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dimanche 28 juillet 2019

Chroniques de l'été (4)


Se revoir
Pour Josée

Le port était en vue, la vague te portait
Et tu as accosté posant ton baluchon
Bagage de ta vie qu’à la fin tu traînais
Sur tes maigres épaules écrasées sans raison.
Sur ces terres inconnues tu te reposeras
Robinsone partie guettant notre voile :
Dans l’éther absolu on se retrouvera
Sur Neptune ou Pluton, quelques autres étoiles,
Et d’un ton familier on pourra se parler
Comme si c’était hier que l’on s’était quittés.
© Pierre Jooris, 2017.


jeudi 25 juillet 2019

Appelez-moi Fortunio (24)


Il est revenu le professeur comme je l’appelle. Il m’a dit que les anciens n’ont guère pu lui parler de tout cela. Mais il a retenu une chose, que la petite Simone avait disparu le même jour. Il voulait savoir ce que j’en pensais et si je l’avais revue depuis. Comme je lui ai dit que je n’en n’avais plus entendu parler, je croyais que la peur l’avait faite fuir. Lui a l’air de penser que c’est autre chose et qu’elle aurait été de mèche avec les agresseurs. Et sur ceux-là, il a insisté, il m’a dit que c’étaient des résistants de la dernière heure. Il m’a dit aussi que monsieur Étienne avait lui aussi des doutes  et qu’il avait laissé des papiers que lui, le professeur, avait en sa possession. Parce que monsieur Marc et Madame auraient fait semblant de collaborer avec le gouvernement et puis avec les allemands mais en douce ils aidaient le maquis. Même ils auraient permis à des gens de se cacher dans leur maison bourgeoise, à la campagne et que mes parents auraient discrètement aidé aussi. Ce professeur, comme je l’appelle, connaissais monsieur Étienne. Il voulait prouver que ses parents, contrairement à ce qui s’est dit, avaient été assassinés non parce qu’ils collaboraient mais pour les voler. Pour ça, je peux dire qu’ils n’ont rien trouvé mais ils n’ont guère eu le temps de chercher, je lui ai dit. Ce professeur, je crois qu’il lit dans mes pensées parce qu’à un moment il m’a dit que j’avais vu quelque chose dont je n’avais jamais parlé. Bon, je lui ai dit pour le chauffeur, que je l’avais vu et que je m’étais fixé de le dire à monsieur. Mais voilà, il est mort, le pauvre. Et moi, je suis là et donc j’ai aussi raconté que je l’avais vu, le chauffeur, pour les élections. Là, il m’a regardé et il m’a dit que le pauvre monsieur se doutait de quelque chose et que le crime avait été commis par au moins une personne de connaissance. Avant de s’en aller, il m’a dit qu’il allait se renseigner et qu’il fallait être très prudent et savoir garder sa langue. Pour ça, m’a-t-il dit, je crois que vous savez faire. Quand il a été parti, je me suis sentie mieux car je n’étais plus seule avec mon secret. »
Suivent plusieurs pages sur la vie de tous les jours et comme il y a peu de dates, on ne peut qu’imaginer le temps qui s’écoule entre les paragraphes. Puis il est de nouveau question du « professeur ».
« Le professeur est venu me voir. C’est vraiment un bel homme, il m’a expliqué cette fois qu’il a connu monsieur Étienne dans l’armée de libération. Ils étaient devenus amis et monsieur lui avait parlé des évènements qui s’étaient passés chez nous. Monsieur est mort en Lorraine, un éclat d’obus lui a traversé la poitrine. C’est le professeur qui a recueilli les papiers de monsieur et il veut faire la lumière sur tout cela, en mémoire de monsieur Étienne. Maintenant, il commence à savoir quels sont ceux qui ont tué mes patrons. Je ne m’étais pas trompé, le chauffeur c’était bien un ami à monsieur, un nommé Graniez. Il est un monsieur important à la mairie et un de ses complices aussi. Même que le professeur a retrouvé la trace de la petite Simone. Elle était leur espionne, en quelque sorte. Elle était la maitresse d’un de ces malfaiteurs, même au moment de la Libération elle était à la colle avec. Puis il l’a laissée tomber quand elle est tombée enceinte. Le professeur lui a parlé et elle a pas mal sorti de choses sur la petite bande. Ils ont joué les justiciers sans savoir de quel côté étaient mes patrons. Ils cherchaient seulement de l’argent mais ils ont eu peur, après avoir tiré, en voyant venir du monde, ils ont bien été fouiller un peu mais sans rien trouver, sauf un peu d’argenterie, le genre invendable à l’époque. Mais ils se sont fait passer pour des résistants et maintenant deux d’entre eux, en tout cas, sont devenus des huiles de la ville. Et les deux autres (ils auraient été quatre en tout plus la fille, Simone) auraient fait leur pelote sur Bordeaux. Sauf Simone, elle, mère célibataire sans le sou. Donc, le professeur m’a raconté tout cela mais il repartait sur Bordeaux pour plus de renseignements. Il m’a dit qu’il allait faire éclater le dossier bientôt, chez le procureur et dans les journaux. Il m’a promis que je serais tenue à l’écart et que je ne devrais pas témoigner car il a assez  de preuves comme cela.
(à suivre...)