En vedette !

dimanche 25 novembre 2012



Chronique du temps exigu (35)
Aujourd’hui, je devrais livrer une chronique qui ferait un sort à un certain nombre de notions, de poncifs et de lieux communs concernant les politiciens, les anglais et toutes sortes de gens étranges. Hélas, de triviales occupations sont venues perturber le bel agencement d’une vie déjà un peu désordonnée et donc nous laisserons de côté cette exégèse pour nous concentrer une fois de plus sur les champignons.
Les graciles et omphalomorphes chanterelles d’automne viennent de terminer leur saison et les lactaires sanguins rougissent encore les doigts du mytilicole promeneur et quelques girolles percent ça et là sous les feuilles d’automne.
Finis les cèpes, les bolets pied-rouge et les pieds-bleus, les prairies ne se tachent plus de ronds de sorcières blancs où poussent les rosés des prés.
Et aucune trompette-de-la-mort au nom si inquiétant et à la saveur si pleine, qui en a trouvé ?
Alors, je vous parlerai aussi un de ces prochains dimanche de livre de François Fierobe « La mémoire de l’orchidée » où il est question de semperfixines, de javelines de Zénon d’Elée, de récurrines et de l’octaèdre entropique de Sysiphe. Sans compter les flacons jumeaux de Rabelais et le bureau des objets maudits.
On voit par là que, même quand on n’a pas le temps d’y penser, il y a toujours des mots étranges et beaux à prononcer.

dimanche 11 novembre 2012



Chronique du temps exigu (33)
Ne pouvant soulager mes maux dans les brumes septentrionales, j’ai consulté le bon docteur V. (ce dernier tient à rester anonyme) qui soigne par les plantes. En effet, il soigne les malades par les plantes des pieds ; c'est-à-dire qu’il introduit dans les chaussettes du patient un fin broyat dynamisé selon une méthode analogue à celle du Dr Hahnemann, inventeur de l’homéopathie.
 Le traitement qui m’a été administré par le bon docteur V. fut un traitement expérimental. En effet, le traitement de la mogigraphie n’avait jamais été tenté par cette méthode, cela pour la bonne raison que le bon docteur V. est diplômé de l’Ecole vétérinaire et que l’on connaît fort peu d’animaux souffrant de mogigraphie. Mais je dirais que l’essai fut concluant puisque vous pouvez me lire sur vos écrans. Le bon docteur a donc garni l’intérieur de mes chaussettes avec de la plume d’oie en poudre mélangée à de la seiche broyée. Le postulat de départ étant que « similia similibus curentur », il fallait traiter le mal de l’écriture par ce qui permet l’écriture. Or, si l’écriture a beaucoup évolué depuis le stylobille jusqu’à l’imprimante multifonctions, il n’en reste pas moins qu’elle s’est longtemps pratiquée avec une plume d’oie finement taillée. Un traitement à la plume d’oie ne peut qu’affiner et rendre plus légère une écriture parfois un peu lourde par exemple. Pour ce qui est du broyat de seiche, nous n’ignorons pas que cet animal, joliment appelé chipiron par les basques, est l’inventeur de l’encre. (Nietzsche lui-même avait déclaré avoir écrit un livre « noir comme la sépia de la seiche ») Plume et encre, quoi de plus revigorant pour le chroniqueur atteint de mogigraphie chronique !
Donc, suite à une seule application de douze heures dans des chaussettes de qualité, je me suis vu reprendre mon activité écrivante sans douleur ni difficulté. A la fin de la journée, j’ai retiré un mulching honorable du fond de mes chaussettes et je l’ai ajouté sur mon tas de compost. Certains pourraient penser que cela peut se fumer mais j’ai abandonné la pratique du tabac depuis quelque temps et plutôt que de pétuner, je préfère maintenant fumer mon potager.
Cela dit, je m’en tiens à l’écriture au clavier mais je ne dédaignerais pas de tenter l’écriture à la plume d’oie. J’attendrai le retour des oies sauvages pour ne pas déplumer les gardiennes du Capitole et la migration des chipirons hors du port de Ciboure pour ne pas dégarnir la carte des restaurants locaux
On voit par là qu’être un plumitif n’est pas tout, encore faut-il que l’encre sèche.

dimanche 4 novembre 2012



Chronique du temps exigu (32)
Il n’y a pas que la ponctuation qui souffre, il y a aussi les tortures infligées aux mots ; en effet, il suffit d’écouter les présentateurs de radio ou de télévision pour le constater. Je prendrai pour premier exemple le mot périple qui, au départ et par étymologie, signifie circumnavigation et qui est couramment utilisé pour parler de voyages terrestres. Même d’éminents lexicologues tolèrent cette acception, il faut bien vendre du dictionnaire que diable !
Le mot « télévision » est déjà un barbarisme puisque composé d’une tête grecque et d’une queue latine et ceci prouve que ce média était condamné dès le départ mais je m’en voudrais de fustiger les seuls audiovisuels alors que les scribouillards ne sont pas en reste envers leurs collègues babillards. La presse de province, en particulier dans ses pages sportives, est une mine d’utilisations abusives de notre malheureux lexique.
Emile Littré, éminent lexicologue, aimait les mots, bien sûr, mais également les amours ancillaires. Un jour, sa femme le trouva couché avec une domestique : « Ah, Émile, je suis surprise! » dit l'épouse trompée. « Non, madame, rectifia ce spécialiste des nuances du vocabulaire; vous, vous êtes étonnée et c'est moi qui suis surpris... ».
Je vous propose donc un mot en ce jour de repos et ce mot est : mogigraphie. Je n’ai pas dit : mogilialisme, non car cela est bien différent. Je ne vais pas proposer une pinte de bière tiède au premier ou à la première qui aura trouvé la signification de ce mot car il n’est pas simple de faire parvenir ce genre de lot par la poste. Donc, la mogigraphie est la crampe de l’écrivain et vous aurez compris que c’est ce qui m’inquiète, surtout lorsque ce genre de crampe atteint le cerveau. Etre trahi par son poignet est une chose, avoir sa pensée au bord du claquage en est une autre. Quant au mogilialisme, c’est une manière élégante de nommer le bégaiement et cela n’a donc rien à voir avec la tenue du porte-plume.
Nous verrons dans les semaines qui viennent si j’arrive à surmonter cette mogigraphie et si nous pouvons trouver d’autres mots à sauver de la torture.
On voit par là qu’il faut du poignet pour sauver les mots.