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jeudi 28 avril 2016

Le cabot de Fortunio (95)



Il se barre et René me présente un sac de victuailles ramenées d’un supermarket villeneuvois. Nous nous préparons une bonne petite bouffe puis je file voir mes gars avec la paie. Et pars en fin d’après-midi pour la ville rose.
Je rentre dans le garage Bonnefoi avec ma nippone et me rends aussitôt au bureau avec la mallette de la rançon. François est seul dans le bureau. Il tique en me voyant poser la mallette sur son burlingue.
-          Ne me dis pas que…, souffle-t-il
-          Si, je te le dis. On peut parler en toute discrétion ?
-          Un instant, c’est la fin de la journée. Je vais voir si tout le monde est parti et je ferme le garage.
Il revient et j’ouvre la malle au trésor. François siffle d’admiration.
-          Il va falloir me raconter mon vieux Bébertunio et je suppose que tu en sais un peu plus que ce que le Quai a bien voulu me lâcher aujourd’hui !
-          On peut savoir, demandé-je avec avidité.
-          Cet après-midi, j’ai été officieusement informé de la capture de celui qui serait le cerveau de la bande de rançonneurs. Il ne serait pas en état d’être interrogé et le fric aurait disparu. Point barre de ce côté-là.
-          Alors en effet, j’en sais nettement plus que toi. Pour le fric, ils n’ont pas tort mais il n’a pas disparu pour tout le monde, si je puis dire…
Je lui raconte alors mes – et nos – aventures par le menu, ce qui le fait siffler encore.
-          Voilà qui est bien beau mais ce fric alors ? On fait quoi avec ?
-          Ben, on récupère chacun ses billes, en toute simplicité dis-je.
-          Ah oui, simple comme bonjour, évidemment. Une chose est presque certaine à cent pour cent, c’est que les billets ne sont pas repérés puisque j’en ai moi-même changé une partie, une autre partie était déjà dans nos caisses par ton entremise. Reste ta participation…
-          Proposition : on attend de savoir si les services officiels se doutent de quelque chose et, dans un ou deux ou trois mois, on décide.
-          Ouais et en attendant, c’est moi qui monte la garde sur le tas de biffetons ?
-          Meuh non, voyons ! On met tout cela dans un coffre en banque…
-          Au nom de qui le coffre ?
-          A mon nom, t’inquiète !
-          Si tu es prêt à courir ce risque, pas de problème mon vieux.
-          Je te trouve bien frileux, mon jeune ! Pourtant, avec ton métier tu dois bien avoir quelques paiements en feuilles mortes…
-          Ecoute-moi, j’ai la chance d’avoir un bon garage, une bonne concession et pignon sur rue. Alors, les trafics et autres magouilles, je laisse ça aux autres, aussi étonnant que cela te paraisse. C’est pour ça que cette mallette ne va pas aller dans mon coffre, ici au garage. On ouvrira un coffre en banque à notre retour de Paris et en attendant, on planque ce truc chez le tonton. Je sais où le mettre, il suffit de le lui dire mais sans lui dire où, question d’éthique, si tu vois ce que je veux dire… Allez, on embarque, je vais te faire essayer la dernière-née de chez Couyouta.
(à suivre...)

dimanche 24 avril 2016

Chroniques de Serres et d’ailleurs. (31)

Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Samedi 16 avril, Cooldirect fait une matinée spéciale à l’office de tourisme Porte d’Aquitaine en pays de Serres. Si ma chronique s’appelle « de Serres et d’ailleurs » c’est que je suis un ressortissant de ce petit pays de Serres. Et d’ailleurs car les esprits chafouins peuvent aller y voir si j’y suis. J’ai déjà dit tout le mal que je pensais de ce nom de « Porte d’Aquitaine en Pays de Serres » et de son navrant acronyme, je n’y reviendrai pas. Mais cette appellation ronflante n’altère en rien la qualité de ceux qui vivent et travaillent dans ce petit pays. Comme je ne voulais pas rater ce rendez-vous, je rajouterai donc mes commentaires vagabonds à cette matinée en Pays de Serres.

Cette communauté de communes se répartit autour de deux vallées principales remontant depuis Garonne vers le Quercy, les vallées des Séounes, la grande et la petite. Ces rivières se ramifient en de multiples affluents qui descendent de toutes les combes qui découpent ce plateau appelé Pays de Serres. Parmi ces rivières, il y a la Lautheronne qui passe par Saint Caprais de Lerm, la Gandaille qui remonte vers la commune de Dondas, alimente le lac sous Combebonnet et prend sa source à Engayrac, puis l’Estrénats, le ruisseau de Sainte Eulalie, le Merlet et le Montsambos. Je ne peux pas les citer tous et je le regrette car ils ont de biens jolis noms. Mais j’ai gardé le meilleur  pour la fin, à savoir l’Escorneboeuf au nom chantant et rocailleux, affluent de la Séoune qui prend sa source à Bourg de Visa. Peu après sa source, il a lui-même un affluent qui est la Fongrande qui a aussi deux affluents intermittents chers à mon cœur, le ruisseau du Furet et la Gatte qui remonte jusqu’à chez moi après avoir traversé bois et rochers.

Tous ces ruisseaux forment un réseau hydrologique passionnant et charmant qui sillonne cette alternance de vallées et de coteaux. Ils ravitaillent bon nombre de lacs et les brumes qui en montent ont fait germer dans la culture locale un dicton météorologique très juste. Je le cite en français tel que je l’ai appris il y a un demi-siècle : « Brume sur la combe, tiens-toi à l’ombre ; brume sur le pech, le laboureur se dépêche ». Je peux dire que lorsqu’en été je descendais à Fongrande avec mes vaches dans une épaisse brume, je savais que la journée serait rudement chaude. De même, tous ceux qui, de sur les tuques chez nous voient vers le sud apparaître à l’horizon les Pyrénées, savent qu’il va pleuvoir dans les 24 heures. Celui qui a le foin encore par terre se hâte d’en garnir son grenier, lou trastet.

Et au gré de tous ces vallonnements, parfois bien cachés, des châteaux petits ou grands, de belles maisons bourgeoises ou de coquettes métairies, des granges avec des portails en plein cintre et des pigeonniers, en pied-de-mulet ou en tourelles. Bien des cabanes ou casèles en pierre ont disparu, on en voit parfois en ruine ça ou là. Ah, s’il restait toutes les cabanes où les paysans abritaient les vaches de trait et la charrue, cela ferait frémir d’horreur ces beaux messieurs, les princes de l’Agenais de la Direction des Territoires, défenseurs d’un urbanisme sans mitage dans une région où l’habitat dispersé fait partie intégrante de la culture locale.

Et dans chaque commune, outre l’église principale, il y a facilement une ou deux chapelles avec leur cimetière. Si vous visitez celle de Sainte-Eulalie ou de Sainte-Foy de Blaymont, ayez une pensée pour les maçons qui y ont travaillé dans les années 80 car j’en étais, pour faire l’autel et le cul-de-four de Ste Foy ainsi que le pavage de Ste Eulalie.

On voit par-là qu’il y de de quoi faire en pays de Serres.

jeudi 21 avril 2016

Le cabot de Fortunio (94)



-         Ouais, excuse-moi. Mais dis-moi alors, comment elle va ?
-         Sous réserve de plus d’info, dirais-je, bien et peut-être même que ça c’est bien passé. Parce qu’avant de t’appeler, j’ai quand même sonné à l’hôpital. Mais j’ai pas eu le toubib. Et puis au téléphone, tu sais à peine à qui tu as affaire. Mais j’ai compris qu’on est dans le positif : l’opération s’est bien passée, ils ont extrait la balle et ils pensent qu’il n’y a pas eu trop de dégâts. Mais faut voir quoi.
-         Donc on peut aller la voir ?
-         Mais oui, voilà et c’est pour ça que je te propose, enfin si tu peux, de monter à Paris avec moi.
-          Tu pars quand ?
-          Je viens te chercher. Donne-moi ton adresse et je te cueille à une heure du mat’. On roule et on petit déj’ en arrivant.
-          Minute, faut qu’on discute avant, j’ai des trucs à te dire, entre quat’zyeux et ça serait bien que je te dépose la voiture d’Eliane…
-          Non, non, maintenant que tu l’as-tu la gardes. Pas d’histoires, tu as de la place chez toi. Et de quoi tu veux me parler ?
-          De choses et d’autres dont on ne peut se parler qu’entre hommes, point barre. Et chez toi, pas ailleurs,  enfin à ton garage par exemple…
-          Bah, et quand ?
-          Ce soir à dix-huit heures. Ensuite, un coup de restau, tu me trouves un coin de canapé jusqu’à minuit une heure et on file sur Paris.
-          Si tu le dis… N’arrive pas trop tard. Tu viens au garage puis on va modestement casser une graine chez tonton, y’a du couchage intérimaire chez lui et on taille la zone à une heure. Ciao.
Il a raccroché et je n’ai même pas pensé à lui demander s’il avait des échos de notre virée parisienne. Parce qu’à lui, je vais devoir en raconter un petit bout, bien sûr.
Je me plonge dans la paie des ouvriers et, à peine ai-je terminé, René et Raymond arrivent. Ils sont excités comme des puces car ils ont pu constater qu’il y a de nouveau une pleine cargaison de clébards chez Sameli. Livron a donc vraiment des biscuits pour faire bouger la gendarmerie locale, sinon plus. Comme il prend son service en début d’après-midi, ce sera sa priorité. Suivant la réponse de ses supérieurs, ils retourneront peut-être sur place dans les jours qui viennent, demain matin peut-être. Il s’apprête à partir quand il se ravise.
-          J’oubliais, pour cette affaire d’enlèvement avec rançon, ils ont chopé les mecs. Enfin, c’est une sacrée salade pour tout dire car ce seraient des barbouzes du Gondo qui auraient flingué deux des gonzes. Quant à leur chef, il a été récupéré au sud de Paris dans un sale état. Pronostic réservé paraît-il. J’en saurai un peu plus dans les prochains jours, je te tiens au courant. Tu as eu des nouvelles de ton côté ?
-          Oui, juste une chose, à savoir qu’Eliane a été opérée et qu’elle est sortie du coma. Je vais rejoindre son frangin à Toulouse ce soir et nous partons cette nuit pour Paris.
-          Ah ben dis-donc, c’est une sacrée nouvelle, ça ! Et tu pars sans René, j’espère ? Tu sais que je vais en avoir besoin !
-          Pas de problème, vous vivez votre vie, mes potes. Mais prévenez-moi si vous avez l’intention de vous pacser…
-          Connaud, va, répond Livron, tu sais bien que c’est pour toi qu’j’en pince !
-          Go, mon Raymond, que le cul te pèle et que le vent te pousse !
(à suivre...)