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dimanche 27 juin 2021

Contes et histoires de Pépé J (40) Les vacances

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Une saison de contes et histoires s’achève et voilà qu’arrivent les vacances pour le chroniqueur. Une prochaine saison aura-t-elle lieu ? Dieu seul et le Directeur de la radio le savent : tout dépend de leur infinie miséricorde.

 

Ce dimanche ont lieu les deuxièmes tours des élections départementales et régionales et il est utile de préciser que si les élections, en France, ont lieu un dimanche, c’est parce que le lendemain on rase gratis et c’est la raison pour laquelle les coiffeurs sont généralement fermés le lundi… pas folle la guêpe ! Toutefois, nul n’a osé spécifier s’il était question d’élections départementeuses. De plus, l’intérêt pour tous ces élus est d’avoir une multiplicité d’échelons dans la représentation nationale ce qui permet à votre maire, par exemple, en cas de problème de vous renvoyer sur le niveau départemental qui vous dira d’aller voir à la région laquelle vous dira que c’est la faute à Paris. Et, si vous allez porter vos doléances à Paris, on vous répondra que c’est la faute à l’Europe, allez donc vous faire voir à Bruxelles, les grecs ont autre chose à faire.

 

Bien sûr, ces évènements n’éclipseront pas pour tous nos sportifs en canapé les péripéties de la coupe d’Europe de football ; on connait déjà, ou presque, les quarts de finalistes et les marchands de chips, de bière et de pizzas ont de la marchandise en stock. On nous savonne la tête avec la dette nationale mais on ne se prive de rien pour ce qui est des dépenses somptuaires et sportives entraînées par ces grand-messes inutiles et coûteuses. Sans compter que l’excès de sport télévisé nuit à la santé et profite au diabète.

 

Les vacances sont là, disais-je, et les touristes vont s’en donner à cœur joie en prenant des avions pour aller pêcher des virus dans des contrées exotiques alors qu’ils pourraient se contenter de petites maladies bien de chez nous, quelques gastros ou gueules de bois au petit vin local ainsi qu’indigestions au foie gras ou au cassoulet. Mais tout le monde n’a pas les moyens de polluer en grand et on va aussi voir arriver une épidémie de mollets poilus et d’orteils en tongs, de têtes d’abrutis chapeautées de bobs et de marmots criards. Les vacances sont l’occasion, pour une faune lassée des embouteillages urbains, de pouvoir se précipiter sur les engorgements autoroutiers et les files d’attente devant les burgers de bord de mer. Sans oublier que les offices de tourisme les attendent au coin du bois pour leur faire ingurgiter des animations standardisées. Car le tourisme est devenu la tarte à la crème de nos élus qui ont sacrifié les activités réellement productives comme l’agriculture ou la petite industrie au profit d’un tourisme bêtifiant ou de startups qui disparaissent après avoir bouffé les subventions allouées.

 

Alors, si les vacances sont là, il ne faut pas oublier que ce n’est pas pour tout le monde : il y a celles et ceux qui n’ont pas les moyens de prendre du congé, de par leur métier ou par manque d’argent. Donc, ayons une petite pensée pour eux et évitons de partir loin de chez nous : si nous voulons dépenser de l’argent, que ce soit en dehors des chemins balisés sans toutefois écraser notre environnement. Inutile de se précipiter dans les fabriques du tourisme alors que bon nombre de choses intéressantes ne sont pas recensées par les organes officiels de la vacançologie et méritent plus que le détour là où d’autres ne valent guère plus d’un pet de lapin.

 

Alors, si les vacances sont là, je vais vous les souhaiter bonnes et vous conseiller une lecture saine, à savoir le recueil de 8 années de mes chroniques et 667 pages en tout. Vous pouvez commander ce livre chez TheBookEditions sous le titre : « Chroniques de Serres et d’ailleurs ».

 

Cric crac, vive les vacances et c’est toute une histoire.

 

dimanche 20 juin 2021

Contes et histoires de Pépé J (39) Le château de Lambruse

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. L’histoire du château de Lambruse est peu connue et je suis peut-être un des derniers qui s’en souviennent. C’est pour cela que je tenais à vous la raconter aujourd’hui. Ce château, bâti sur une colline en terrasse dominant le Lot, avait été bâti au milieu du XIXème siècle par un négociant rochelais. Il avait vu grand, il y avait des salles à manger, les salons, la bibliothèque, le fumoir et autres au rez-de-chaussée ; ce beau bâtiment avait, aux étages, plus de vingt chambres, tant pour les propriétaires que pour les invités. Cet homme, nommé Cadou, avait non seulement une belle fortune mais il avait aussi épousé une femme qui était elle-même seule héritière d’un joli patrimoine. Cette femme était d’une beauté remarquable et avait un esprit d’une grande finesse. Ce couple avait tout pour être heureux et ce fut le cas durant les premières années du mariage. Ils eurent trois enfants, un garçon et deux filles. Ce bonheur allait-il durer ? Lorsque la plus jeune fille avait huit ans, une tuile tomba de la toiture et fracassa cette petite vie. L’autre sœur mourut à treize ans, empoisonnée par des baies sauvages. Quant à l’ainé, il était parti en 1870 se battre contre les prussiens et il périt, atteint par un boulet ennemi.

 

Ce couple n’avait donc plus d’enfants mais le châtelain avait plus d’une corde à son arc. Outre son prestigieux château, il avait aussi fait bâtir des dépendances et des métairies sur son domaine ainsi qu’un pavillon de chasse dans lequel il tenait des rendez-vous galants. Ce faisant, il avait sans doute tiré une flèche un peu loin et il lui en était sorti un héritier naturel qui vivait à demeure avec sa mère dans ce pavillon. Le nommé Cadou n’avait pas poussé l’impudence jusqu’à les faire venir au château mais tout cela faisait jaser, bien sûr. Qu’importe, il avait décidé que son fils naturel serait l’héritier de sa fortune ainsi que de celle de sa femme.

Cadou décéda à 55 ans et son fils naturel pensa bien s’emparer de la totalité de cette fortune mais Aurélie, la veuve, ne lâcha rien de ses prérogatives légales : elle restait maitresse de sa propre fortune et gardait jusqu’à sa mort la disposition d’une partie des biens de son mari. Ce qui fit donc que Mathurin, le fils adultérin, vint s’installer au château dont il n’était que nu-propriétaire pour partie. Mais pour lui, qu’importe, il s’installa et commença à mener la grande vie. L’argent lui filait entre les doigts, il menait un train infernal avec l’espoir de pousser Aurélie à abandonner le domaine. Mais c’était sans compter sur la résistance dont elle était capable.

Un splendide tableau trônait dans le salon. Il avait été réalisé par un artiste-peintre de Lyon que Cadou avait fait venir spécialement. Il représentait Aurélie au meilleur de son âge : elle avait une majesté et une beauté que le peintre avait su rendre avec talent. Dès qu’on entrait dans le salon, on ressentait l’autorité morale de cette femme, une tutelle bienveillante mais puissante dont le regard suivait ceux qui entraient dans cette pièce. Mathurin aurait aimé décrocher un tel symbole de ces murs mais n’en n’eut jamais l’audace jusqu’à un soir d’ivresse où, en l’absence d’Aurélie, il fut mis au défi par ses compagnons d’orgie de le décrocher. Il prit un escabeau, monta et, au moment où il allait y parvenir, il fit une chute violente et mortelle. Abasourdis, ses compagnons virent alors la peinture fermer les yeux. Epouvantés, ils quittèrent les lieux, laissant à quelques domestiques le soin de s’occuper du mort.

Avertie de ce qu’il s’était passé, Aurélie dédaigna de revenir au château et se retira dans une petite maison sur la côte basque où elle vécut deux ans de plus. Le château resta alors à l’abandon. Les bois et taillis ont maintenant envahi les abords. Il ne faut pas aller le visiter car il tombe en ruine et s’en approcher est devenu dangereux. Mais, malgré toutes les intempéries, le tableau est toujours à sa place et les yeux d’Aurélie Cadou sont restés fermés. Toutefois, d’aucuns ont prétendu avoir entendu des voix étranges, certaines nuit. Une personne qui voulait entrer dans la demeure ruinée se sentit repoussée par une main ferme puis tirée en arrière. Mais cela, ce sont des on-dit, les fantômes n’existent que pour ceux qui les respectent.

 

Cric crac, c’est tout et c’est une vraie histoire.

 

jeudi 17 juin 2021

Dernier tableau (33)

Ils reviennent tous deux devant la nature morte. Lautort se met à commenter le tableau avec fougue et Hervé se sent passionné par cet engouement. Au bout d’un quart d’heure, il faut qu’il mette fin à ce cours de peinture, car il doit revenir chez Dussieu. Il remercie Lautort avant de s’en aller.

Il arrive chez Dussieu à quatre heures moins le quart et celui-ci l’accueille en souriant.

 

– Vous voilà enfin ! Si vous saviez, cela a été bien rapide. Le cadre avait été astucieusement doublé et je n’ai eu qu’à défaire l’épaisseur supplémentaire avant de reposer le tableau. Malheureusement, la signature est à peine visible. Il faudrait décrocher la toile et la refixer sur un support un peu plus grand, mais c’est un autre travail, un travail de restauration.

– Je comprends monsieur Dussieu, mais je vous remercie. Vous aviez raison, c’est assez étrange, mais ce tableau est fort bien mis en valeur dans ce cadre.

– Je me suis permis de changer le point de suspension, puisque votre tableau est un portrait. Il est maintenant prêt à être accroché.

– Merci beaucoup. Quand puis-je revenir pour le paysage ?

– Revenez la semaine prochaine, cela me laissera le temps de voir si je peux fouiner pour trouver les carnets de mon père. Vous pouvez me laisser vos coordonnées ?

– Oui, bien entendu. Je pourrais aussi vous payer, ou vous verser un acompte ?

– Non, non. Laissez-moi seulement vos coordonnées que je puisse vous téléphoner si j’ai vraiment du nouveau. Voilà, je vous emballe le tableau un peu mieux. Vous m’avez fait de la peine en portant ce tableau emballé dans de vieux journaux et un sac plastique !

 

Hervé quitte le magasin avec son paquet et rejoint la gare routière. Il est bien dix-neuf heures lorsqu’il arrive chez lui. Il entre discrètement et rejoint son appartement. Il n’aurait pas voulu qu’Édith pose des questions sur son paquet.

Il déballe le tableau et l’accroche, provisoirement, à la place du paysage. Parlera-t-il de cette histoire à Marondeau ? Oui, bien sûr, mais un jour où celui-ci sera un peu moins grognon que la dernière fois.

(à suivre...)

 

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