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jeudi 30 mai 2019

Appelez-moi Fortunio (16)


Lorsqu’ils en furent au grenier, ils y trouvèrent une caisse simplement fermée par un couvercle posé sur le dessus. Elle était pleine de cendre et Albert n’eut aucune peine à imaginer ce qu’il y avait dans la cendre. Ils sortirent délicatement la cendre et en sortirent un jambon, bien emballé dans un linge et entouré de sel. La pauvre mamie avait donc pensé à nourrir les ouvriers qui viendraient après sa mort pour vider la maison. C’était un vrai jambon salé, un beau morceau d’une quinzaine de kilos. Ils le débarrassèrent de son sel puis, l’ayant remis dans son linge, ils l’emportèrent dans le fourgon d’Albert.
-          Ah, rien que pour ça, ça valait la peine de faire le déplacement, déclara René.
-          Ben oui, d’autant qu’il y a une petite douzaine de bouteilles de vin dans la cave, renchérit Charles. Et des conserves de champignons que je vous dis que si la mamie savait cuisiner, y’a de quoi se régaler !
Ils décidèrent de faire l’inventaire des denrées et boissons pour les porter aussi dans le fourgon. Evidemment, quand on vide une maison, on tombe sur un tas de petites choses que l’habitant des lieux avait soigneusement gardés, le trésor d’une vie. Et puis, d’un seul coup d’un seul, voilà qu’on s’en va sans rien emporter.
Il y avait peu de photos, quelques lettres, du courrier non décacheté. Ils mirent tout cela dans une grosse enveloppe kraft pour la remettre au gestionnaire à toutes fins utiles. Mais pour le reste, il avait dit que tout devait disparaître et que la maison devait être vide et balayée.
Ils trouvèrent aussi des missels, des images pieuses, un crucifix et des livres religieux qu’ils mirent dans un carton pour les porter à la paroisse. Il leur semblait qu’ils ne pouvaient décemment pas fourrer tout cela à la déchetterie, tout mécréants qu’ils fussent.
Quant au mobilier, tout l’usuel était assez quelconque mais il y avait, dans la salle à manger-salon quelques meubles de belle apparence qui semblaient avoir de la valeur. Nos hommes n’étaient pas des experts en antiquités et ce qui comptait pour René était surtout la valeur d’usage. Après avoir fait plusieurs tours de déchetterie, ils commencèrent à charger les gros meubles et la vaisselle en vue de faire un voyage vers Caylus pour meubler René. Dans la salle à manger, il fut intrigué par un buffet qu’il déclara être du Louis XV. C’était un buffet à deux portes surmontées chacune d’un tiroir. Le tiroir de droite avait, à l’extérieur, une hauteur d’une quinzaine de centimètres et était moins haut à l’intérieur. Mais on ne pouvait pas sortir complètement ce tiroir car une languette métallique le bloquait, comme cela arrive dans certains meubles. Toutefois, il s’agissait en réalité d’une sorte de targette qui, comme dans l’autre tiroir, l’arrêtait avant qu’il ne tombe. En général, ces targettes sont amovibles et permettent d’ôter le tiroir pour, par exemple, le nettoyer ou le vider. Toutefois, il semblait qu’il y ait un petit verrouillage à secret avec un montage spécial en queue d’aronde. Fut-ce la chance ou le flair, René parvint à faire jouer le mécanisme :
-          J’ai lu un article sur ces mécanismes dans science et vie junior, déclara-t-il avec une pompeuse hilarité.
-          Y’a longtemps que t’as lu ça alors car t’es pas un p’tit veau de l’année ? Demanda Charles.
-          Mais non, c’est mon gamin qui est abonné…
-          Et c’est toi qui le lis ?
-          Beuh, oui, je lui raconte après !
Sur ces entrefaites, il avait sorti le tiroir, découvrant une sorte de cache où se trouvaient quelques papiers, des cahiers et près de cinq-mille francs en espèces, l’équivalent de trois mois de Smig de l’époque. Une jolie somme mais tout de même pas un trésor… Cela aussi serait à remettre au gestionnaire, déclara Albert.
Ce sont surtout les cahiers qui retinrent leur attention. Ils étaient remplis d’une écriture soignée, régulière et très formatée, à l’ancienne. On supposait qu’ils étaient de la main de la propriétaire de la maison et on comprenait très vite qu’ils avaient été écrits au fil des années, l’écriture en étant ferme au début et plus tremblée sur la fin. De plus, le premier cahier avait été écrit entièrement au crayon dont la marque avait pâli au fil des années.
La première page était datée de juillet 1935 et commençait ainsi :
(à suivre...)

dimanche 26 mai 2019

Chronique de Serres et d’ailleurs IV (37)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. On ne le dira jamais assez, pour le chroniqueur, c’est pas tous les jours dimanche. Et même le dimanche, c’est pas forcément congé. Vous qui auditez, vous en êtes forcément conscients puisque cette chronique jaillit sur les ondes dès le samedi et qu’ensuite elle s’épanche le dimanche matin sur la web radio comme sur les pages du blog nommé « Fortunio et René-la-Science ». Sur ce dernier, ceux qui me suivent depuis les origines le savent, j’ai l’avantage autant que le plaisir de sévir depuis le vingt-neuf mai 2012 avec un billet sur le lundi de Pentecôte que je concluais par cette phrase : « On voit par-là que l’avenir est à la commémoration du futur. » Quelle hardie prédiction et quelle judicieuse prémonition. Et inversement réciproquement. Quant à l’étonnante radio CoolDirect, j’y officie tous les samedis et dimanches depuis bientôt quatre années, quatre saisons dirait-on en langage audiovisuel et chez Vivaldi. Sept années de chroniques et toujours il faut être à l’heure avec un nouveau texte et un nouvel enregistrement !

Comme parlait Sara Toussetra : « Mais où donc allez-vous chercher toutes ces idées ? » Où donc, en effet, chère Sara, mais vous qui vendez des journaux, qu’ils soient quotidiens, hebdomadaires, bihebdomadaires, mensuels, bimensuels, annuels ou autres, vous n’ignorez tout de même pas que l’actualité que vous fournissez à longueur de pages est une mine pour le chroniquo-fouineur à l’affût. Toutefois, et néanmoins de surcroît, toute actualité n’est pas toujours bonne à commenter et quelquefois, il n’est pas encore opportun de le faire. En ce jour d’élections européennes, par exemple, il serait de mauvais goût de gloser à propos des nombreux candidats qui se proposent à notre choix. Pensez-donc, rien qu’en France nous avons un éventail de trente-trois listes et les abords de nos mairies se sont généreusement garnis de longues palissades sur lesquelles ont pu fleurir les propagandes diverses en couleur, encollées à leurs places respectives. On a vu aussi çà et là prospérer quelques affichages sauvages, espérons qu’ils ne nous gâcheront pas le paysage.

Revenons à l’actualité et en ces jours électoraux, il convient de se dispenser de cette manne pour le pêcheur de perles que sont les diverses déclarations, petits mots et touites des candidats et force est d’attendre que le scrutin soit clos. D’autant que, parmi eux, nombreux sont ceux qui, n’en n’étant pas à leur coup d’essai, ont déjà une grande habitude dans la production de bévues et de sottises politiques. Voilà donc le chroniqueur bien démuni et de quoi va-t-il donc vous parler en ce week-end  où, outre les élections, il y a aussi la fête des mères. Je crois n’avoir jamais abordé ce dernier sujet et tout ce que j’en dirai, en passant, c’est qu’il faut en profiter tant que tout le monde peut se targuer d’avoir, ou d’avoir eu, une mère. Car bientôt, il faudra créer une fête des mères porteuses, une fête des pères paterno-maternisants non-porteurs, une fête des éprouvettes et autres possibilités médicalement assistées.

Mais foin de cet avenir radieux et scientifique, de quoi peut parler un chroniqueur de Serres et d’ailleurs lorsqu’il se refuse à commenter l’actualité politique ? Et faut-il toujours qu’il parle des sots et des malcomprenants, au risque de passer pour un impénitent grognon alors qu’après la pluie généreuse vient briller le soleil ? N’y a-t-il pas tant et plus à raconter en ce joli mois de mai quand fleurissent le lilas et le coquelicot, quand sortent les mignonnes cagouilles, petits gris ou escargots de Bourgogne, du nom de cette si belle région aux vins si capiteux ?

On voit par-là qu’on pourrait en arriver à parler pour ne rien dire.