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dimanche 28 février 2021

Contes et histoires de Pépé J (25) Prix du Cadac

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Un de mes poèmes a obtenu le premier prix d’un concours organisé par le CADAC de Saint-Vite dans le cadre du Printemps des poètes 2020. La proclamation des résultats s’est faite confidentiellement une dizaine de mois plus tard, retardée par les mesures gouvernementales. En toute immodestie, je me permettrai de vous déclamer ce poème primé. Le concours avait pour thème « Le courage » et j’ai écrit ce poème en hommage à un de mes oncles, frère de mon père, qui, après s’être tu sous la torture, mourut en camp de concentration pour faits de résistance. Son nom de code était « Zig ». Le poème porte son prénom ainsi que l’année de sa mort et s’intitule donc : « Emmanuel 1945 ».

 

Jolis trains à vapeur empanachés de blanc, / Tels des chevaux ardents, sillonnant la verdure, / Spectacle fascinant à travers la froidure, / Vous haletiez encor, votre sifflet hurlant.

Feignant ne rien savoir pour vivre sans remords / Mais vous le saviez bien, de Gand jusqu’à Bruxelles, / Terminus Nordhausen, crachant vos étincelles   / Vers les camps de travail, vers les camps de la mort.

Avec pour tous wagons des fourgons à bétail, / Pis encor des plateaux bordés de simples chaines / Où gisaient des captifs voyant leurs morts prochaines, / Bien avant que du camp ils fussent au portail.

Toi Zig, dans leurs prisons, ils t’avaient harcelé / Dans ta chair, dans tes os, cruels et sans relâche. Les coups et le carcan, mais tu ne fus pas lâche, / Tu ne voulus parler, ils n’ont rien décelé.

Silence douloureux qui protégea les tiens  / Et qui te fit partir vers ces camps de supplice. / Fallait-il du courage à boire ce calice, / Fallait-il du courage à demeurer chrétiens ?

Ton message dernier, malgré les surveillants, / Fut Georges Gibier Ours, trois mots tels des sésames. Ils ont brulé vos corps sans connaitre vos âmes, / Elles luisent toujours tels des astres brillants.

Emmanuel ton nom, un cri d’éternité ! Courage n’est qu’un mot, prononcé par les autres / Mais vous n’y pensiez pas car il n’était des vôtres. / Où le mot n’est plus rien, l’acte est pérennité.

 

C’est fini et c’est une histoire vraie.

 

 

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jeudi 25 février 2021

Dernier tableau (17)

 

– Je ne le connais nullement et je ne vois pas sous quel prétexte…

– Comment ! Mais je peux faire savoir à Madame Le Blévec que vous êtes en ville et je suis certain qu’elle sera ravie de pouvoir dire partout qu’un grand expert parisien est venu voir son Leyden. Je peux la contacter.

– Surtout pas, de grâce ! Mon épouse est à l’hôtel et n’est pas très bien en ce moment. Nous n’avons guère la tête à faire des mondanités. Par contre, j’accepterais volontiers une tasse de thé. Surtout si vous avez une histoire à nous raconter.

– Voilà, je suis à vous dans quelques instants, le temps de préparer le thé, dit Marondeau en s’éclipsant.

– Ainsi, vous voudriez vous aussi acheter un tableau, Monsieur Magre ?

– Mes moyens sont bien modestes et je ne peux me permettre de mettre une grande somme dans un tableau. Je suis entré dans le magasin de Monsieur Marondeau un peu comme un curieux, je ne connais rien ni à l’art ni aux antiquités. Raymond m’a pris au mot lorsque je lui ai dit que je suis intéressé par des objets, sinon insolites, du moins ayant une histoire, ayant en quelque sorte une existence propre mais qui serait ignorée…

– Et si Monsieur Marondeau, je l’appelle Raymond moi aussi, vous a pris au mot, que vous a-t-il trouvé ?

– Un couteau, il m’a raconté l’histoire d’un couteau turc. Mais je ne l’ai pas vu, il est caché dans un grenier et…

– Il n’est nullement caché, mon cher, mais je le laisse où il est pour qu’il ne nuise plus à quiconque, intervient Raymond qui arrive avec le plateau du thé. Ce poignard est funeste, qu’il reste où il est !

– Vous m’intriguez, Raymond. Me raconterez-vous un jour cette histoire ? demande Landau.

– Quand vous voudrez, mais aujourd’hui je vous parle d’un tableau qui a eu lui aussi une existence curieuse. Allons, assoyez-vous, je vais vous servir. Prenez du sucre si vous en voulez.

 

Ils s’installent tous les trois autour de la petite table. Raymond se cale confortablement dans son fauteuil et prend la parole.

 

– C’est encore une histoire qui remonte à mes débuts dans le métier. à l’époque, la peinture d’Artur Leyden avait une cote fort élevée et il était exclu pour moi d’acheter un tableau de ce peintre qui, de plus, en tant que lambairien, était prisé par-dessus tout dans cette ville. Mais cela ne me gênait guère puisque je n’étais pas marchand de tableaux.

– En effet, même à Paris, il était très recherché, dit Landau. Il a peint des marines splendides et, que je sache, le musée de Saint-Lambaire en possède plus d’une.

– Oui, en effet, ajouta Marondeau. Pour qu’Hervé comprenne, il faut qu’il sache qu’Artur Leyden était né à Saint-Lambaire dans une famille qui avait été fort riche mais dont la fortune était sur le déclin. Le père d’Artur avait eu deux filles d’un premier mariage. Son épouse avait une santé fragile et le laissa veuf alors que les deux filles avaient respectivement treize et onze ans. Il se remaria un ou deux ans après et eut un fils, Artur. Sa seconde épouse mourut en couches et le petit Artur fut élevé par ses sœurs. Le père décéda lui aussi lorsque les deux sœurs avaient déjà vingt ans. Malgré l’argent de l’héritage, les deux sœurs pensèrent qu’elles devaient travailler et elles ouvrirent un magasin de mercerie-bonneterie. Rapidement, ce magasin était devenu le salon où se rencontraient toutes les dames de la bonne société de Saint-Lambaire. Les deux sœurs eurent donc l’idée d’agrandir leur magasin et d’ouvrir en même temps un salon de thé. L’affaire marchait bien et les deux sœurs purent payer de bonnes études à Artur qui apprit la peinture à l’école des Beaux-arts.

– Avec un de mes illustres prédécesseurs, le grand Rattier, coupe Landau.

– Il avait été à bonne école et il était doué. Mais il était aussi assez taciturne et il partait souvent se promener seul le long de la côte avec son carnet de croquis et son petit siège pliant. Il ne peignait que dans son atelier, bien sûr. Il y a certainement encore des anciens qui se souviennent de lui, sa silhouette mince avec un style à la Sherlock Holmes, le couvre-chef en moins. Moi-même, étant gamin, je me souviens l’avoir vu passer avec une sorte de Macfarlane, une cape de toile verte. Il eut assez vite un succès ici même et il fit des salons à Paris, des expositions à l’étranger. Mais il ne peignait que des marines, avec des ciels splendides, une mer avec des couleurs saisissantes. Vous avez pu en juger l’autre jour, mon cher Hervé.

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(à suivre...)

dimanche 21 février 2021

Contes et histoires de Pépé J (24) La pinède des loups

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Je vous parle aujourd’hui d’un livre que j’ai découvert par la grâce d’une de ces boites à livres que les municipalités et certaines associations mettent à notre disposition et entretiennent avec régularité. C’est pour moi l’occasion de les remercier pour ce travail intelligent réalisé principalement par des bénévoles. Le livre en question est peu connu à mon avis quoiqu’édité par les éditions Sud-Ouest en 2008. Le titre est : « La Pinède des Loups », l’auteur est Pierre Richet. Il s’agit d’une terrible histoire dans la Grande Lande, du côté de Pissos et de Belin-Beliet, le long de la Leyre, au temps d’Aliénor d’Aquitaine. Je n’ai pas pu savoir selon quelles sources historiques l’auteur a travaillé ni s’il a simplement écrit une histoire romancée. Ce récit est, quoiqu’il en soit, impressionnant, documenté et suivi d’un court glossaire des expressions gasconnes.

 

L’auteur décrit une petite région des landes où vivent paysans propriétaires ou fermiers, ouvriers agricoles, bergers et exploitants de résine. Toute une petite société qui vit dans une entente correcte, il y a des riches et des pauvres mais tout le monde s’en sort en travaillant dur. Il y a les loups aussi mais chacun sait que ces loups ne cherchent ni à attaquer l’homme ni à s’en prendre à ses troupeaux. Parfois, quelque mouton boiteux ou égaré se fera dévorer mais les bergers protègent bien les parcs et surtout ils ont leurs petits chiens, les fameux Labrits, gardiens infatigables et d’un courage étonnant.

La tranquillité règne sur la grande Lande jusqu’au jour où déboulent une centaine de mercenaires à cheval. Ces mercenaires viennent de l’Est, on ne sait d’où exactement, ils sont sans emploi et vivent du pillage des pays qu’ils traversent. Les gascons landais les nomment « Les Français » et ils comprennent vite que ces pillards comptent s’installer dans ce petit pays prospère et calme.

C’est là que la petite société va se fissurer, se scinder en deux. Car les plus riches, craignant pour leurs biens, préfèrent répondre aux exigences des mercenaires et leur livrer de la nourriture, du bétail et même des femmes. Celles-ci, choisies parmi les servantes, sont envoyées avec un convoi de provisions en croyant qu’elles vont faire la cuisine. Mais ces soudards les exploiteront de la manière la plus infâme, au su de ceux qui les leurs ont livrées.

De plus, ces soldats perdus voudront chasser les loups, ces loups si dangereux mais qui vivent  sans haine à côté des humains. Toutefois, à partir de cette chasse impitoyable, ils deviendront hargneux, sournois et méchants.

Cependant un groupe de paysans, d’ouvriers et de berger va tenter, dans le plus grand secret, de se révolter. Ils essayent de faire appel aux seigneurs des environs mais ceux-ci ne disposent que de peu d’hommes et ne tiennent guère à se frotter à ces reîtres. Ils devront donc s’organiser, tendre des pièges, toujours dans la plus grande discrétion.

Quand, enfin, une bataille décisive aura lieu, elle sera terrible, sanglante et mortelle de part et d’autres mais les mercenaires seront finalement vaincus, le pays reprendra sa vie d’avant avec les traumatismes créés par cette invasion. Les relations ne seront plus jamais les mêmes entre les hommes et les loups sont devenus …pires que des loups.

Toute cette histoire est censée avoir été écrite par le curé de la paroisse qui a cherché à éviter le pire drame sanglant en se rendant lui-même dans le camp de ces brutes. Il en ressortira vivant et il écrira toute cette histoire, la cachant dans une pierre du cimetière où elle sera retrouvée plusieurs siècles plus tard.

 

Cric crac, c’est tout et c’est une vraie histoire.

 

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