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dimanche 30 mai 2021

Contes et histoires de Pépé J (36) le vrai goût de la vie

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Encore un livre de terroir qui en son temps, à savoir en 1988, a obtenu un prix, le Prix Terre De France – La Vie. L’auteur est Michel Jeury, le livre est édité chez Robert Laffont et s’appelle « Le vrai goût de la vie ».

 

L’histoire se passe aux limites de la Dordogne, non loin du Lot-et-Garonne et de la Gironde, dans un village et ses alentours, le village de Saint-Veillant. C’est l’histoire d’un gamin, fils de métayers à la fin de la dernière guerre. Gamin qui ne saura jamais, au juste, si son père est vraiment son géniteur, ce père qu’il ne sait aimer mais qui souffre d’un terrible cancer. Quant à sa mère, ni lui ni nous ne saurons si elle a dénoncé son beau-frère à la Gestapo ou si, au contraire, elle était du côté de la résistance à laquelle appartenaient les frères Lerouge sous la houlette de Renaud Chabellac, l’assureur. Je dirai qu’à la lecture, j’ai eu un peu de mal à comprendre ce que faisaient ces résistants un peu en peau de lapin, pas très discrets, remuant beaucoup d’air mais dont on ne sait jamais réellement ce qu’ils font en tant que résistants. Bien sûr, deux d’entre eux vont être tués mais on est à mon avis plus dans le roman que dans l’Histoire.

 

L’histoire – avec un petit h cette fois – est celle de ce gamin de douze ans, de ses angoisses dans la ferme de ses parents, de ses inquiétudes lorsqu’il se rend au village –que ce soit à l’école ou chez le notaire et sa femme à qui il porte des œufs de la ferme – et de ses espoirs et désarrois face à la puberté qui monte. A la ferme, seul enfant, il a pour tout ami son fidèle chien appelé Mauvais mais il le retrouvera mort, empoisonné. A l’école, il y a les autres enfants du pays mais aussi ceux des italiens, plus délurés que les autres et qu’il craint autant qu’il les admire. Et chez le notaire et sa femme, on est chez les messieurs-dames, endroit où il ne se sent pas à l’aise mais il y a aussi l’émoi que provoquent les frous-frous et le parfum de la notairesse…

 

Et c’est la vie d’un gamin de la campagne, avec les prés et les bois, les forêts et les rivières, le petit gibier et les fruits sauvages. Et la vie des paysans avec les vaches, le foin, le fumier et la paille, le grain, la garde du troupeau. Tout cela, c’est la vie de Vincent Lerouge, le gamin, il observe en cachette, sans toujours tout comprendre.

 

Le cancer aura raison de son père et Emilie, la mère, se retrouvera seule face à l’avidité de ses beaux-frères et des voisins qui, les uns et les autres, veulent s’emparer de cette métairie et pour cela ils sont prêts à bien des choses. Jusqu’à accuser Emilie d’avoir non seulement trahi mais aussi d’avoir empoisonné son mari.

 

L’histoire ne se termine pas mal mais la fin est amère et c’est Renaud Chabellac – dont on ne saura s’il a été un jour un des amants de la mère – qui donnera la conclusion à Vincent. Ce dernier est tombé en admiration devant un arbre chargé de kakis et Renaud, très en verve, lui dira : « Il y en a qui les appellent des oranges de guerre. Les kakis ont le goût de la vie : délicieux quand on mord dedans et âcre comme du fer quand on a fini de mâcher ! »

 

Cric crac, c’est tout et c’est une vraie histoire.

 

 

jeudi 27 mai 2021

Dernier tableau (30)

Je choisis la deuxième solution, je suis venu en bus et je ne souhaite pas faire faire trop d’allers-retours à ce tableau. Je voudrais aussi me promener en ville et je serais plus serein sans avoir ce tableau sous le bras.

– Vous pouvez le laisser ici le temps de votre promenade et le reprendre en partant, si vous le voulez…

– Non, non, votre deuxième proposition me convient bien. Que me proposez-vous comme cadre ?

 

Dussieu se lance alors dans une série de suggestions et noie un peu Hervé sous ce flot. Mais en définitive, ils arrivent à resserrer les propositions.

 

– Alors, dit Hervé, si mon choix se portait sur un cadre comme celui-ci et de cette belle couleur beige que vous m’avez fait voir, combien cela me couterait-il ?

– Passons en effet aux choses sérieuses, répond Dussieu en consultant son tarif. Cela vous couterait cent-vingt-cinq euros.

– Bien, ça marche, on part là-dessus. Qu’en pensez-vous ?

– Oui, franchement, je pense que vous allez mettre en valeur cette peinture. Je suis heureux de voir que c’est un Dussieu qui va encadrer cet autre Leyden, mais il faudra que vous m’expliquiez comment il se fait que Leyden ait peint un paysage, lui qui est réputé n’avoir peint que des marines…

– Oui, nous en parlerons, mais l’heure avance. Nous pourrions peut-être passer à la deuxième phase de l’opération.

– Bien sûr, vous avez raison, il est déjà onze heures et demie. Je vais donc le sortir de ce cadre.

 

Dussieu pose le cadre à l’envers sur un établi et découpe le papier qui ferme le dos de l’encadrement. Délicatement, il extrait les petites pointes qui maintiennent un fort carton qu’il soulève. Apparaît un cadre sur laquelle est fixée une toile. Il soulève délicatement l’ensemble de faible épaisseur et à leur étonnement il retourne une toile qui n’est pas un paysage mais un petit portrait en pied d’une très jeune fille, une très jeune paysanne fort jolie, habillée simplement. Son regard est triste, le teint un peu jaune et elle a les deux mains jointes au niveau du bas-ventre.

Ils sont tous deux fascinés par ce portrait subtil et inattendu.

 

– C’est extraordinaire, dit Dussieu. Il y avait deux tableaux superposés. Et regardez au dos de l’autre toile, je vous le disais.

 

Il montre un petit collant ovale avec la mention : « Dussieu – Encadreur – Morlaix ».

 

– C’est bien mon père qui a réalisé ce cadre, par contre le tableau ne porte pas de signature.

– En êtes-vous certain ? demande Hervé. Regardez, on dirait que la toile a été repliée et que la signature est sur le bord…

– Vous avez raison, ma foi, dit Dussieu. La toile était sur un cadre plus grand, mais elle a sans doute été refixée sur un autre, légèrement plus petit. Et moins épais, de manière, dirais-je, à pouvoir entrer dans le même cadre que le paysage. Un instant, s’il vous plait.

 

Dussieu pose le portrait sur une table et dégage doucement la deuxième toile du cadre. Cela fait, il les pose côte à côte. Il examine les signatures et conclut :

 

– Pas de doute, les deux signatures sont identiques, si vous avez la certitude que le paysage est d’Artur Leyden, alors il est à peu près certain que le portrait est aussi de lui. Quoi qu’il en soit, c’est bien la première fois que cela m’arrive : cela n’est pas courant de voir deux toiles superposées et de plus, ce travail a été fait ici même par mon propre père. Je suis franchement éberlué…

– Ce serait donc votre père qui aurait fait ce cadre ?

 (à suivre...)

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dimanche 23 mai 2021

Contes et histoires de Pépé J (35) requiem pour un cerisier

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour.

Mercredi matin 31 mars, à l'école maternelle près de ma maison, une équipe tronçonne un cerisier en pleine floraison. Cela aurait pu être un poisson d'avril, mais non : on tronçonne le mercredi 31 mars, jour où les enfants sont absents. Cette école est appelée "Las Catarinetas", soit, en occitan "Les coccinelles" ! Voilà qui doit leur faire plaisir, aux coccinelles...

 

Voici un poème inspiré par cette triste histoire, un requiem pour un cerisier fleuri :

 

Le cerisier de la cour de l’école « Las catarinetas »

 

Dans la cour de l’école un cerisier en fleur,

Bouquet épanoui, jardin de coccinelle,

Perchoir du rouge-gorge et du merle siffleur,

Accueillait les enfants, aimable sentinelle.

 

Des hommes sont venus afin de déclarer :

Cet arbre est un intrus, il faut qu’il disparaisse.

Qu’on le coupe et l’arrache, on doit s’en séparer,

On en fera du bois, des bûches, de la caisse…

 

Un mercredi matin, les enfants sont absents,

On est venu couper cette gerbe fleurie,

Promesse de beaux fruits, abri des innocents,

Les oiseaux regardent la branche endolorie.

 

Dans la cour de l’école où le merle est en pleur

Les enfants sont rentrés, s’étonnent-ils du vide ?

Le sol est balayé, juste traîne une fleur

Le reste a disparu de ce goudron aride

 

Enfant, prend bien garde que l’on te fasse ainsi

Ce que l’on fait aux fleurs, ce qu’on fait à la plante,

Qu’on coupe ta racine et tes branches aussi ;

Tache de bien garder ton âme vigilante.

 

 

 

Cric crac, c’est tout et c’est une vraie histoire.