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dimanche 31 mai 2020

Chronique de Serres et d’ailleurs V (37)

Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Cette fois encore, je vais vous parler d’un livre écrit par une auteure régionale et je l’ai découvert lors d’une rencontre d’auteurs à l’Art Coffee Break à Marmande. Le titre du livre est « A bout de force », c’est un recueil de nouvelles et il a été publié en 2018 aux éditions Passion du livre.

Le fil commun qui relie ces aventures que nous conte la narratrice passe à travers les situations difficiles sinon insoutenables que vivent les personnages et se déroule en nous montrant comment ils feront pour en sortir. Le terme de résilience utilisé en quatrième de couverture est, peut-être et à mon avis, un peu trop à la mode, je préférerais parler de personnages qui endurent et trouvent l’issue pour perdurer. A un moment, ils ont un refus de ce qui leur est infligé et ils trouvent la porte de sortie vers une autre manière d’appréhender leur vie.

Je ne vais pas tout raconter car ce sont quatorze nouvelles différentes, écrites d’une belle écriture fluide, agréable à lire, souvent avec un suspense simple et ingénieux et, s’il y a une morale à tirer, c’est celle de l’espoir qui reste toujours accroché dans le coin d’une âme, même dans les plus terribles épreuves.

Je ne raconterai pas tout, loin de là, et donc je parlerai de l’histoire qui m’a le plus touché et qui m’a beaucoup plu. C’est celle qui s’intitule « L’arbre et l’enfant ».

 L’enfance de Pierre, un jeune garçon, dont les parents, d’une part à cause des obligations professionnelles du père et d’autre part suite au désir incessant de la mère de voyager à travers la France, a plusieurs fois déménagé sans rester plus de deux ou trois ans au même endroit. Il a neuf ans et cette fois, ils arrivent dans une petite ville du Limousin. Le père est nommé directeur du centre de loisirs local et ce n’est pas toujours amusant pour Pierre  de devoir passer ses vacances au centre que dirige son père. Mais il y a un jardin, avec le fond si mystérieux pour un enfant de cet âge. Et il peut bien en profiter car sa mère est très occupée par Clara, la petite sœur. Et, dans le fond du jardin, un arbre rustique et lumineux, au port tourmenté façonné par le temps et qui serait un olivier plusieurs fois centenaire, un de ces arbres mystérieux qui recueillent et distillent les secrets.

En parlant de secret, il y a son frère Hugo, son frère jumeau qui est mort à huit ans et dont la séparation est celle de la moitié de soi, dont la perte est irréparable pour les parents. Anna Bourg laisse toujours le temps à ses personnages de se dévoiler et, plus qu’un suspense, c’est une pudeur sensible qui leur permet de dire les choses au juste moment. Elle ne plante pas ses personnages dans le décor, elle les laisse venir et, doucement, se dévoiler.

Comment retrouver l’absent ? Qui parlera maintenant à Pierre ? C’est l’arbre magique, l’arbre au mille secrets qui lui montrera le chemin de la vérité et de la sagesse. Mais, n’en n’ai-je pas déjà trop dit ? Je ne crois pas, il faudra que je demande à mon arbre.

« A bout de force » est un livre qui vous laissera une grande saveur d’espoir, merci Anna Bourg.


jeudi 28 mai 2020

Appelez-moi Fortunio (68)


A ce moment-là, il entend que René appelle depuis le bas de l’escalier :
-          Oh Fortunio ! Tu veux du renfort ? J’ai pêché un joli poisson, moi aussi. Le mien est un mâle, de quel sexe est le tien ?
-          Je crois alors qu’on a attrapé un couple, la mienne est une femelle, une vraie morue ! Et nerveuse avec ça !
-          Dis-lui que son mec est sous la menace de mon flingue et qu’il est bien sage, ça pourrait la calmer, qui sait ?
Albert, toujours derrière prend la furie du bras droit par le cou tout en bloquant ses mains avec un genou :
-          T’as entendu ? Ton mec, il est bien sage, là en-bas. Alors, on va descendre gentiment pour participer à la conversation, il ne faudrait pas que tu manques ça ! En avant, dit-il en la poussant dans l’escalier.
Elle s’est calmée, Albert constate qu’elle s’est écorchée en tombant sur le plancher, sans gravité peut-être. En arrivant au rez-de-chaussée, elle a un mouvement de recul en voyant le flingue que brandit René.
-          Il est où ? Rugit-elle.
-          Pas d’inquiétude pour ton mec, je l’ai provisoirement enfermé dans les chiottes et, vu la grandeur de la fenêtre, je pense qu’il y est toujours. Je le ferai sortir quand tu seras calme et inodore, ma poulette !
On entend, à travers la porte une voix : « Je suis là, je suis là, Germaine ! ». Cela a pour effet de calmer la Germaine en question.
-          Maintenant, on va tous aller dans la cuisine pour discuter, déclara Albert. Et, eu égard à sa férocité envers moi, madame gardera momentanément les mains liées. Si elle se montre coopérante, j’envisagerai de la délivrer mais il faudra vraiment faire preuve d’une grande amabilité. Nous sommes réunis ici, madame, messieurs, afin de tirer au clair une sombre histoire de tentative de captation d’héritage. Je vais d’abord exposer les faits à la suite de quoi vous signerez une déclaration en bonne et due forme, reconnaissant que vous avez essayé de faire sombrer dans la folie, Daniel Rambaud, héritier légitime de son père adoptif…
-          C’est pas vrai, nous avons un testament, vous n’avez aucun droit d’être ici, on sait même pas qui vous êtes…, commence la femme.
-          J’attendais cette interruption et je vais tout de suite mettre les choses au point : nous sommes ici, envoyés par l’hôpital psychiatrique du secteur et avec le consentement parfait et éclairé de Daniel Rambaud. Si vous acceptez de signer une déclaration reconnaissant que vous avez cherché à égarer la raison de Daniel et si vous reconnaissez aussi que vous n’avez aucun droit sur la succession de son père, nous nous séparerons bons amis, enfin… presque ! Sinon, car il y a une alternative à cette première proposition, nous appelons l’hôpital psy qui se chargera d’envoyer la gendarmerie, il y aura enquête, vous aurez peut-être la chance de faire un peu de garde à vue et même de la prison ferme. Car, après vos manigances précédentes qui ont fait envoyer injustement Daniel en taule, ce serait un juste retour des choses, qu’en pensez-vous, mon cher La-Science ? Dit Albert en se tournant vers René.
(à suivre...)

dimanche 24 mai 2020

Chronique des glands et des cornichons.


Suite à un incident technique, voici un court texte parodique pour remplacer la chronique habituelle.


Il y a des lieux où les âmes sont tombées en somnolence, des lieux oubliés des dieux, désertés par la pensée, la créativité et l’amour, lieux qui auraient pu être élus pour rayonner mais où ne souffle plus qu’une bise rude et sans grâce. Simples endroits sans mystère, d’où est bannie toute émotion, ils ne sont que mornes étendues dont les rivières ne sont plus qu’égouts et où les montagnes sont à genoux, où l’herbe n’est plus sauvage et où les fleurs sont domestiques. Seuls, les êtres humains qui y persistent paraissent encore en vie, ils s’agitent, piaillent et avalent des nourritures molles mais leurs âmes sont en léthargie, liées par de chétives entraves qu’ils ne peuvent ou ne veulent briser et la seule présence de ces êtres que l’on peine à qualifier d’humains a transformé le paysage et les éléments en un environnement d’une mélancolie poisseuse d’où plus rien ne peut s’envoler et où le soleil ne luit plus que d’une lumière sombre.
Tout l’être est profondément saisi aux tripes d’angoisse et de mélancolie. C’est la tristesse qui nous envahit et altère notre esprit en annihilant toute velléité de réagir.
D’où vient que ces lieux baignent dans cette torpeur ? Est-ce une atmosphère gazeuse qui intoxiquerait les poumons, sont-ce les eaux turbides de fleuves et rivières dont les vapeurs brumeuses envelopperaient les êtres et les choses ? Sont-ce des ondes nocives et insidieuses traversant les cellules et les cerveaux ? C’est encore plus incompréhensible car ces lieux ne sont nullement voués de toute éternité à cette angoisse délétère et il suffirait de peu pour que change leur destin, pour que s’établisse un nouvel équilibre, pour que la joie vienne et demeure…
Mais alors, mais alors, Dimitri ? Silence ! Si les dieux sont partis, si les âmes sont en déshérence, si la bise mord les visages, si le mystère a déserté ces lieux, que s’est-il donc passé ? Quel est donc le flot qui, insidieusement, a noyé de ses effluves et effluents des contrées entières et les a ainsi rendues impropres à la pensée, à la créativité et à l’amour ? Il semble que des êtres soient chargés d’une mission spéciale, obscure et ténébreuse, avec pour seul impératif de répandre la sottise en des territoires voués par leur seule présence à l’affliction, à la douleur et à une vague nostalgie de ce qui aurait été, de ce qui aurait pu être. Et ils remplissent avec ténacité, obstination et efficacité leur douteuses obligations car là où ils s’installent ne subsiste que leur immarcescible stupidité : les terres s’en trouvent transformées, les airs en deviennent pollués et la lumière même en devient obscurcie. Ces êtres s’accrochent, sûrs d’eux-mêmes, et ils s’adoubent entre eux, stultitia stultitiam prolificat…
Il y a des lieux où les âmes sont tombées en somnolence.