de quinze ans, en fait. Il doit même y avoir l’une ou l’autre épave dans le tas. Donc, j’ai trouvé ce mec et je dirais qu’il n’est pas trop futé, il aurait mieux fait de changer aussi de prénom. Mais tout cela ne prouvait pas que cela soit lui l’acheteur du break de Robico, il me fallait creuser un peu, avec l’adresse bien sûr.
-          Ah oui, il crèche où ce hollandais volant ?
-          Du côté de Fumel. J’ai donc appelé la brigade pour savoir s’ils connaissaient notre Criquecrommechose…
-          Et alors ?
-          Et alors, ils en ont une tartine à raconter. Ce gars a débarqué il y a quelques années dans une sorte de communauté installée sur une ferme isolée et éloignée de tout. Le propriétaire est un certain Sameli, il y a du monde qui va et qui vient, des hommes des femmes, et on ne sait pas trop de quoi ils vivent. Il y a bien des soupçons de petits trafics de fumette mais les collègues n’en savent pas beaucoup plus car les rares fois qu’ils y sont allés, ils ont toujours été reçus sur le pas de la porte. Le nommé Sameli a deux ou trois vaches, des poules, des moutons, que sais-je ? C’est un peu l’arche de Noé… Donc, les collègues ont quand même contrôlé deux ou trois fois notre Adso avec toujours de bagnoles différentes mais jamais rien de bien marquant. Le gars se prétend mécanicien mais ce qu’ils ont pu me dire c’est qu’il aurait été vétérinaire en Hollande et qu’il aurait eu quelques ennuis pour trafic d’hormones…
-          Dopage ?
-          Dopage de bovins, hormones de croissance je suppose. Toujours est-il que ce ne sont que des on-dit. Par contre, ils ont bien remarqué un break béhème blanc autour de la ferme du nommé Sameli. Il ne passait pas inaperçu, le gonze roulait comme un fou au volant de cette caisse.

-          C’était l’ex-break de Robico ?
(à suivre...)

dimanche 18 janvier 2015

Chronique du temps exigu (139)


Après les terribles attentats qui ont eu lieu à Paris en ce début d’année, on a pu voir, entendre et lire bien des commentaires et il y en aura bien d’autres. Inutile de rajouter un grain de sel dans cet océan déjà bien glauque, d’autres s’en chargeront sans barguigner.
S’il est un personnage étonnant quoique modeste, c’est bien le savant Maître Bufficago, professeur émérite de moult facultés de par le vaste monde et titulaire de la chaire de sociologie appliquée de l’université de Calladao ainsi que de celle d’économie assidue de l’université de Pachicamoc. Ce génial personnage, lecteur éclectique et syncrétique, m’a contacté après avoir lu quelques chroniques sur ce blog. Il souhaitait bien sûr avoir la possibilité de faire plus ample connaissance avec le professeur Papillon, trouveur infatigable. Tout en spécifiant que c’est par simple curiosité intellectuelle car il désire continuer son activité de chercheur : en effet, il craint de perdre ses emplois si inopinément il se mettait à découvrir alors que chercher, ma foi, on peut toujours chercher, dit-il…
Cela dit, notre chercheur n’est pas en manque d’hypothèses, de théories et de conjectures et sa dernière proposition devrait retenir toute l’attention des milieux autorisés. L’idée est simple, pour ne pas dire simpliste, comme toute théorie économique. Maître Bufficago part du constat que nos finances de pays dits développés sont chancelantes, les déficits se creusent (le déficit est l’exemple-type du gars qui creuse lui-même sa tombe pour y enterrer quelqu’un d’autre…) et on ne sait plus où donner du portefeuille pour renflouer les caisses. Ensuite, il fait le sous-constat suivant : la main d’œuvre est trop chère dans les pays dits occidentaux et bon nombre d’entreprises se tournent vers les pays dits émergents ou en voie d’émergence afin de faire travailler à vil prix une main d’œuvre abondante, soumise et disciplinée. On en arrive à nommer cela dumping social. En conséquence, les travailleurs des pays développés sont au chômage, ils ne paient donc plus d’impôts et les caisses de l’Etat se vident. Que faire ?
C’est ici que vient la proposition de notre économiste distingué. Il propose tout simplement de rétablir l’esclavage dans les pays occidentaux. Certes, vous me direz que pour rétablir l’esclavage en Europe il faudrait qu’il eût été aboli dans nos pays alors qu’il ne se pratiquait que dans les contrées éloignées. Que nenni, répond notre émérite, l’esclavage a été en usage en Europe depuis la plus haute antiquité, sous les romains et au Moyen-Age. Il est seulement tombé en désuétude et on peut donc parler de le rétablir.
Mais alors, qui réduirait-on donc en esclavage ? C’est simple, conclut notre sociologue économisant, c’est par le bénévolat qu’on obtiendra les résultats les plus probants. Il y a dans nos pays beaucoup de gens qui cherchent du travail. On en donnera à tous ceux qui en veulent, à savoir tous les futurs-ex-salariés du secteur privé. Ils seront logés, nourris, blanchis, battus et fouettés sans bourse délier. Pour eux, pas de Code du travail, pas de RTT mais la semaine de sept jours et la journée de seize heures. Voilà qui est simple et peu coûteux. Pour ce qui est du secteur public, il vaut mieux attendre et voir les résultats car il est peu certain que ces salariés soient réellement en recherche de travail et ils seraient donc peu rentables à exploiter.

Notre brillant professeur compte donc proposer un tel plan  aux instances du FMI mais sait-il que ces instances ont déjà largement réfléchi sur le sujet ?

jeudi 15 janvier 2015

Le cabot de Fortunio (28)

Je lui parle alors de la lettre d’Eliane. Je ne raconte pas toute l’histoire, évidemment, là aussi je dois garder une part de mystère sur mes activités précédentes.
-          Eh bien, je suis bien content pour toi ! Cela dit, on a galopé toute la journée pour pratiquement que dalle, on n’en sait pas beaucoup plus qu’avant !
C’est à ce moment que mon portable sonne. Il est dans la poche de ma veste et je le laisse sonner. Il est plus de onze heures, bizarre.
-          Tu ne décroches pas ? me demande Livron.
-          C’est toi, gendarme, qui me dis cela ? réponds-je.
-          Oui, j’aurais décroché pour toi, dit-il en riant.
-          Ça peut attendre.
Nous arrivons chez moi et Flèche en profite pour faire la tournée des popotes. Je propose à Livron un casse-croûte qu’il accepte volontiers.
-          Ma femme va gueuler mais je m’en fous, je suis au forfait ! déclare-t-il avec aplomb.
-          Allez, je te dois bien ça ! Je te tiens compagnie, non pas que j’aie faim mais je bois un coup à ta sainte patience !
Il est minuit lorsqu’il se barre et je repense tout à coup à cet appel sur mon portable. Je vais sur ma messagerie et, surprise, il y a un message de… Martine Grebier : « Je voudrais parler au responsable des Maisons de Fortunio. Inutile de me rappeler ce soir mais… qu’il me rappelle demain. ». Bon, en plus je suis démasqué. Une seule solution, elle nous a repérés d’une manière ou d’une autre. Toujours cette sacrée fourgonnette aux armes de l’entreprise !
*
Le lendemain, le boulot m’appelle et je suis sur le chantier dès huit heures. Mes gars commencent à s’habituer à mes absences mais tout de même, si le patron ne se montre pas sur le chantier, où va-t-on ? Tout à mon travail, je ne pense plus à rappeler Martine Grebier et, vers onze heures, c’est un appel de Livron qui me remet dans l’ambiance. Il me demande s’il peut passer chez moi le soir même, il a un peu de nouveau mais ne tient pas à parler trop longtemps car il est à la brigade. Après avoir raccroché, je recherche le numéro de Martine Grebier et je la rappelle.
-          Madame Grebier ?
-          Oooh ! Serait-ce le responsable des Maisons de Fortunio ? Il me semblerait que j’ai appelé ce numéro hier soir. Alors, si c’est bien le cas, je vous signale que vous avez un employé qui se promène bien loin de chez vous, le soir, avec le véhicule de l’entreprise…
-          Allons, chère Madame, vous savez bien que c’est moi, Albert…
-          Oh ! Quelle heureuse surprise, monsieur Ellefor en personne ! Mais alors, c’est vous le pédégé des « Maisons de Fortunio » ?
-          Mais oui, soi-même. Vous vouliez me parler, disiez-vous ?
-          Oui, comment allez-vous depuis hier soir ? Et votre ami, dans la voiture, il n’a pas eu trop faim ? Il avait mangé, peut-être ? Vous ne vous demandez pas comment j’ai eu votre numéro de portable ?
-          Vous avez vu ma fourgonnette, je suppose.
-          Monsieur Ellefor, sachez que dans Verneuil tout se sait, tout se voit et tout se dit. Ma voisine a repéré cette fourgonnette, cela lui a paru louche, elle a tout noté, elle a vu qu’il y avait quelqu’un qui attendait dans la voiture et, dès qu’elle vous a vu partir, elle m’a appelée au téléphone.
-          Moi qui pensais passer incognito, c’est donc raté ! Ah, ça fonctionne toujours bien, la blanche, dans les campagnes !
-          Ah mais son fils est gendarme à Angoulême, je suis sûre qu’elle lui a téléphoné pour lui dire de se renseigner…
-          Eh bien voilà ! Bon, à propos de gendarme, votre chien, il n’est toujours pas revenu ?
-          Non. Et pourquoi à propos de gendarme ?
-          Il a peut-être été volé, ce chien, vous devriez peut-être aller à la gendarmerie, dis-je perfidement.
-          Non et non ! D’abord ce n’est pas officiellement mon chien et d’ensuite s’il a envie de faire sa vie ailleurs, je n’y vois aucun inconvénient. Et si je la retrouve, je vous la donne puisque vous me proposiez de la faire porter. Comme ça vous aurez toute la portée pour vous. J’ai vos coordonnées maintenant…
-          Et pourquoi non ? Tenez-moi au courant.
-          J’espère bien vous voir ce vendredi à Bergerac…
-          Avec plaisir mais je suis sûr que vous serez très occupée, un vernissage avec les officiels et le toutim…
-          Vous n’êtes pas obligé de venir seul : ne laissez pas votre copain dans la voiture cette fois-ci !
-          C’est bien ce que je lui ai proposé hier soir mais il ne sera pas libre ce vendredi et il vous prie, bien sûr, de lui pardonner son absence…
-          Allons, à vendredi donc et si j’ai des nouvelles, je vous appelle. Ciao !
-          A vendredi.

*
(à suivre...)

dimanche 11 janvier 2015

EN HOMMAGE AUX VICTIMES DE L’ATTENTAT DE CHARLIE-HEBDO :
SILENCE AUJOURD’HUI
Pas de chronique

jeudi 8 janvier 2015

Le cabot de Fortunio (27)

-          Il était à pied ?
-          Non, il avait un break blanc…
-          De quelle marque ?
-          Oh, moi, vous savez, les marques, je n’y connais rien. Un break, quoi ! je ne l’ai pas trop bien vu, il était garé un peu plus loin et le téléphone a sonné, j’ai fermé la porte et je suis allée décrocher.
-          Et c’était quand ?
-          Jeudi, le jour où Kara a fugué. Enfin, voilà, donc, comme je vous disais, je vous garde un chien de ma chienne… quand je l’aurai retrouvée !
-          J’y compte bien, dis-je en me levant. En tout cas, ce fut un plaisir de vous rencontrer.
-          Mais… ce fut un plaisir pour moi aussi. Tenez, je vais vous donner ce petit flyer, j’ai un vernissage vendredi soir à Bergerac. Ce n’est pas trop loin d’Agen, vous seriez le bienvenu !
Elle me donne un carton sur lequel il est indiqué : « Martine Grebier – Esquisses & Lignes – Espace Peinture à Bergerac – Vernissage à 18.30 heures ». Elle m’ouvre la porte, me tend une main que je serre puis je m’éclipse, emportant ma part de mystère. Livron m’accueille, un sourcil en accent circonflexe. Il a un gargouillement de ventre que j’interprète comme un reproche.
-          Tu avais raison, dis-je, il valait mieux que j’y aille…
-          Ne me dis pas que…, dit-il avec un geste équivoque.
-          Mais non, elle allait passer à table. Sa tartiflette était excellente, je dois dire…
-          Salopard va, ne me dis pas que tu t’es tapé la cloche pendant que j’attendais dans la voiture…
-          Mais si, mais si, voyons ! Qui c’est qui m’a envoyé là-bas ? C’est Tonton Livron !
-          Bien, j’espère que ton taux d’alcoolémie est convenable, ne compte pas sur moi pour…
-          Pas de menaces, Livron, on est associés, non ? Chacun court ses risques et on mutualise les pertes. Mais je suppose que tu veux que je te raconte…
-          Oui, mais ne perds pas de temps, je suis pressé de revenir chez moi maintenant. Je t’écoute.
-          Tiens, dis-je en lui tendant le flyer. Madame est peintre à ce que j’ai compris. Si tu veux, on va à son vernissage à Bergerac vendredi à 18.30 heures. Tu pourras, toi, te taper la cloche avec des petits fours.
-          Je suis de garde en fin de semaine. Et ne parle surtout pas de manger. Alors, Robico, quelles nouvelles ?
Je lui raconte par le menu ma conversation avec Martine Grebier.
-          Ça n’a pas l’air de l’inquiéter plus que cela, la disparition de sa chienne, je comprends qu’elle se soit cherché un maître ! Donc, le Robico a disparu de la circulation. Un nommé Adso cherche après lui, ce n’est pas un hasard, ça doit être l’acheteur de sa béhème. J’aimerais bien savoir qui c’est, ce gars-là… Et tu n’as rien dit pour le chien ?
-          Ben, non. Il aurait fallu que j’explique comment je l’avais trouvé… et puis il y a un truc qui me revient maintenant, c’est qu’au chenil, la nana m’a dit que le chien avait été déclaré volé alors que Madame Robico soutient n’avoir jamais eu de chien. Il faut vérifier s’il y a eu plainte et par qui, ça c’est de ton ressort !
-          Evidemment et je m’en occuperai. Finalement, j’aurais dû y aller moi-même, elle m’en aurait dit plus. Elle est mignonne cette gonzesse ?
-          Oui, assez. Au premier abord, on lui donnerait à peine vingt ans mais elle en a peut-être dix de plus. Brune, les yeux verts, bonne cuisinière et un tempérament d’artiste !
-          Oui, bon, elle t’a tapé dans l’œil et tu n’as pas su la faire parler. C’est même elle qui t’a tiré les vers du nez, je parie !
-          Là, Livron, t’exagères. Tu m’envoies chez elle et puis tu critiques, la prochaine fois…
-          Oui, d’accord. Mais elle t’a tapé dans l’œil !

-          Livron, puisqu’on a le temps, je vais te raconter ce qui m’arrive…
(à suivre...)

dimanche 4 janvier 2015

Chronique du temps exigu (138)

Je ne vais tout de même pas vous souhaiter une bonne année en ces temps troublés !
En effet, si nous savons bien que les politicards de toutes farines et de tous étages n’hésitent pas à faire tout et n’importe quoi pourvu que cela soit profitable à leur portefeuille ou flatteur pour leur ego, nous savons encore mieux que les électeurs moyens et même un nombre non négligeable de ceux qui s’abstiennent sont encore pires que ces véreux personnages. Le téléspectateur benêt se gondole en regardant les émissions qui caricaturent les politiciens sans se douter que c’est sa propre image dont il se gausse. Il suffit de se promener quelque peu pour constater que notre pays regorge de sots, de crétins, de débiles, d’innocents, de demeurés, de niais, de nigauds, de gens bornés, médiocres, bêtes, d’intelligences en friche, d’hébétés, d’impuissants de la pensée, d’imbéciles atteints de cécité mentale, de trous-du-cul, de stupides, j’en passe et des pires. Pour résumer, notre pays est jonché de gens ineptes, heureux de voir qu’il y en a d’aussi ineptes qu’eux, comme s’ils se sentaient grandis en voyant la bêtise des autres.
Mais alors, qui est donc cet électeur moyen que cherchent partout les sondeurs et les statisticiens ? Est-ce l’électeur qui se situe dans la moyenne des électeurs ou l’électeur médian, celui qui se trouve au milieu de la population ? Nullement et je crois pouvoir dire que c’est tout simplement l’électeur médiocre, celui qui se trouve au milieu de nulle part mais partout aussi, le peigne-cul patenté, le seul vrai et authentique personnage médiocre intellectuellement, socialement et culturellement, l’électeur sans visage, l’indécis, celui qui fournit les bataillons des extrêmes, de la droite et de la gauche, celui qui vote sans penser et qui après le vote hurle avec les loups, une fois d’un côté et une fois de l’autre, au gré des rumeurs des médias dominants.
Un seul être nous manque et tout est dépeuplé… mais qu’est-ce que la terre paraîtrait d’une rondeur engageante si le peigne-cul nous faisait défaut !

jeudi 1 janvier 2015

Le cabot de Fortunio (26)

-          Oui, bien sûr. Mais vous pensez que c’est lui qui a récupéré le chien ?
-          Ça m’étonnerait, je ne vois pas ce qu’il en ferait. Il n’est pas encore vingt-et-une heures, vous pourriez appeler chez lui.
-          De votre appareil ?
-          Mais oui, sa femme ne connaît certainement pas mon numéro et si c’est lui, ça lui fera les pieds, il va se poser des questions.
-          Laissez-moi finir mon assiette, votre tartiflette est excellente !
-          Oui, vous aurez droit au dessert après avoir appelé !
-          Ah ben, c’est fromage et dessert, ici, dis-je en torchant proprement mon assiette.
-          Son nom de famille, c’est Robico, Alain Robico, vous n’aurez qu’à le demander et si c’est lui, raccrochez. Comme cela, au moins, je saurai qu’il est chez lui.
Elle prend son appareil, fait un numéro et me passe le combiné après avoir mis le haut-parleur.
-          Je suis bien chez Monsieur Robico ? demandé-je à une voix de femme.
-          Madame Robico à l’appareil. Je vous écoute.
-          Bonjour Madame, je m’appelle Albert Ellefor et je voudrais parler à Monsieur Robico.
-          Mon mari est absent. Voulez-vous laisser un message ?
-          Non, quand pourrais-je le rappeler ?
-          Laissez-moi vos coordonnées, il vous rappellera : pouvez-vous me redire votre nom ?
-          Merci bien mais je préfère rappeler. Bonsoir Madame.
Et je raccroche un peu cavalièrement, sans autre forme de procès, trouvant que j’en ai déjà bien assez dit, sinon trop.
-          Allons, vous avez mérité votre dessert Monsieur Ellefor ! Des poires au sirop, cela vous dit ?
-          Je crois qu’il faut que je m’en aille, excusez-moi.
-          Te te te, j’ai deux questions à vous poser, le temps de prendre le dessert, pas question de se défiler, dit-elle en mettant deux coupelles et un plat sur la table. Servez-vous !
Je me sers rapidement en pensant à Livron qui croupit avec Flèche dans la bagnole.
-          Alors, première question : cela vous étonne-t-il si je vous dis que votre histoire de chien me paraît totalement foireuse ?
-          Oui, cela m’étonne, réponds-je sur un ton ostensiblement hypocrite. Deuxième question ?
-          Vous faites quoi dans la vie quand vous ne faites pas des réponses foireuses ?
-          Je suis… plombier, réponds-je sur un ton manifestement sincère.
-          Un plombier ! Cela ne m’étonne pas : quand on en a besoin, on n’en trouve pas et quand on n’en a pas besoin il en tombe comme s’il en pleuvait. Bien, je n’ai pas d’évier bouché ni de robinet qui fuit et vous avez fini à ce que je vois. Voulez-vous un café ?
-          Non merci, cette fois-ci, il faut que je m’en aille.
-          Soyez tranquille, j’ai d’autres questions en tête mais je comprends que vous souhaitez garder votre part de mystère, Monsieur Ellefor… Disons que je vous garderai un chien de ma chienne, si cela se peut… C’est drôle, d’ailleurs, il y a quelqu’un qui est venu l’autre jour, il cherchait Alain. Cela m’a pris au dépourvu, je n’ai pas compris pourquoi ce gars venait le chercher ici. Il m’a demandé de but en blanc : « est-ce qu’Alain Robico est là ? » et moi, j’ai répondu non, bien sûr. Le gars a à peine insisté, il m’a juste demandé de dire qu’il était passé et qu’il voulait qu’il le contacte.
-          Et il a dit comment il s’appelle ?

-          Juste : « de la part d’Adso ». C’est tout ce qu’il a dit et puis il est parti sans même dire au revoir ni rien…
(à suivre...)