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dimanche 19 mai 2013




Chronique du temps exigu (56)
Il n’y a plus de saisons…
Ainsi parlait la buraliste, madame Sara Toussetra, à une dame dont le caniche trempé de pluie venait de s’ébrouer à côté du présentoir à journaux, constellant de gouttelettes les unes de notre admirable presse régionale.
En entendant cela, je me sentis reporté plus de cinquante années en arrière lorsque, petit garçon, j’accompagnais ma grand-mère à la boulangerie. J’entendis cette remarque météorologique pour la première fois de ma vie  alors que la boulangère emballait un splendide vaution verviétois. Cette sentence m’avait surpris alors que j’avais appris à l’école que, précisément, l’année se détaillait non seulement en douze mois exactement ou en cinquante-deux semaines à la louche et trois-cent-soixante-cinq jours environ. Et que tout cela se découpait, ainsi que ce merveilleux vaution,  en quatre saisons que l’on pensait immortalisées par Antonio Vivaldi.
Et voilà que ce bel édifice, naissant au printemps, culminant en été, déclinant à l’automne et assoupi pendant l’hiver se trouvait d’un seul coup rayé de la carte. Voilà qu’au printemps ni ton cœur ni mon cœur ne seront plus repeints au vin blanc, les amants n’iront plus prier Notre-Dame du bon temps. Voilà qu’il n’y aura plus d’été à Saint-Germain-des-Prés, ce ne sera plus moi, ce ne sera plus toi, il n’y aura plus d’autrefois. Voilà que les sanglots longs des violons de l’automne ne blesseront plus mon cœur d’une langueur monotone, je ne m’en irai plus au vent mauvais qui m’emporte, de çà, de là, pareil à la feuille morte. Voilà que l’hiver, le vent la pluie ne chanteront plus leur mélodie, la brume ou le soleil à mes yeux ne seront plus pareils et mille mandolines ne joueront plus pour ma rêverie… il n’y a plus de saisons et Jacques, Guy, Paul et Pétula ont raccroché leurs crampons au vestiaire.
Alors, s’il n’y a plus de saisons, en janvier j’irai chez le pâtissier, en février je pêcherai la grenouille de bénitier, en mars je ferai des farces, en avril je ne me découvrirai pas d’un fil, en mai… je vous en laisse pour que vous puissiez vous amuser vous aussi.
On voit par là qu’il n’y a pas plus de raisons de s’en faire que de saisons en enfer car après la pluie peut encore venir la pluie.

dimanche 12 mai 2013



Chronique du temps exigu (55)
De notoriété publique, le mois de mai est riche en jours fériés. L’année en cours nous permet de le vérifier. L’inamovible premier mai, fête du travail, et son fidèle 8 mai, jour de la victoire figurent chaque fois à son palmarès. Mais, par la grâce du comput –lui-même dépendant de l’Épacte, de la lettre dominicale, du cycle solaire, du nombre d’or et de l’Indiction romaine – nous comptons cette année l’Ascension et la Pentecôte en mai ! Au détriment du mois de juin qui se voit privé de son unique possibilité de jour férié… Nous avons déjà vu mars s’emparer du vendredi-saint (outre-Vosges) pour laisser le seul lundi de Pâques à avril. Mais force est de reconnaître que certains mois manquent cruellement de jours fériés chômés. Février tire son épingle du jeu en étant plus court que les autres mais septembre et octobre se refusent année après année à nous offrir des jours de congé.
Janvier, avec son premier jour, répond toujours présent ; juillet, avec ses fêtes nationales aussi ; novembre n’est pas en reste et décembre fête avec régularité la naissance de Jésus de Nazareth. Quant à août, il a le bon goût de posséder un jour férié pendant les vacances de bon nombre de salariés. Je dis le bon goût car certains d’entre eux seraient bien en peine de nous expliquer ce que signifie la fête du 15 août, assomption de la Vierge Marie. Moi-même, pour tout dire…
Mais où irions-nous si chaque salarié qui bénéficie d’un jour chômé payé devait en outre connaître la raison pour laquelle ce jour est non seulement fêté, mais encore férié, chômé et payé (pour ceux qui le sont). Pour le premier de l’an, pas dur : c’est le premier jour d’une année qui promet d’être longue. Pour Pâques, pas de problème non plus puisqu’on fête un lundi ! Et de même pour la Pentecôte…Quant au premier mai, nul n’ignore ce qu’est le travail, d’aucuns pour en être des adeptes et d’autres pour le fuir avec constance. Les fêtes nationales sont tout de même bien identifiées de tous mais il faut reconnaître que ce sont ceux qui prônent avec le plus de vigueur les valeurs républicaines qui les méconnaissent le mieux. Et si d’aucuns ignorent qui était ce petit jésus qui naquit, paraît-il, un 25 décembre, tous savent qui est le père Noël, ce financier qui fait vivre tant de commerçants.
Restent toutefois deux fêtes, le huit mai et le onze novembre dont moult bénéficiaires ne savent pas si elles commémorent le début de la guerre ou la fin de la paix ou réciproquement. C’est bien pour cela que la paix n’arrête pas de se faire attendre et que la guerre n’en finit pas de durer. Commémorerait-on la fin de la guerre des cent-ans ou le début de la guerre des boutons que ces salariés insoucieux de leur devoir de mémoire s’en ficheraient comme d’une guigne.
On voit par là que la paix comme la guerre deviendront bientôt obsolètes.

dimanche 5 mai 2013



Chronique du temps exigu (54)
Un seul hêtre vous manque et tout est dépeuplé, aurait pu dire Victor Hugo.
Les instances compétentes se sont émues de la disparition de certaines espèces d’arbres, des feuillus en particulier. Elles ont donc chargé le bon docteur V. et le savant professeur Papillon de faire une étude sur le sujet en vue d’en faire rapport à une commission ad hoc. Celle-ci sera chargée ensuite, non d’enterrer le problème car cela ne se pratique plus, mais de le dissoudre dans un langage énigmatique et abscons après avoir largement rémunéré les membres de la dite commission.
Nos deux éminents scientifiques avaient ainsi prévu de faire un tour de France des arbres afin de cerner le problème in situ, comme l’on dit. Conscients de leur proverbiale distraction, ils s’adressèrent à moi afin d’organiser leurs déplacements, leur hébergement et les divers rendez-vous indispensables avec les têtes pensantes et arboricoles de nos diverses régions. C’est avec leur autorisation expresse que je vous fais un compte-rendu résumé des investigations de nos deux experts en la matière. Car, comme il se doit, un expert est toujours en la matière. Pour toute expertise spirituelle, s’adresser de préférence à un ex-père devenu, sinon cardinal, tout au moins évêque.
Nous avons donc sillonné les routes et les canaux de France, exploré les forêts, les taillis et les vergers. Nous avons constaté la quasi disparition de l’ormeau, rongé par les flammes de quelque feu bactérien. Nous avons salué les grands hêtres dont le front, au Caucase pareil, ne résistera pas au réchauffement climatique. Nous avons pleuré sur les platanes du canal du Midi, dévorés par un chancre implacable. Le bon docteur V. a prélevé un nombre impressionnant d’échantillons de toutes sortes. Le docte professeur a pris moult notes appropriées. Moi-même j’ai photographié tant et plus de halliers, d’allées et de forêts. Nous avons consulté, questionné, écouté et analysé. Et, comme toujours, c’est le professeur Papillon qui découvrit le mal le plus terrible qui accable la gent arbustive et qui menace partout dans notre pays la survie des arbres de toutes variétés.
Mais alors, me direz-vous ? De quoi s’agit-il ?
Alors, je vais vous dire non de quoi mais de qui il s’agit ! En effet, ce n’est point une maladie, un virus ou un chancre que nous avons découvert mais c’est un être, un humain pour tout dire. Et pas n’importe quel humain, pas un quidam méconnu, non. Car il s’agit de l’élu municipal, premier édile de préférence, adjoint si nécessaire et simple conseiller en cas de nécessité. Pas n’importe quel élu, bien sûr, uniquement l’élu compétent, déterminé et consensuel avec lui-même. Pour ce virtuose de l’ordre à établir, tout ce qui est branchu, fourchu, penchu, crochu ou tordu, tout ce qui dépasse, menace ou encrasse, tout ce qui racine, s’incline ou culmine doit être aligné, corrigé ou éliminé. On comprend immédiatement que pour cet élu de la nation, véritable Robespierre de la vie végétale, l’arbre menace la sécurité des électeurs, l’arbre fait trembler l’ordre républicain et trouble la sérénité des conseils municipaux. Une seule solution face aux agressions multiples causées par les futaies et les frondaisons : il faut éradiquer l’arbre incongru, autant celui qui penche du côté où il a envie de tomber que celui qui, posté le long des routes, se précipite contre les automobiles pour les détruire. Toutefois ce Fouquier-Tinville de l’esthétique municipale sait se montrer sévère mais juste : nulle espèce, nulle variété n’est favorisée, ils ne meurent pas tous mais tous sont dans le collimateur, tout végétal qui contreviendra aux canons de l’esthétique républicaine sera implacablement supprimé quelle que soit son origine ou ses accointances.
On peut parfois en replanter mais il faut que ce soient des arbres civilisés et d’une urbanité confirmée, des arbres droits et aux branches rigoureusement érigées, des arbres capables de cacher la forêt et qui font honneur aux élus qui les ont choisis. L’élu municipal féru de ronds-points pourra parfois accepter d’accorder, au milieu d’un de ces giratoires, l’asile politique à quelque olivier centenaire arraché à sa patrie. En dehors de rares exceptions, pour ce Saint-Just des espaces verts, le seul bon arbre est un arbre abattu dont on a arraché les racines. Pour ce poète de l’environnement, rien n’est plus gracieux qu’un candélabre en fonte, rien n’est plus agréable au regard qu’un caniveau normalisé en béton  et rien n’est plus voluptueux qu’un dos d’âne judicieusement positionné.
Mais « ô saisons, ô châteaux, quel être est sans défauts… » ?

mercredi 1 mai 2013




Chronique du temps exigu (53)
Le premier mai est dit être le jour de la fête du travail. Paradoxalement, beaucoup de gens ne travaillent pas ce jour-là et fêtent donc le travail en ne faisant rien. Et les salariés qui travaillent le premier mai sont censés être payés double. C’est ce que l’on appelle avoir le labeur, l’argent du labeur et les épinards.
Nous sommes dans un pays, disait Jean Amadou, où une personne qui cherche un emploi ne cherche pas pour autant du travail. Et, s’il est des gens simples et frustes qui pensent que tout travail mérite salaire, il y a aussi bien des gens bien plus instruits et avisés qui prouvent que tout salaire ne mérite pas forcément travail. Suivez mon regard…
Jour donc de la fête du travail, le premier jour de ce mois au nom si doux est aussi la date anniversaire de ce blog si charmant appelé « Fortunio et René-la-Science » puisqu’il fut créé il y a juste une année pour vous annoncer la parution de mon premier roman.
Depuis, il en est passé de l’eau sous les ponts et du pinot noir dans les verres. Vous avez eu droit à 114 messages dont 52 chroniques, 21 commentaires, une nouvelle livrée en 18 épisodes et la suite des aventures de Fortunio dont vous avez déjà pu lire 16 épisodes.
Que de chiffres ! Et le meilleur est pour la fin : en effet, le blog vient de compter sa cinq-millième visite en trois-cent-soixante-cinq jours ! Cela n’est pas rien et je me dois de remercier toutes celles et ceux qui sont venu(e)s visiter ce lieu de rafraîchissement intellectuel.
Ensuite, une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise d’abord : l’éditeur qui s’était engagé à publier le roman intitulé « Loin de la douleur passée » vient d’être mis en liquidation judiciaire. Donc, il ne publiera pas ce roman et j’ignore s’il remboursera les personnes qui m’avaient donné leur soutien en pré commandant ce livre. Toutefois, et je passe à la bonne nouvelle, je crois pouvoir dire que ce roman sera néanmoins publié avant la fin du mois de mai, sous un autre titre probablement. Et je m’engage à fournir un exemplaire dédicacé à chaque personne qui aura pré commandé ce roman. Franco de port et gracieusement comme il se doit. Celles ou ceux qui auraient effectivement pré commandé sont ainsi prié(e)s de me le faire savoir afin que je puisse de cette manière les dédommager.
Et, pour finir dignement, une petite question sur le travail : peut-on courir après avoir beaucoup trimé ?
On pressent par là qu’il y aura une furtive contrepèterie dans ce futur roman.