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jeudi 30 août 2012


Chronique du temps exigu (22)
Le chauvinisme est-il un sport spécifiquement français ? Je dis bien, un sport. En effet, à peine se sont dissipées les brumes des jeux olympiques que viennent les jeux paralympiques puis que voilà le chauvinisme proposé comme nouvelle discipline olympique.
Allons-nous accepter de voir une autre nation s’emparer d’un flambeau qui nous appartient en propre ? Pouvons-nous imaginer un anglais ou un zimbabwéen détenant le titre de champion olympique de chauvinisme ? Rappelons tout de même, à ce propos, que les anglais nous ont pris notre général de Gaulle en 1940 et qu’ils ont attendu quatre ans pour nous le rendre…
D’après mon ami Tellia Reivilo qui, comme son nom ne l’indique pas, est français de souche né à Palin (27), le chauvinisme se pratique de deux manières différentes : il y aurait le chauvinisme dans le bon sens du terme - celui que nous pratiquons avec art – et le chauvinisme dans le mauvais sens du terme – celui qui ne peut être pratiqué que par les étrangers (mon ami Tellia est un homme qui a des sentences frappées au coin du bon sens et je tâcherai de m’en faire l’exégète de temps à autre au cours de ces chroniques).
Sans notre chauvinisme de bon aloi, qui donc arriverait à détecter les erreurs d’arbitrage si fréquentes dans les matches opposant nos vaillantes équipes nationales opposées aux sanguinaires équipes des autres nations ? Que deviendraient nos journalistes sportifs, déjà cruellement marqués par la perte récente de leur mentor Thierry Roland ? Laissons donc aux autres nations ce chauvinisme médiocre et sans envergure qui est le leur, qu’ils en fassent une discipline si cela leur chante et nous, impassibles et muets tels le Galibier et le Tourmalet, restons hors catégorie. Les Grecs se sont fait voler le marathon, nous nous garderons le chauvinisme pur et dur. Que diable, Nicolas Chauvin était des nôtres, il a bu son verre comme les autres !
On voit par là qu’il faut prendre garde à ne pas délocaliser notre patrimoine intellectuel.

dimanche 26 août 2012


Chronique du temps exigu (21)

Les stéréotypes ont la vie dure et cela n’est pas sans raison.
Prenons un exemple, parlons des allemands. L’allemand est, paraît-il, rigoureux. Non dans le sens où l’on parlerait d’un hiver rigoureux mais dans le sens de l’organisation, de la planification, de la rectitude et de la ponctualité. Même des allemands en viennent à parler d’eux-mêmes en ces termes. Et ils pousseraient le bouchon jusqu’à se dire vertueux en économie. Ce qui leur autorise, soit dit en passant, une certaine condescendance à l’égard des peu rigoureux et mal vertueux, suivez mon regard…
La rigueur allemande est une flamme entretenue par sa chancelière vestale et la vertu allemande est le Graal des financiers teutoniques. L’allemand moyen en est le thuribulaire.  Disons-le sans ambages, ce n’est pas qu’un stéréotype, c’est une réalité et nous pouvons le démontrer.
Je vais le prouver en puisant dans une actualité récente quoique peu diffusée par les grands médias, ceux-ci étant plus préoccupés par les voleurs de poules que par la grande délinquance financière. Certaines grandes banques des pays dits développés ont triché avec les règles qui furent établies pour conserver à la haute finance un semblant de sincérité. Prises la main dans le pot de confiture, si j’ose dire, certaines d’entre elles ont du reconnaître avoir falsifié leurs déclarations à propos d’un indice appelé Libor. Quand une banque magouille, à fortiori une grande banque, cela n’est jamais ni gratuit ni à son désavantage. Avec un peu de retard – la prudence est de rigueur à Berlin - la Deutsche Bank a avoué publiquement ses fautes. Elle s’est même engagée à rechercher et punir quelques lampistes de service. Considérant que faute avouée est à moitié pardonnée - surtout quand l’aveu intervient in extrémis - cette banque a demandé à bénéficier d’un statut de témoin repenti pour avoir dénoncé tant ses propres fautes que celles de ses petits camarades.
C’est avec rigueur que cette banque a trafiqué comme les autres et c’est vertueusement qu’elle livre ses lampistes et ses comparses. Ce qui frappe surtout c’est la synergie qu’il y a entre rigueur et vertu. Voyez les grecs par exemple, ils sont censés être sans rigueur et s’ils ont de la vertu, elle ne leur servira de rien. Je n’ose imaginer les qualificatifs dont les journaux allemands auraient usé pour qualifier ces agissements bancaires s’ils eussent été helléniques.
On voit par là qu’il vaut mieux tricher gros pour garder une bonne réputation.

samedi 25 août 2012


Né à Morchamps, Armand est parti faire sa vie loin de chez lui dans le Tarn. Son petit-fils, Léon, décide de revenir au village natal d’Armand, alors que la France vit sous l’occupation. Il traversera pendant deux jours la montagne à pied pour revenir au village.
« Oui, vous savez, les histoires de l’enfance vous suivent parfois toute la vie… » Est-ce vraiment son rêve, ou celui de son père, ou celui de son grand-père ?
L’histoire de sa famille est inscrite dans cette montagne où ses ancêtres ont vécu. Celle où ils sont morts. Morts et enterrés dans cette si jolie chapelle… Il faut bien deux jours de marche pour que Léon revive les souvenirs que son grand-père avait tant et tant racontés à son fils, mort en Argonne, puis à Léon, le petit-fils. La splendeur de la famille, le beau mariage d’Alfred et d’Elisabeth. Puis la décadence et la chute dans la violence. Elisabeth la châtelaine devenue Elisabeth la boulangère.
Un siècle plus tard, Léon exorcisera-t-il les souvenirs de cette violence ?


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jeudi 23 août 2012



Les colchiques sont arrivées, chantons les avec Apollinaire.


Les colchiques

 
Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne
 
Les enfants de l'école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
Qui battent comme les fleurs battent au vent dément
 
Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne

dimanche 19 août 2012


Chronique du temps exigu (19)
Une fois n’est pas coutume, je vais parler de chapeau. Pas de ces chapeaux orgueilleux, bicorne, haut-de-forme et autre jardin potager. Non, de mon vieux chapeau.
Un authentique panama fabriqué en Equateur, acheté un samedi sur le marché de Nérac (Lot-et-Garonne). Du 58 s’il vous plaît. Qui vous donne le style Compay Segundo. Un couvre-chef acheté en bonne compagnie par un beau jour de juin 2007.
Mais cinq ans plus tard comment se fait-il que ce fidèle ami fasse parler de lui ? Allons droit au but : il est bien cabossé et je ne peux m’en défaire, comment ferais-je pour le jeter aux orties ?
Il apparaît furtivement dans les premières pages de mon prochain roman, au cœur de la Bretagne. Il m’a accompagné sur les sentiers de Dol à Saint-Malo en passant par Cancale. Il a résisté aux assauts du vent à la pointe du Grouin alors que nous entendions au soleil couchant une cornemuse bercer les sirènes de l’océan. Il s’est levé pour saluer de loin, à Combourg et au Grand-Bé, l’auteur des Mémoires d’outre-tombe.
Mais encore, me direz-vous ? Et vous aurez bien raison de le dire.
Mais encore, il est allé par les chemins et dans les bois, dans les prés et au bord des ruisseaux ramasser des morilles à Moirax, des girolles à Moncrabeau, des cèpes à Lizac et à Birkenwald, des lactaires, des mousserons et des clitocybes en tous lieux. Il a fait de la marche, du vélo, du tracteur et de la voiture. Il a pris le soleil, la pluie et les orages.
Mais encore, me direz-vous ? Et vous aurez bien raison de le répéter.
C’est lui que vous avez vu sur un néphélocentaure chasser le Lachanoptère et le Psyllotoxote. C’est lui qui s’est incliné devant la statue de Léonidas à Sparte, qui passa sous le porche des lions à Mycènes pour s’émouvoir devant la tombe de Clytemnestre. Discrètement, dès huit heures le matin, il admira l’Aurige à Delphes. Le voilà ensuite sur les traces de Byron et Châteaubriant prenant les premières gouttes de pluie au Cap Sounion. Il était sous le dôme d’Anaktora Nestoros et il a gravi les marches qui montent au Parthénon.
Peut-on se séparer d’un couvre-chef aussi fidèle et aussi chargé d’histoire ? 
On voit par là que de travailler du chapeau n’est pas le privilège des plus nantis.



jeudi 16 août 2012


Chronique du temps exigu (18)
Hier matin, j’étais à peine levé que j’entendis tinter le grelot à la porte. En ce jour férié, l’amiral Cap venait me saluer avec l’espoir avoué de partager mon petit déjeuner. Je fus au regret de ne rien pouvoir lui offrir et nous partîmes de conserve sur nos vélos jusqu’à la brasserie de l’opéra. L’amiral se dirigea aussitôt vers le barman, en l’occurrence une accorte mais solide barmaid. Celle-ci refusa de nous servir deux serial-boss killers au prétexte qu’elle n’avait pas de paprika. Mais le paprika est-il, je vous le demande, indispensable à la préparation d’un serial-boss killer ? Nullement, c’est un cocktail analogue à la bloody Mary, mais sans jus de tomate. On remplace ce dernier, à quantité égale, par une moitié de bon whisky et une autre moitié de cognac français. Poivrez et buvez sec accompagné d’une chocolatine fourrée au chorizo. C’est avec cela que les cyclistes espagnols se dopent pour les étapes de montagne.
Frustrés de n’avoir pu descendre notre boisson de prédilection, nous nous rabattîmes sur des irish-coffees sans sucre et sans café, accompagnés d’œufs durs mayonnaise. Après trois œufs et trois mêmes cafés, nous étions dispos pour rejoindre un petit bistro de ma connaissance rue du Broc-Percé. Sur place, nous descendîmes à la suite quelques bières anglaises tièdes pour diluer la mayonnaise. Ayant mangé quelques muffins, nous remontâmes sur nos bicyclettes et descendîmes le long du fleuve afin de rejoindre le quai de la Ménestrandise où était amarré le brick de l’amiral.
Nous voulions monter sur ce vaisseau à bicyclette mais un inconnu malveillant l’avait retirée et je vous écris de la cellule de dégrisement du commissariat du XXVIème. Si jamais vous retrouvez la passerelle du brick « La Marrante », ne la déposez pas aux objets perdus mais au commissariat. Merci.
On voit par là que pour tenir l’alcool il faut avoir le pied marin.

dimanche 12 août 2012


Chronique du temps exigu (17)

Où l’on reparle des étrangers… 

En ces temps de vacances, il n’est pas inutile de parler des étrangers. En effet, ceux-ci sont plus visibles par temps clair. Qu’est-ce à dire ?
L’étranger ne se qualifie pas seulement par son extranéité qui est intrinsèque dès lors que ce quidam se trouve dans une contrée à lui-même étrangère.
Il y a de multiples façons d’être étranger, certains se déguisent en métèques, d’autres en touristes, d’aucuns se font passer pour des immigrés quand ils sont chez nous et pour des émigrés quand ils y sont aussi. Comment bien identifier l’étranger ?
Ce qui particularise réellement l’étranger est en fait son étrangeté. Une étude récente faite en Suède a montré que les suédois considèrent pour majeure partie que les norvégiens sont  autant étrangers qu'étranges car ils ne savent ni faire la queue ni rouler correctement dans les ronds-points. En outre, ils se garent sur les places de parking réservées aux handicapés.
Certes, on dit que les norvégiennes ont le sang chaud mais admettons que vus de Romorantin-Lanthenay ou de Rebirechiroulet, les norvégiens paraissent assez semblables aux suédois. Seuls leurs véhicules se distinguent par la plaque d’immatriculation. Les suédois tentent donc d’identifier le norvégien à ses actes comme l’arbre se reconnaît à ses fruits.
Mais les natifs d’Oslo ou de Telemark ont-ils le monopole de l’étrangeté ?
Ce que le norvégien peut faire, n’en serions-nous pas capables ? En y réfléchissant bien, j’en viens à penser que ce que nous savons si bien faire nous-mêmes (et quand je dis nous, suivez mon regard… !) avec une désarmante simplicité quand nous sommes dans notre pays paraîtra étrange à l’étranger chez qui nous nous sommes rendus afin de le bousculer dans sa queue nationale, de perturber sa circulation giratoire et d’occuper avec grâce ses places de parking réservées. La seule difficulté, mais elle est de taille, c’est que nous ne sommes pas étrangers. Qui donc nous reconnaitra ? Serons-nous obligés de nous travestir, de nous draper dans nos couleurs nationales comme des sportifs olympisés ?
Le poète cyclopédique affirmait que les étrangers sont nuls. Je n’irai pas jusque là, disons seulement qu’ils sont non avenus, cela leur laisse tout de même une once de valeur.
On voit par là que les étrangers peuvent devenir de moins en moins encombrants.

jeudi 9 août 2012


Chronique du temps exigu (16)

En ce neuf août, juste une citation pour ne pas perdre le fil de notre discours :

« Quelque critiques que puissent être la situation et les circonstances où vous vous trouvez, ne désespérez de rien ; c’est dans les occasions où tout est à craindre, qu’il ne faut rien craindre ; c’est lorsqu’on est environné de tous les dangers, qu’il n’en faut redouter aucun ; c’est lorsqu’on est sans aucune ressource, qu’il faut compter sur toutes ; c’est lorsqu’on est surpris, qu’il faut surprendre l’ennemi lui-même. »
Sun Tse  (L’Art de la guerre)

dimanche 5 août 2012


Chronique du temps exigu (15)

« Oui, vous savez, les histoires de l’enfance vous suivent parfois toute la vie…  Etait-ce vraiment son rêve, ou celui de son père, ou celui de son grand-père ? ». Armand, le grand-père, né à Morchamps puis qui est parti faire sa vie dans le lointain Tarn. C’est Léon, le petit-fils, qui revient, pendant l’occupation de la France. Il traversera pendant deux jours la montagne à pied  pour revenir au village.
L’histoire de sa famille est inscrite dans cette montagne où ses ancêtres ont vécu. Et où ils sont morts. Morts et enterrés dans cette si jolie chapelle… Il faut bien deux jours de marche pour faire revivre les souvenirs qu’Armand avait tant et tant racontés à son fils, mort en Argonne, puis à Léon, le petit-fils. La splendeur de la famille, le beau mariage d’Alfred et d’Elisabeth puis la décadence et la chute dans la violence. Elisabeth la châtelaine devient Elisabeth la boulangère.
Un siècle plus tard, ses deux descendants, Léon et Antoine, se retrouveront à Morchamps.

 
Né en 1947 en Belgique, Pierre Jooris part à dix-huit ans pour le Lot et Garonne où il est agriculteur. Quinze ans plus tard, il travaille comme manœuvre chez un maçon. Il entre en maçonnerie comme d’autres en politique : il n’a nulle compétence particulière mais il est doué pour cela. Quinze années de plus et il devient même moniteur de maçonnerie. Depuis sa retraite en 2007 il se consacre à l’écriture.

Je propose ce texte comme quatrième de couverture pour une nouvelle à paraître et cela m’aiderait d’avoir quelques commentaires de lecteurs. Je compte sur vous.

jeudi 2 août 2012

Et la suite du jeudi 26 juillet...

« Non, pas moi, cela ne peut pas m’arriver à moi » se dit-il. Il avance encore, les pieds gluants, le pantalon dont le bas mouillé pèse sur la ceinture en entravant sa marche. Malgré le niveau qui monte, il s’arrête pour tirer sur les jambes de son pantalon et les coincer au-dessus du genou. Il repart, tenant son pantalon, progressant difficilement, l’eau atteint ses genoux et il se trouve au bord du talus qui s’avance en pointe, sans marchepied  en bordure. Il a de l’eau à mi-cuisses et, au détour que fait le talus, il découvre un petit sentier qui mène vers le haut du talus et vers les arbres. Il a du mal à se mouvoir, pataugeant dans la boue, repoussant l’eau avec le haut de ses jambes mais il donne tout ce qu’il lui reste de forces pour se porter vers cette sente escarpée qui lui permettra de se mettre à l’abri des flots.
Enfin, il est sur le sable de cette petite rampe d’accès vers le haut, il se laisse choir à quatre pattes et avance encore un peu, oui il est sur la terre ferme, il est haletant, il se passe une main sableuse sur le front et il lui semble que l’eau, le sel et le sable se sont infiltrés jusqu’à la moelle de ses os. Doucement, il monte et finit par se retrouver sur le haut du talus, il s’assied, le dos appuyé contre un arbre et reprend son souffle. Il regarde la mer qui continue à envahir la ria. Il s’est fait avoir comme un bleu, il sait qu’il y a bien des endroits où le rivage est si plat que la marée monte très rapidement. On ne l’y reprendra plus.