En vedette !

dimanche 29 décembre 2013

Chronique du temps exigu (92)

 « Le Veau d'Or est toujours debout !
On encense
Sa puissance,
D'un bout du monde à l'autre bout!
Pour fêter l'infâme idole
Roi et peuples confondus,
Au bruit sombre des écus,
Dansent une ronde folle
Autour de son piédestal!…
Et Satan conduit le bal! »[1]
Alors, demanderais-je, Satan conduit-il toujours le bal ? Ou quelqu’autre de ses suppôts affublé d’un faux nez le remplacerait-il ?
Eh bien oui, en effet. Lui qui, dans son jeune âge, se faisait fort d’être toujours sur la brèche, omniprésent lorsqu’il était question de tenter Saint Antoine par exemple ou quelques nonnettes et nonnains en désir de luxure, lui qui était toujours là où on ne l’attendait pas, lui qui se cachait dans les moindres détails délègue maintenant son autorité à conduire le bal.
Et qui donc a reçu ce noir privilège de représenter le malin auprès de nous autres frêles humains ? Qui donc est à même de tenir ce sombre rôle méphistophélique ? Un seul homme en est-il capable ? Un seul homme, non, en effet ! Mais un groupe, une caste, une secte diabolique ! Des extra-terrestres alors ? Des anges déchus tombés du ciel ? Que nenni ! Il s’agit seulement des épigones d’Adam Smith et de Ricardo, la secte des économistes.
On remarque que cette secte s’est véritablement constituée à l’époque où les monarchies absolues de droit divin tombèrent dans le déclin. Il y avait une place à prendre et le démon y a envoyé ses sbires afin de ne point permettre aux humains de se libérer du joug des puissants. Il fallait reprendre le flambeau de l’absolutisme et nul autre qu’un économiste ne pouvait être mieux placé pour faire tomber le peuple dans la résignation et la servitude volontaire.
Quand les rois disaient à leurs sujets : « Travaillez, payez la gabelle et taisez-vous ! », la cause était entendue, il fallait obéir. Aujourd’hui, les économistes nous disent : « Travaillez, travaillez, payez de la TVA et autres impôts, causez si vous voulez tu m’intéresses mais y’a plus rien en caisse ! »
Evidemment, il n’y a plus rien en caisse puisque les fameux économistes ont bien expliqué aux gros pleins de sous comment mettre le pognon à l’étranger. Car c’est cela, leur mondialisation : plus de frontières pour la grosse galette mais conservons les pays étrangers. Comme cela, les français mettent leurs sous en Belgique par exemple, les belges en Suisse, les allemands au Liechtenstein, les anglais aux îles Caïmans, les luxembourgeois…- tiens, ils mettent leur argent où ceux-là ? -, les suisses allemands chez les suisses francophones et ainsi de suite. Il y a donc toujours un pays étranger prêt à accueillir le pactole des autres pour peu qu’il puisse dire c’est pas moi c’est les autres, c’est le fric des autres mais nos caisses à nous sont vides !
On commence à voir par là pour quelles raisons nous tirons le diable par la queue.


[1] Faust, de Charles Gounod. Livret de Barbier et Carré, 1859.

dimanche 22 décembre 2013

Chronique du temps exigu (91)

« Il n’y rien de plus terrible qu’un feignant révolté ».
Et en effet on comprend qu’il est terrible pour tous les besogneux qui comptent leurs heures comme d’autres leurs sous, pour tous les traîne-savates qui vont au boulot en pensant que ça va comme un lundi et pour tous ces bosseurs à la petite semaine qui vont au labeur pour tromper leur ennui en attendant la retraite, il est terrible donc de voir le feignant se mettre à la tâche, faire en deux heures ce que d’autres ne feront jamais en vingt ans et fignoler l’ ouvrage en dépensant son temps sans compter les minutes, les semaines ou les années !
Car la conscience, disait Albert Camus, vient au jour avec la révolte et que peut-il y avoir de plus révoltant pour un feignant que de voir tous ces gâcheurs de métiers qui mâchonnent le travail comme une vache rumine son herbe, régurgitent ce qu’ils ne peuvent ingérer en éructations spumescentes et éjectent en bouses flatulentes le résultat de leur jobs merdiques. Que peut-il y avoir aussi de plus éprouvant que de voir le travail égrené à la seconde, à la minute, alors que la moindre des générosités est de s’y adonner avec fougue et sans calcul.
Etre feignant, c’est respecter la nature de l’homme qui n’est nullement fait pour s’évertuer à travailler alors que la vie est si belle lorsqu’on la regarde s’écouler en se laissant porter par son flot. Et s’il faut travailler, fichtre, que cela soit dans l’ardeur et l’enthousiasme !
Quand j’étais à l’école, j’eus l’heur de lire sur la couverture d’un cahier : «   Labor omnia vincit improbus » et la traduction que j’en fis me resta en mémoire : « le travail vainc les improbes ». Ignorant, car jeune encore, de ce que peuvent être les improbes, parfois moi-même traité de malprobe, je craignais donc à juste titre d’être vaincu par le labor en question et c’est là que ma vocation de feignant trouva sa source féconde puisqu’ensuite je poursuivis six ou sept années d’études en me gardant bien de les rattraper.
Cette phrase, je la connus il y a bien longtemps lorsque je me lançai dans le monde du travail. J’en ai presque fait ma devise et cette révolte m’a suivi tout au long de mon existence jusqu’à ce jour. Tel Saint-Georges terrassant le dragon, je me précipitai avec fougue sur le labeur afin de l’occire en combat singulier avant que ce ne soit lui qui m’abatte. Point de quartier avec cette hydre polycéphale !

On voit toutefois que si c’est une révolte, cela n’est pas une révolution.

dimanche 15 décembre 2013

Chronique du temps exigu (90)

« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ».
Lorsque Lamartine écrivait cela, il ne pensait pas que, plus de cent-cinquante années après, Nelson Mandela le démentirait.
En effet, il a suffi que sa disparition soit annoncée pour que l’on voie surgir de partout des personnages (que l’on avait parfois un peu oubliés) ayant leur mot à dire le concernant. Des présidents en exercice ou non, des ministres et des secrétaires d’Etat en activité ou potentiellement ministrables. On ne voit qu’eux sur les écrans et ils se précipitent vers l’Afrique du Sud pour se montrer dans le défilé des vertueux, des démocrates et des généreux.
Tous les pays n’ont pas la chance de faire mourir un grand homme régulièrement afin de créer cet unanimisme de façade qui fait tant plaisir à nos présentateurs de télévision. L’Afrique du Sud elle-même vient d’utiliser avec brio ce joker mais on peut penser que le successeur du grand homme reprendra ses activités conjugales, pharmaceutiques et politiques comme précédemment, dès que l’émotion collective sera retombée.
De nombreux pays de par le monde vivent en état de discorde récurrente. La Tunisie, l’Egypte, l’Ukraine par exemple mais aussi la France où, depuis l’instauration du quinquennat, la droite et la gauche se disputent le pouvoir, où la droite de la droite crie haro sur la droite quand elle est au pouvoir et aux chiottes la gauche quand elle est aux commandes, où la gauche de la gauche hurle à la mort sur la droite, sur la droite de la droite, sur la gauche, sur la gauche de la gauche de la gauche, que celles-ci soient ou non au pouvoir. Bien sûr, il n’y a pas partout des Mandela et, quoiqu'il en soit, ce dernier lui-même ne pouvait mourir qu’une seule fois mais tous ces pays pourraient étudier la possibilité de sacrifier de temps à autre un politicien sur l’autel de la réconciliation. Il ne manque pas de gens fort décriés dont on s’empresserait de faire, sinon des martyrs – gardons-nous de toute exagération –  tout au moins des héros antiques sitôt qu’ils seraient passés de vie à trépas. Et, en admettant qu’on craigne de se priver de l’élite pensante de la nation, on pourrait même proposer à l’un ou l’autre de faire comme l’un de nos anciens ministres de l’Intérieur qui, suivant un exemple célèbre, ressuscita et nous fit la surprise de revenir bon pour le service. On pourrait commencer par un essai, un ou une autre ancien(ne) ministre de l’Intérieur par exemple (suivez mon regard…) pour voir combien de temps peuvent durer les chœurs unanimes des chantres de la concorde post-mortem. En imaginant une durée de six mois (on chargerait les médias de diluer la sauce louangière), on pourrait s’accorder entre trois et six mois de latence pendant lesquels on reprendrait la discorde politique avant d’en immoler un ou une autre et de repartir pour six mois d’oraisons funèbres à la gloire du défunt.

On voit par là qu’accessoirement on résoudrait aussi et pour partie le problème du financement des retraites.

dimanche 8 décembre 2013

Chronique du temps exigu (89)

Le président-directeur-général d’une grande firme de construction automobile va partir à la retraite, plus ou moins poussé vers la sortie par les actionnaires. Néanmoins, il ne devait partir que les bras chargés de billets et surtout la tête couverte d’un chapeau doré. Cela est à la mode de nos jours, les riches dirigeants de grosses compagnies ne se déplacent plus sans retraite chapeau, sans parachute doré et sans toutes les précautions nécessaires à leur survie.
Comble de malchance pour ce pédégé, de sournois syndicalistes ont dénoncé ce personnage au moment où il pensait pouvoir passer la porte de l’entreprise nanti de son pactole couvre-chef. Il a donc déclaré qu’il acceptait de manger son chapeau et de sortir tête nue de l’entreprise. Gageons que les gestionnaires en place sauront l’aider à trouver les moyens de récupérer d’une main ce qu’il a repoussé de l’autre. Il ne manque pas d’artifices comptables permettant aux nantis de se promener les mains vides mais les poches pleines. A quoi bon avoir une comptabilité, si ce n’est pour qu’elle soit en partie double ?
Assez parlé des riches, parlons des autres. Quels autres ? Eh bien, ceux qui n’ont pas de chapeau, ceux qui partent avec une retraite slip, autrement appelée minimum vieillesse. En effet si les grossiums ont chaud à la tête, les minimums ont tendance à avoir froid aux fesses et le malheureux sous-vêtement qui leur est accordé par les caisses de retraite ne l’est pas dans un souci de protection ou de confort mais seulement de décence. Pour ne pas choquer les yeux de ceux qui ont tout, il faut cacher le cul de ceux qui ont peu. N’y a-t-il point de syndicalistes pour dénoncer cet état de fesses ? Car tout de même, si les pauvres montraient plus souvent leur cul, les riches en tomberaient sur le leur et cela ne serait pas rien.
Alors, tâchons de faire quelque chose pour les retraités modestes. L’autre jour, en remontant les Champs-Elysées en tandem avec l’amiral, je me suis surpris à faire du lèche-vitrine devant chez Zina, chapelier-fabricant bien connu. Il y avait des chapeaux de toutes sortes : des claques, des melons, des mous, des casquettes, des canotiers, des panamas, des képis, des calottes, des tricornes, des bicornes et autres sombreros. Mais mon attention fut attirée par un couvre-chef à la portée de toutes les bourses, une coiffure modeste, loin des orgueilleux couvre-chefs, bien nommés en cela. Non, cette coiffe discrète, quoique de bon goût, c’est le béret. Bon sang, mais c’est bien sûr, comment n’y avoir pas pensé plus tôt ? Le béret ne peut-il être le galurin du retraité modeste ? Il quitterait son entreprise nanti d’une retraite-béret, à chacun son couronnement ! Et c’est là que mon compère maritime intervint en faisant une proposition renversante : un vestiaire pourrait être installé à la frontière franco-helvétique, côté suisse bien sûr, et les retraités modestes seraient autorisés à s’en servir de temps à autre pour y mettre leur béret. Cela leur permettrait de dire qu’ils ont déposé leur retraite en Suisse. Cela serait valorisant pour eux et dans le vent.

On voit par là qu’il n’y aura pas de retraite sans Béret Zina.

dimanche 1 décembre 2013

Chronique du temps exigu (88)


« La fortune vient en dormant ».

Revenons encore sur l’époustouflante qualification de l’équipe de France pour le championnat qui aura lieu au Brésil. En effet, il s’est encore trouvé l’un ou l’autre expert pour prédire un effet favorable de cette prouesse sur notre économie nationale. Notons bien que si cela s’exprime par une hausse du produit intérieur brut (PIB), une catastrophe naturelle peut aussi avoir un impact positif sur ce même PIB dans la mesure où elle mobilisera des entreprises et générera des flux financiers. Le malheur des uns, en science économique bien comprise, fait le bonheur des autres.
Mais il faut bien dire que ce ne sont pas les vingt et quelques gugusses grassement payés pour jouer au ballon qui génèrent directement cette performance économique mais ce sont les milliers, les millions de travailleurs pantouflés accrochés à leur récepteur de télévision qui génèrent ce bonus. Tout cela par leur temps de cerveau disponible attribué à la chaîne number one de télédiffusion française, par leur disposition à ingurgiter des aliments et des boissons, par leur capacité à acheter, au comptant ou à crédit, des récepteurs et en fin de compte par leur intuition foudroyante qui leur permet de bousculer les lois de probabilités en faisant bondir les recettes des paris en ligne.
Ce sont donc bien nos sportifs en savates qui sont le fer de lance de notre économie, ce sont eux qui portent haut l’étendard de la croissance, délaissant le marteau et la faucille pour la canette et la pizza. Ce sont les ferments (burp !) de l’unité nationale et là où les politiques n’arrivent pas à marquer de la tête, là où les footballeurs n’arrivent pas à marquer du pied, les sportifs de canapé marquent des points avec leurs fesses. Cela est admirable et la réussite de notre pays est au fond des braies de nos gaulois en charentaises, toujours prêts à profiter des temps de publicité pour se rendre au petit coin : pour eux PIB ne signifie plus Produit Intérieur Brut mais seulement Pisser/Ingurgiter/Boire !
Gloire à ceux qui du fond de leurs divans et au fond de leurs cuvettes font ainsi prospérer notre économie !


On voit par là que la fortune vient aussi en foutant.

dimanche 24 novembre 2013

Chronique du temps exigu (87)


Le sport serait, paraît-il, bon pour la santé. On peut le croire, tout au moins pour ce qui concerne la santé physique. Pour ce qui est de la santé mentale, on manque cruellement de statistiques.
Le sport serait aussi, paraît-il toujours, bon pour l’économie. C’est en tout cas ce que prétendent de distingués spécialistes de la chose pour qui une défaite de l’équipe de France de football se traduirait par 1,5 point de PIB en moins. Chiffre d’une simplicité merveilleuse pour qui ne sait pas que le PIB est une invention fictive et subjective d’économistes imaginatifs. Une défaite de cette équipe mettrait en péril, toujours d’après les experts, les recettes de la première chaîne de télévision française (première par le numéro…), celles des vendeurs de récepteurs de télévision, des cafés et des marchands de pizzas ainsi que celles des paris en ligne.
Mais alors, me direz-vous avec cette acuité intellectuelle qui est la vôtre, rien que des bonnes nouvelles ! Un monde sans TF1, sans télévisions, sans bistros sportifs, sans pizzas décathloniennes et sans paris en ligne ne serait-il pas béni des dieux ? Certes, je vous le concède, vous avez bien raison. Toutefois, et cela n’est pas rien, nous nous verrions privés d’un fait culturel irremplaçable et sans égal : la poésie sportive.
Les médias regorgent d’aèdes chantant les mérites (et démérites) de nos athlètes nationaux. Car que serait un athlète qui ne serait point national ? A peine un gymnaste solitaire. Il ne manque pas de nouveaux Pindare pour célébrer la beauté et la hardiesse des gladiateurs modernes. Et c’est toute une génération spontanée de chantres qui, par le dithyrambe ou la tragédie, mettent en musique les exploits ou les déconfitures des Milon de Crotone ou des Léonidas de Rhodes des temps nouveaux. La poésie sportive est à la poésie ce que le gémie est au talent : le sport est l’étincelle qui fait briller les muses dans le ciel du Parnasse !
Aussi, je vous livre un extrait de ma lecture de la presse locale, dans les pages « Sports » des DNA du 19 novembre:
« S’ils veulent éviter des funérailles nationales à seulement quelques encablures de la nécropole des Rois de France, Z.[1] et ses partenaires vont devoir ressusciter un authentique état d’esprit. Et c’est bien là que se situe le problème. Là que se nouent les fils de l’inquiétude entourant cet ultime rendez-vous censé propulser les XWV [2] vers le Brésil.
Saint-Denis, cité de la peur aux murs tapissés d’angoisse et de tension où Y.[3] et sa bande sont invités à sortir la décolleuse à papier-peint. »
C’est beau comme du Bossuet, comme du Malraux, comme du Drucker ! L’alliance sacrée du luth et de la lutte…
On voit par là que, si la défaite a un coût, la victoire est impayable.




[1] [1] Pour préserver l’anonymat des personnages, les initiales ont été changées, cette chronique étant écrite avant le match fatidique et crucial.
[2] Voir note précédente.
[3] Voir note précédente.

dimanche 17 novembre 2013

Chronique du temps exigu (86)

« Les nations, comme les hommes, meurent d’imperceptibles impolitesses. »

C’est une phrase de Jean Giraudoux dans « La guerre de Troie n’aura pas lieu » et l’on comprend que depuis cette époque, nos nations n’en finissent pas d’agoniser.
De nos jours, nombreux sont ceux qui s’emploient à accélérer cette agonie et l’on voit dans le milieu politique des élus qui, à force de ne plus respecter l’autre, ne se respectent même plus eux-mêmes. Ils parlent d’identité quand la leur est plus souillée de leurs excréments verbeux que le fond d’une fosse à fumier. Et, sans barguigner, les journalistes leur emboîtent le pas. Non seulement un journal d’extrême-crasse dont on a pu penser qu’après l’avoir lu on avait la nausée et les mains sales mais encore les journaux et médias sans opinion particulière qui professent une objectivité imaginaire et se targuent de compétences invérifiables.
L’on entend souvent dire que les jeunes d’aujourd’hui… les français non de souche… sont responsables d’incivilités et même de délinquance. Mais regardons en face les responsables de la nation, à quelque niveau que ce soit : bon nombre d’entre eux ont autant de mépris pour leurs administrés que pour eux-mêmes. Et ce mépris transpire par tous les pores de leurs peaux tavelées par l’impéritie. Tant que ces petits ou grands bourgeois bouffis et insolents ne se repentiront pas, tant qu’ils ne changeront pas, tant que l’on n’en changera pas, il y aura de la délinquance et des incivilités. Ils donnent l’exemple, ils montrent la voie, et après cela ils pleurent sur le manque de rigueur de la Justice alors que c’est eux qui devraient croupir de temps à autre dans les geôles de la république, république dont ils chantent les valeurs qu’ils foulent allègrement aux pieds.
Alors, tous pourris ? Je n’ai pas dit cela mais j’ai dit qu’il faut regarder les choses en face. Ces comédiens qui crachent au plafond et s’émeuvent ensuite de la pluie qui en résulte sont les vrais étrangers en situation illégale dans notre pays : ils en méconnaissent la culture, les valeurs et les idéaux historiques.

On voit par là que l’immigration nous vient de l’intérieur.

dimanche 10 novembre 2013

Chronique du temps exigu (85)

« Tous les glands ne font pas des chênes. » (Proverbe bigourdien)
Je dirais même plus : loin s’en faut, nous en voyons les preuves tous les jours. En effet, si tous les glands devenaient des chênes, bien des villes, des villages et des hameaux seraient déjà d’épaisses forêts. Et cela produirait bien plus de glands encore alors que notre monde en est déjà largement pourvu. Toutefois, cela ne les empêche pas de se reproduire entre eux et comme le dit très justement l’adage latin : glandus glandum prolificat.
Peu nombreux sont celles et ceux qui peuvent me dire que nous avons gardé les cochons ensemble car, lorsque je gardais les cochons, j’étais souvent bien seul et j’avais beaucoup de mal à leur faire réintégrer leur logis. Mais une chose est certaine, c’est qu’une truie, un verrat ou un porcelet qui arrive à passer sous un chêne à l’automne y reste un bon bout de temps afin de se repaître de ses fruit. Mais rappelons que les pourceaux ne sont pas vraiment à l’affût de nourritures intellectuelles.
Néanmoins, si ce fruit est un délice pour les uns, le gland à deux pattes est totalement immangeable et même nuisible pour la santé. Vous le trouvez accroché à un écran de télévision, dans les stades, faisant la file devant un fast-food,  au milieu des routes avec son camping-car ou son rutilant 4X4, pérorant ici ou là, toujours sans esprit et sans grâce. Il y a le gland républicain, le gland souverainiste, le gland syndicaliste, le gland laïc, le gland prosélyte aussi et cette liste n’est guère exhaustive car le gland est international, contagieux et autosuffisant. Le gland à deux pattes, c’est l’impasse de l’évolution, le chagrin des dieux et la tristesse de l’intelligence. Pourrissant au sol, il ne devient pas terreau mais contamine tout ce qui l’entoure et sa descendance est ravagée par la conglandinité, Et pourtant, il y en a qui osent prétendre qu’on ne naît pas gland mais qu’on le devient !


On voit par là que plus c’est gland, plus c’est bête.

dimanche 3 novembre 2013

Chronique du temps exigu (84)

 Ce dimanche, j’avais préparé  une chronique dans le style un peu désabusé, le genre de billet qui, élaboré dans un délire obsidional, sort tout droit de la barbacane de ma web-citadelle. Toutefois l’arrivée des gracieuses chanterelles d’automne m’a détourné de ces basses préoccupations. Elles se dissimulent au creux des mousses, sous le couvert des fougères, discrètes dans leur brun légèrement foncé mais leur pied, à la cueillette apparaît d’un jaune brillant. Elles poussent en bandes buissonnières et étirées, parfois planquées à l’ombre d’un tout jeune arbre, au creux des souches et près des bois en décomposition qui nourrissent la terre des forêts. Tôt le matin, elles émergent du couvert de feuilles, au son du travail assidu du pic-vert et quand biches et chevreuil tendent le mufle haletant vers les fourrés au creux desquels ils passeront la journée.
De même, les noires trompettes de la mort, au nom si redoutable mais au goût si agréable, garnissent le pied des hêtres et ouvrent leur sombre corolle en attendant le ramasseur éclectique et gyrovague qui viendra les saluer et les inviter à partager sa table. Elles se mangent fraîches, en omelettes ou en sauce mais aussi on peut les faire sécher sur une clayette ou suspendues en élégantes guirlandes, enfilées à la suite par le pied et tête en bas. Quant à l’éclatant lactaire sanguin, il vient en taches serrées étendre ses corolles au bord des chemins, comme pour tenter le promeneur.

Et enfin, ici ou là, une fluorescente girolle se montre encore, quelque pied-de-mouton au revers de velours, un ou l’autre bolet, cèpe ou gracieux clitocybe surgissent à nos pieds.

On verra la semaine prochaine que le champignon n’est pas le plus vénéneux des hôtes de nos bois.

dimanche 27 octobre 2013

Chronique du temps exigu (83)

Le changement c’est maintenant et le changement d’heure c’est aujourd’hui !

Tout de même, on nous prend une heure le 31 mars à 2 heures et on nous la rend le 27 octobre à 3 heures ! Subrepticement donc, pendant notre sommeil du juste et sans aucun intérêt quelques 210 jours plus tard. Voilà une heure dont nous avons été privé(e)s pendant environ 7 mois et qui nous est restituée sans tenir compte de l’inflation et de l’augmentation du coût de la vie. Soyez certain(e)s que si je prenais ne fût-ce qu’une seule seconde de trop à mon banquier il ne me l’accorderait que moyennant intérêt et au taux de l’usure du temps…
Aussi, en guise de protestation, cette chronique vous a été livrée à trois heures du matin pour prouver que la maison ne recule devant aucun sacrifice. Et j’en profiterai pour parler du savant professeur Papillon qui nous propose une intéressante variation sur le thème du changement d’heure.
En effet, me dit ce dernier, qu’est-ce qui justifie ce changement d’heure, selon ses thuriféraires ? Tout simplement une économie d’énergie pendant l’été. Mais alors, ne pourrait-on amplifier cette économie en voyant les choses en grand ? Pourquoi décaler d’une heure seulement quand on peut, d’un simple coup de balancier faire bien plus ?
Bien sûr, poursuivit Papillon, j’entends déjà d’aucuns s’écrier : « Disons qu’il fait jour à minuit et nuit à midi, allons-y gaiement, inversons le sablier et décalons nous de douze heures ! » Alors là, je dis non, restons dans le discours de la science et soyons sourds aux objurgations de ces poètes pendulaires. Il ne suffit pas de dire pile quand c’est face et inversement, la science ne se contente pas de telles simplifications. La science veut des chiffres qui soient des chiffres. Avançons donc nos horloges de onze heures environ. Et ne nous contentons pas de sept mois mais changeons l’heure toute l’année sauf en périodes de vacances, inutile de faire des économies quand l’on n’a pas besoin d’en faire, que diantre !
Bien sûr, reprit Papillon, j’entends déjà d’autres s’exclamer : « Mais les vacances sont pour bonne partie prises en été et pour celles d’automne, de printemps et d’hiver, n’en parlons pas car avec l’étalement académique, on a parfois l’impression qu’il y a toujours quelqu’un en congé pendant ces trois saisons ! » Alors là, je dis oui, ils ont bien raison mais vous savez comment sont les électeurs, il faut toujours les préparer en douceur aux grandes réformes. Mettons celle-ci officiellement en place, le changement sera donc peu perceptible quoique décidé. Mais il provoquera un choc d’inutilité qui ne pourra qu’être favorable à la reprise de la croissance et notre président en reprendra un bout pour son petit déjeuner.

On voit par là que l’heure est grave mais que les temps sont brefs.

dimanche 20 octobre 2013

Chronique du temps exigu (82)

Celui qui parle ne sait pas, celui qui sait ne parle pas.

Ce proverbe est attribué à Lao-Tseu qui vécut près de 500 années avant le début de notre ère et il est étonnant de voir, tout au moins pour la première partie, comme nos contemporains sont proches de ceux de l’auteur du Tao-Tö-King. En effet, ils sont nombreux ceux qui, de nos jours, parlent sans savoir. Je ne pense bien sûr pas à nous qui savons savoir et savons parler (cela ne ferait-il pas beaucoup de savons ?) mais à tous ces autres qui, bégayant, bafouillant, blablatant, babelant et broubelant tiennent le haut du crachoir et parlent pour ne rien dire. Et en ces temps de pré-campagne pour les élections municipales, on en entend sortir de la sentine où ils grouillaient comme des cafards. Mais nous aurons certainement l’occasion d’en reparler.
Donc, reconnaissons qu’il y a des moments où il vaut mieux se mordre la langue et laisser pérorer les couillons car il ne servirait à rien de tenter de leur expliquer leurs erreurs. Notre époque est fertile, par exemple, en économistes du café du commerce, en psychologues de bazar, en architectes de comptoir et en beaux parleurs de tous genres aptes à faire passer des vessies pour des lanternes.
Si, par exemple, vous êtes maçon de métier, ne le dites surtout pas car vous aurez toujours en face de vous quelque gugusse qui a construit sa maison et qui aura la certitude de vous apprendre le b a ba autant que l’alpha et l’oméga de ce métier. Celui qui a construit une ou deux maisons - ou fait construire - n’a nul doute sur quoique ce soit. Celui qui, de par son métier, en a construit une ou plusieurs centaines sait qu’il y a toujours à apprendre, que son savoir est toujours à améliorer et qu’il faut toujours écouter plutôt qu’affirmer : il peut arriver que, telle une perle dans l’huître, un imbécile dise une chose intelligente. Parfois à son corps défendant mais l’humanité est ainsi faite.

On voit par là qu’il faut être patient pour enfiler des perles.

dimanche 13 octobre 2013

Chronique du temps exigu (81)

« Parlez-moi de la pluie et non pas du beau temps
Le beau temps me dégoute et m'fait grincer les dents
Le bel azur me met en rage »

Qu’est-ce que le beau temps ? Et qu’est-ce donc que le mauvais temps ? D’après ce qu’en disait le renard du désert, le mauvais temps, c’est du temps qui dure…
Mais quand les temps sont durs, qu’est-ce que du temps qui dure ? Le temps paraît bien long quand il fait mauvais et comme le temps passe quand il fait beau. Tant et si bien que le t’en fais pas et que le temps t’accule. Pourquoi entend-on si rarement dire : « il fait beau » lorsqu’enfin il pleut après des semaines de sécheresse et qu’enfin les prés reverdissent, les ruisseaux coulent et les champignons  poussent dans les bois. Pourquoi entend-on les bureaucrates bronzant en vacances dire : « quel beau temps » tandis que l’ouvrier peine depuis des jours avec sa pioche en plein soleil ? Pourquoi entend-on dire : « quel sale temps » alors que l’on pourrait chanter sous la pluie en poussant de pleines brouettes de terre gluante ?
Disons aussi que tout ce qui qualifie le temps est souvent sujet à caution : qu’est-ce donc que le gros temps alors qu’on n’entend jamais dire : « il fait mince temps » ? Et que sont donc de larges éclaircies quand il y en a rarement d’étroites ? Qu’est-ce donc qu’un temps de chien alors que nul nuage n’aboie ? Et un froid de canard  ne serait-il pas tout simplement une déformation de foie de canard (que l’on mange au nouvel-an…) ? Et un temps de cochon, serait-ce quand la pluie a tout des truies ?
Non, en vérité, le mauvais temps, c’est le temps des grincheux, des pisse-froid, des cacochymes et autres amputés du cœur. Le beau temps, c’est le temps qu’il fait lorsque l’on a bon caractère. C’est le temps qui vient, c’est le temps qui passe, le temps de la valse à mille temps. C’est le temps auquel on donne du temps sans pour autant tenter de le retenir. C’est le bon vieux temps qui rajeunit chaque fois qu’on sourit, le temps des cerises, le temps de l’imparfait, du conditionnel, le temps du futur et le temps de l’éternité (tiens, tiens…).
« Cau prénguer lo temps coma veng,
Las gents coma son,
L’argent au cors
E sera muros. »[1]
On voit par là qu’on n’a plus le temps d’en perdre : prenons du bon temps !




[1] « Il faut prendre le temps comme il vient,/ Les gens comme ils sont,/ L’argent au cours,/Et nous serons heureux. » Georges Boué, "Mon ami Pierre".

dimanche 6 octobre 2013

Chronique du temps exigu (80):




Se soigner va-t-il devenir un luxe pour les français ?
Voilà une question à laquelle, faute de pouvoir vous donner moi-même une réponse, je laisserai répondre le bon docteur V. Ce dernier, dont j’ai parlé dans ma 33ème chronique en date du 11 novembre 2012, soigne les êtres vivants par les plantes. Par les plantes des pieds, avais-je précisé alors.
Voilà donc ce que me déclarait en substance ce bon docteur : se soigner est en effet un luxe, un des seuls que peuvent se permettre les malades qu’ils soient imaginaires ou non. Et si pour eux se soigner est un luxe, guérir est parfois une nécessité. Parfois, dit-il, car une guérison rapide n’est pas toujours souhaitable en particulier pour un certain nombre de salariés dont la couverture sociale exige qu’ils soient malades un nombre de jours convenables pour justifier une prise en charge par la sécurité sociale. Après une telle phrase sans ponctuation, le docteur reprit son souffle et un spray de vanitoline puis poursuivit. En effet, la « sécu » n’est pas faite pour les chiens, cela se saurait dans le milieu vétérinaire, et les indemnités journalières se conjuguent toujours au pluriel. Il n’y a que les travailleurs indépendants qui aient vraiment le droit de guérir vite et dans les meilleurs délais.
Mais revenons à nos boutons de varicelle et rappelons donc que si se soigner est un luxe et guérir une nécessité, prendre soin de soi est la moindre des choses. Car, disons le en toute sincérité et c’est toujours le docteur V. qui parle, qui se soigne commence bien souvent par soigner le portefeuille des autres. Que deviendraient les soignants sans malades ? Seraient-ils obligés de se guérir eux-mêmes, d’inventer des maladies nouvelles et aux noms extraordinaires ? Ou, pire encore s’ils se trouvaient sans activité aucune, devraient-ils se convertir à la fonction publique ?
Donc, récapitula-t-il, se soigner est un luxe utile pour les autres. Guérir est une nécessité pour les malades. Prendre soin de soi est un plaisir et une volupté. Câlinons-nous, chérissons-nous,  soyons bons pour nous-mêmes, pour les autres et réciproquement. Et surtout évitons la maladie comme la peste !
On voit par là qu’en revenant à nos moutons, le suint n’est jamais bien loin.

mardi 1 octobre 2013

Chronique du temps exigu (79)




L’anglais est une langue en voie de disparition, contrairement à bien des idées reçues. Non que ses locuteurs disparaissent mais parce que ces derniers abandonnent progressivement ce parler en usage non seulement outre-manche mais encore dans bien d’autres régions du monde.
George-Bernard Shaw disait que, de toutes les langues, l’anglaise est la plus facile à mal parler et, comme à son époque le net n’existait pas encore, il ne pensait pas si bien dire. En effet, voyez ces extraordinaires sabirs que l’on découvre au fil des pages virtuelles de nos écrans, tous ces acronymes dont quelquefois nul ne sait plus à quoi ils renvoient, tous ces raccourcis et ces crases dont bien des gens savent qu’ils ignorent ce qu’ils veulent dire… vous me direz que bien des langues en sont là.
Mais ce qu’il arrive à la langue anglaise est terrible car elle est victime de son succès : après avoir traversé, par tous moyens appropriés, l’océan atlantique, elle s’est américanisée. Reconnaissons que cela lui a permis de s’enrichir de quelques écrivains de qualité mais aussi elle a été asservie aux nécessités de l’informatique. Ainsi qu’une tache d’huile, la langue des computers a envahi la quasi-totalité du monde et moult locuteurs précédemment non anglophones se sont mis à baragouiner cet idiome à leurs façons, créant de la sorte des pidgins surprenants. On n’est désormais pas loin de cet espéranto et volapük intégrés dont se gaussait le premier président de notre Cinquième République.
On ne peut toutefois pas affirmer, comme je le disais en commençant, que la langue anglaise soit en voie de disparition, le mot est un peu fort ; elle est plutôt en voie de dissolution et finira par se dissoudre en se répandant. Nous n’entendrons plus mugir dans nos campagnes ces voraces anglois, Lewis Carroll n’en eût pas été surpris et Shakespeare pourra enfin se retourner dans sa tombe… my kingdom for a worse !
On voit par là que la langue française n’a guère de souci à se faire.

dimanche 22 septembre 2013

Chronique du temps exigu (78)



Chronique du temps exigu (78):
Profitons de la date pour, en toute paresse, nous reposer avec les paroles de cette chanson de Georges Brassens :
Un vingt et deux septembre au diable vous partîtes,
Et, depuis, chaque année, à la date susdite,
Je mouillais mon mouchoir en souvenir de vous...
Or, nous y revoilà, mais je reste de pierre,
Plus une seule larme à me mettre aux paupières :
Le vingt et deux septembre, aujourd'hui, je m'en fous.

On ne reverra plus, au temps des feuilles mortes,
Cette âme en peine qui me ressemble et qui porte
Le deuil de chaque feuille en souvenir de vous...
Que le brave Prévert et ses escargots veuillent
Bien se passer de moi et pour enterrer les feuilles :
Le vingt-e-deux septembre, aujourd'hui, je m'en fous.

Jadis, ouvrant mes bras comme une paire d'ailes,
Je montais jusqu'au ciel pour suivre l'hirondelle
Et me rompais les os en souvenir de vous...
Le complexe d'Icare à présent m'abandonne,
L'hirondelle en partant ne fera plus l'automne :
Le vingt et deux septembre, aujourd'hui, je m'en fous.

Pieusement noué d'un bout de vos dentelles,
J'avais, sur ma fenêtre, un bouquet d'immortelles
Que j'arrosais de pleurs en souvenir de vous...
Je m'en vais les offrir au premier mort qui passe,
Les regrets éternels à présent me dépassent :

Le vingt et deux septembre, aujourd'hui, je m'en fous.


Désormais, le petit bout de cœur qui me reste
Ne traversera plus l'équinoxe funeste
En battant la breloque en souvenir de vous...
Il a craché sa flamme et ses cendres s'éteignent,
A peine y pourrait-on rôtir quatre châtaignes :
Le vingt et deux septembre, aujourd'hui, je m'en fous.

Et c'est triste de n'être plus triste sans vous

dimanche 15 septembre 2013

Chronique du temps exigu (77)



La démocratie est faite pour l’homme, mais celui-ci n’est pas fait pour celle-là. Le 11 septembre 1973, l’armée prend le pouvoir au Chili, avec l’aval, l’aide peut-être, de la plus grande démocratie occidentale.
Au nom de quoi une grande démocratie peut-elle soutenir et aider des militaires à torturer, violer, tuer ? Au nom de quoi peut-elle faire perdurer un gouvernement non élu et installé par la force ? Au nom, tout simplement, du réalisme économique. La démocratie, c’est bon pour les pays riches, pas pour les latinos, faut pas rigoler tout de même !
Donc, réfléchissons : dans les pays riches, occidentaux et bien-pensants, on accepte la dictature des puissances d’argent pourvu qu’ils arrosent suffisamment une classe moyenne aveugle, égoïste et auto satisfaite (quoique toujours prête  à vilipender avec à propos et du bout des lèvres les financiers véreux…) qui fait le terreau dans lequel poussent les roses urticantes d’un libéralisme économique rayonnant. Pour ce qui est des autres pays, on est bien content d’accepter des dictateurs qui font travailler non seulement les marchands d’armes mais aussi leurs employés qui ne se soucient guère des conséquences de l’utilisation de leur fabrication. Évidemment, un ouvrier dans une fromagerie peut être moins inquiet des retombées d’un fromage, même bien fait et coulant, sur les populations environnantes.
Bien sûr, dans les pays dits riches, tous les habitants ne sont pas riches ni ne font partie de la classe dite moyenne. Mais tous ont le droit d’avaler les couleuvres que leur distillent à gros bouillons les chaînes, payantes ou non, de radio et de télévision ; tous ont la possibilité d’entendre, sinon d’écouter, les passionnantes analyses politiques et économiques des experts consanguins et écholaliques du petit monde de la communication audiovisuelle ; tous ont accès à la potion magique des discours des politiciens de toutes farines. C’est cela la démocratie moderne, une amère potion concoctée sur le dos des pays qui n’y ont pas droit. Une tisane lénifiante pour les électeurs des pays riches et une purge, un bouillon d’onze heures pour les autres.
 Voilà ce que Platon écrit : « …à mon avis, la démocratie s’établit quand les pauvres, victorieux de leurs ennemis, massacrent les uns, bannissent les autres et partagent également avec ceux  qui restent le gouvernement et les magistratures ; le plus souvent même les magistratures y sont tirées au sort. » (Platon, La République)
On voit par là que, bien des années après, la démocratie n’est plus ce qu’elle aurait pu être.

dimanche 8 septembre 2013

Chronique du temps exigu (76)






L’on parle bien souvent de sujets peu réjouissants : les trains qui n’arrivent pas à l’heure, les impôts qui augmentent, la croissance exponentielle du nombre de sots et de peigne-cul, j’en passe et des pires… autrement dit, les sujets qui fâchent !
Alors, nous parlerons aujourd’hui d’un sujet réjouissant. J’utilise le « nous » non dans un sens majestatif comme le font les souverains mais dans le sens confidentiel, à savoir de vous à nous… pardon, de vous à moi.
Et, au titre de ces sujets, pourquoi ne pas parler de lectures qui font plaisir et que je vous ferais découvrir si ce n’est déjà chose faite. Sur le simple ton du commentaire personnel et subjectif.
Je viens de lire « Verdines » de Pascale Madeleine [1] et j’ai aimé ce livre qui raconte le voyage d’une vie, le retour de Livia dans une Transylvanie mythique où vivaient ses ancêtres roms et où elle pense retrouver sa mère qui l’a abandonnée après l’incendie où mourut son mari, le père de Livia. Contrainte par la misère, la maladie les lois… et les normes qui font de ces hommes et de ces femmes que l’on nomme roms, tziganes, bohémiens ou romanichels des réprouvés dont nul ne veut. Peut-on dire qu’elle cherche ses racines alors que ces gens sont sans terre ? Je préfère dire un retour aux sources, aux sources de ce peuple sans cesse refoulé mais jamais endigué comme une eau vive qui toujours ruisselle et s’échappe. Les nomades, comme les rois, les voleurs et les poètes, ne sont jamais de nulle part et c’est pour cela qu’ils sont partout chez eux.
C’est la danse et la musique qui ont mis Livia sur la voie, c’est avec un guitariste qu’elle continuera son voyage et elle trouvera sa source après avoir traversé les Carpates.
L’histoire collective et le destin personnel sont racontés en évitant le misérabilisme, avec ce qu’il faut pour donner de la vie aux personnages du roman et de la réalité au récit.
L’écriture alerte convie au voyage et la fin, ouverte et fermée comme une énigme, comme la vie, la vraie.
Et le titre « Verdines », joli titre qui évoque ces roulottes nomades et par lequel j’ai appris ce mot que j’ignorais. Et que mon dictionnaire numérique ne connaissait pas plus…
Rescapé du naufrage des Éditions Kirographaires, ce livre est en vente chez l’auteure[2].





[1] « Verdines » de Pascale Madeleine, Editions Kirographaires, juillet 2012)
[2] pascale.madeleine@yahoo.fr - 10 € frais de port offerts.

dimanche 1 septembre 2013

Chronique du temps exigu (75)




C‘est les vacances, c’est la transhumance, les journaux télévisés s’en donnent à cœur joie et abreuvent leurs sillons d’embouteillages, de bouchons routiers et de prévisions bison futé/grenouille rusée. L’on peut admirer des interviouves de gugusses aux orteils aérés, exhibant des mollets gracieux et des commentaires frisant le haut des pâquerettes.
Des hordes de burgondes, de bataves, d’éburons, de séquanais, de ménapiens, de goths, de vikings et autres tribus motorisées se pressent aux péages autoroutiers en vue d’envahir un sud mythique. Tout ce qui existe au soleil, tout ce qui représente un embryon de culture folklorique, tout ce qui fabrique de quoi empiffrer et abreuver le genre humain, tout ce qui permet de soulager vessies et boyaux est pris d’assaut dans toutes les langues. Les aires d’autoroutes, véritables tours de Babel, deviennent pour un temps les nouveaux forums d’une république des mollets en goguette.
Puis, voilà la rentrée avec son traditionnel embouteillage de caddies le long des gondoles à cahiers, à cartables et à stylos. Les mêmes gugusses, en version femelle de préférence, ont à nouveau la parole sur les ondes télévisuelles.
Les mêmes, ou à quelque chose près, sont sélectionnés pour exprimer qu’ils en ont marre. Car l’on n’interviouve que ceux qui en ont marre de quelque chose, les autres sont sans intérêt. Et il est merveilleux de voir à quel point l’on trouve des couillons prêts à dire qu’ils en ont marre de quelque chose : ils en ont marre du temps, de la pluie ou du soleil ; ils en ont marre des bouchons, des péages ou des aires d’autoroutes ; ils en ont marre de la vie chère, de la chère vie, des cahiers, des gommes et des caddies dont la quatrième roue tourne quand cela lui chante. Des sinistrés intellectuels on en trouve toujours et ils sont toujours prêts à vomir leur sinistre sur les écrans. Ce n’est vraiment pas parce que l’on n’a rien à dire qu’il faut se taire.
Tant qu’il y aura des gugusses, il y aura de la télé…

dimanche 25 août 2013

Chronique du temps exigu (74)




Le monde est petit…
Ainsi parlait Sara Toussetra, commerçante et philosophe urbaine. En effet, en vacances dans la Creuse, voilà qu’elle est tombée nez à nez avec la fille du cousin de sa concierge à la foire à la citrouille de Cucugnac sur Bouze. Bien sûr, comme le disait M. Perrichon : « Que l’homme est petit quand on le contemple du haut de la mère de Glace ! » mais que le monde est petit lorsque les mêmes gens se pressent autour d’une citrouille.
Cette courte phrase me donna l’idée de lire le journal éponyme, grand journal du soir dont la face cachée fut dévoilée il y a quelques années. Pour la saint Hyacinthe, ce journal a publié le numéro 100 de son supplément avec, en couverture, une photo du créateur de SAS accompagnée en pages intérieures d’un article sur le dit créateur. Je fus, dans ma jeunesse, un lecteur sinon assidu, du moins attentif, d’une vingtaine d’opus de ce romancier. On se lasse même des meilleures choses et la répétition roman après roman des mêmes mécanismes guerriers et sexuels fit que je passai à d’autres lectures. J’avoue avoir préféré dans un genre un peu différent genre les aventures de San-Antonio, c’était un garçon d’une verve infinie, d’une fantaisie exquise comme aurait pu dire Hamlet.
Revenons à notre romancier. Ses romans sont depuis des décennies en tête de gondole des relais de gare et figurent en bonne place dans bien des maisons de la presse et autres, plus de cent millions d’exemplaires ont été vendus. On pourrait penser que le père de ce héros récurrent est heureux de son succès. Que non pas ! Il souffrirait, d’après les auteurs de l’article, d’un manque de reconnaissance… Alors là, les bras m’en tombent et je ne résiste pas une fois de plus, avec cette immodestie qui est mienne, à m’auto-citer : « Mais aujourd’hui, il n’y a plus vainqueurs ni vaincus, il n’y a plus que des victimes. Il n’est plus nécessaire de se battre pour vaincre, il suffit de savoir se faire plaindre. » (Chronique du 7 juillet 2013). Et le journaliste de s’en donner à cœur joie, de passer la brosse à reluire sur ce Nostradamus des temps modernes et de plaindre ce pauvre hère. Quelques bémols ici ou là, manière de montrer qu’on est qu’à moitié dupe.
Bon, ils font leur sauce américaine à leur goût mais était-il utile de citer le triste mot de ce romancier au sujet de Jonathan Littell, l’auteur des Bienveillantes, roman que l’auteur de SAS aurait été bien en peine d’écrire car il se situe dans une qualité littéraire, une morale et une psychologie étrangères à l’univers de SAS et de son auteur ? Je ne citerai pas ce triste mot, pas plus que celui que j’aurais pu faire en retour, je n’ai aucun plaisir à vider les sentines de la presse écrite.
Le monde est petit en effet et on voit par là que les nouveaux bien-pensants ne verront pas la fin du monde.

dimanche 18 août 2013

Chronique du temps exigu (73)


Pendant que d’autres sont en vacances, il en est qui travaillent et, parmi ceux-ci, notre premier ministre qui est allé visiter un chantier afin de montrer qu’il se soucie de la pénibilité au travail, casque jaune sur le chef et accompagné d’éminents spécialistes. Un peu paresseux en ce mois d’août, je me permets de vous resservir ma 34ème chronique du 18 novembre 2012 qui reste d’une brûlante actualité :
« La pénibilité au travail, on en parle et on en reparle mais qu’en sait-on réellement ?
Il y a quelques années de cela, l’expression est devenue à la mode dans les milieux que j’appellerais compétents, à savoir les représentants du patronat, les syndicats, les spécialistes du ministère du travail et chez les politiciens. La liste n’en est pas exhaustive.
Donc, pendant que d’aucuns bossaient dur, d’autres parlaient de pénibilité au travail sans toujours savoir de quoi ils parlaient. Je n’ai pas dit qu’ils ne savaient pas ce qu’ils disaient car les gens compétents savent toujours ce qu’ils disent. Cela n’est pas pour autant qu’ils savent de quoi ils parlent. Mais ils sont dans les milieux autorisés et généralement bien informés, ainsi que le dirait un journaliste moyen.
Or, une personne compétente et qui sait ce qu’elle dit a parfois une étincelle de lucidité qui lui fait comprendre qu’elle ignore un peu de quoi elle parle. Donc, dans les milieux compétents, on a jugé nécessaire d’aller sur le terrain pour recueillir des informations sur la pénibilité au travail. Un corps d’inspecteurs de la pénibilité au travail a donc été créé dans ce but. Hélas, ces personnels étaient formés au travail de la fonction publique et n’étaient nullement préparés à affronter la pénibilité réelle au travail. Ce fut une hécatombe, à juste titre, car la centaine de ces inspecteurs envoyée sur le terrain a disparu corps et biens, les uns purement et simplement détruits par le travail, Moloch insatiable, les autres brutalement happés par la retraite anticipée, hydre aux mille têtes.
Il fallut bien se rendre à l’évidence, on n'y arriverait pas ainsi. On choisit alors un certain nombre d’ouvriers et d’ouvrières travaillant dans des conditions sordides, bruyantes et dures. On leur proposa la possibilité de partir plus tôt à la retraite mais, fort avisés, celles-ci et ceux-ci refusèrent cette proposition. Non qu’ils fussent désireux de continuer à travailler dans des conditions pénibles mais parce qu’ils et elles préféraient encore leur maigre salaire, même pour un labeur pénible, à leur encore plus mince retraite.
Cela ne perturba pas l’aréopage de têtes pensantes des milieux compétents. De l’argent avait été alloué pour compenser la pénibilité au travail et il fut unanimement attribué aux membres de cette commission qui purent prendre une retraite bien méritée après s’être si durement penchés sur une telle question. Qui acheta une villa sur la côte, qui se fit construire une piscine et qui fit l’acquisition d’un camping-car.
On voit par là qu’il n’est pas simple de faire le bonheur des autres et que gratitude bien ordonnée commence par soi-même. »

dimanche 11 août 2013

Chronique du temps exigu (72)



Après avoir évoqué ou pratiqué maintes figures de style, le zeugme ou la verbigération, la litote, le psittacisme, l’hypotypose et l’hystérologie, je voudrais vous parler aujourd’hui d’un procédé littéraire que Bernard Dupriez dans son Gradus classe à l’article humour. Le Gradus (abrégé de Gradus ad Parnassum) recense les procédés littéraires sous forme d’une taxinomie classée dans l’ordre alphabétique.
Dans sa remarque 5 de l’article précité, il parle d’une forme particulière d’humour qu’il nomme « zwanze » (prononcer zouanze) dont il dit que c’est un humour typiquement bruxellois à base de pseudo-simulation et de truisme. Ce dernier est en quelque sorte une lapalissade et la pseudo-simulation une simulation qui ne se cache pas, ce qui la rend aussi réfutable qu’irréfutable tout en ayant tout de même été exprimée. On n’est pas loin du psittacisme…
Les grandes langues sont comme les grands fleuves, elles ont leur existence propre mais ne seraient rien sans les affluents qui les alimentent et en font ces cours majestueux que nous admirons. Que serait la Garonne si elle n’était abondée par la Dordogne, le Lot, le Gers, le Tarn…, que serait la langue française si on lui retirait ses racines latines et grecques ? Mais de même, les petits dialectes sont comme ces gentils fleuves côtiers abreuvés par de petits ruisseaux qui font les belles rivières. Le brusseleir, dialecte bruxellois, se nourrit des deux langues qui l’entourent mais il a sa vie propre, ses chantres et ses poètes.
Pour illustrer valablement mon propos et surtout pour rendre hommage à Roger Kervyn, fabuleux fabuliste brusseleir pratiquant le zwanze avec hardiesse et sans façons, je citerai in extenso une de ses « Fables de Pitje Schramouille » que j’ai eu le plaisir d’entendre de sa bouche même :

« In petit ketje des Marolles
Etait malade au lit de la pécole.
- Vous savez, ça est quand tu as la peau du cul qui se décolle.
Et y savait pa' aller à l'école
Et chez les boy-scouts non plus pas
Et il avait d' chaghrin avec ça !!!
Seulma, plus qu'y pleurait,
Plus que la peau d'son pett' se décollait !
Et sa mouma allait partout d'mandeïe consel
L'in disait : "Madam' te faut l' donneïe in lav'ment avec du miel."

Mo in ôter' ripondait :
"Dis lui plitôt qu'y doit se mett'
Avec son pett'
Dans ine assiett'
Avec du lait.
Alours te fermeïe les fernett' :
Comm' ça y va 'n fois bein transpireïe,
Et la peau de son pett' va se recolleïe."

"A moins seulma qu'ell' crolle
Et alours ça s'ra pas drolle !
Ca s'ra comm' avec le petit Alphonse
De la Cité Van Mons :
çuilà sa peau a tout à fait crollé
Et pui' elle a tombé
Et ell' a dû avoir sept ans pour répousser
Moi je dis qu'y faut contrair'
Le laisseïe da des coulants d'air."

In voisin
Croyait qu'ça venait de l'instintin :
Il apportait 'n klachke huil' de raisin.
C'était gentil mo c'était pas malin !

Et l'menonkel qu'était gharçon d'courses
Cheïe le droghiss' près de la Bourse
Disait : "Pour moi ça est de trop alleïe.
C'est plitôt de bismuth que tu duvrais donneïe."

Et la matante qui r'loq't les salles
Trois fois da l' s'main à l'hôpital
Criait : "On duvrait fair' in lavag' d'estouma
Avec in long tuyau en caïoutchou comm' ça ;
On aval' ça comm' si ça s'rait d' macaroni
ça yet pas très plaisant, mo on est vit' ghèri !"

On avait comm' ça d'ja parlé beaucoup des jours
Et le pett' du p'tit men se décollait toujours !
Alours on a 'n fois 'té chez Mossieù le docteur
- çuilà qu'avait da l' temps soigné sa petit' soeur,-
Et il lui a donné des spèc' de pilul' Pink
Et quans qu'il en avait pris cinq,
-ça est qua mêm' in bon mèdicament !-
Voilà qu' la peau d'son pett' collait meilleur qu'avant.

Que chaquin tient son èspécialité
Et les vach' seront bien ghardé. »

(Roger Kervyn de Marcke ten Driessche, La pécole)

Haut les cœurs, labbekaks, zivereirs et autres kiekefretters : entonnons après lui ce laaifstuk !




dimanche 4 août 2013

Chronique du temps exigu (71)




Une bien triste chronique en ce début du mois d’août. Je viens de tomber des nues ainsi que sur un billet d’humeur qui aurait été publié par Jean d’Ormesson en décembre 2012[1].
Il est étrange d’avoir pitié des gens que l’on admire. J’ai aimé Jean d’Ormesson pour son style, sa langue et son esprit. Sans avoir tout lu de ce qu’il a écrit et sans avoir tout entendu de ce qu’il a dit. Sans être toujours d’accord avec ses chroniques, il était de ces gens de l’autre camp que l’on respecte car ils nous obligent à donner le meilleur de nous-mêmes.
Hélas, nous le voyons maintenant réduit à faire le buzz pour des blogs de droite à court d’idées et de valeurs. Ces blogs se passent et se repassent la soupe ormessonnienne depuis plus de six mois. Tel un vieux cabotin réduit à faire des animations dans les supermarchés, il étale ainsi les troubles de son humeur.
Son beau regard bleu a gardé toute sa clarté mais son esprit pétillant est devenu spumeux. Le voilà réduit à citer… Margaret Thatcher. Le voilà qui fait de ces billets-chaussettes en forme de pps que l’on voit circuler dans les poubelles du net. Billets-chaussettes car on peut les retourner dès que le vent et l’électorat ont tourné : tel qui brocardait Sarkozy hier fustige Hollande aujourd’hui.
Bien sûr Monsieur d’Ormesson, vous avanciez dans la vie le front levé, comblé par la fortune et les biens et vous faites bien peu de cas de ceux qui ont courbé le dos sous le travail. Pour vous, ceux qui produisent, ce sont bien souvent des bétonneurs, des pollueurs ou des empoisonneurs. Ceux qui travaillent de leurs mains ne produiraient-ils donc rien, celles qui font les travaux les plus humbles seraient donc improductives ?

Quant à ceux qui ramassent au passage leur dîme sans se souiller les mains, seraient-ils les seuls à avoir votre considération ?

Bien sûr, Monsieur d’Ormesson, vous avancez dans votre existence avec une espérance de vie alors que nous ne comptons que sur une probabilité de survie. Nous ne sommes pas égaux dans la vie et le serons encore moins dans la mort. Mais s’il faut se perdre pour perdurer, à quoi bon ?
Et, arrivé au bout, que direz-vous si les Mauriac, Bernanos, Barrès et Châteaubriant vous demandent : « Qu’as-tu fait de ton talent, Jean ? ». Oserez-vous leur répondre, baissant pour une fois le front : « J’ai fait le buzz… ».
Mon dernier cauchemar aura donc été pour vous, Monsieur Jean  car je ne peux croire que vous acceptiez de tremper votre plume dans de tels effluents.

[1] Pour lire le billet en question, tapez « inaptocratie d’Ormesson » dans votre navigateur.

dimanche 21 juillet 2013

Chronique du temps exigu (69)




Revenu donc de l’autre bout du monde, je me préparai donc à aller au fond des choses.
Mais une chose est de toucher le fond et une autre de savoir ce que sont les choses. Les choses ont-elles une forme ? J’hésite à penser qu’elles puissent être rondes, où donc en serait le fond ? Je leur accorderais plutôt une forme cylindrique ou polyédrique, ce qui me permet d’envisager qu’elles aient un fond. A moins toutefois qu’à l’instar du tonneau des Danaïdes, elles n’en aient point. Auquel cas nous n’atteindrions jamais leur fond sauf à faire comme Achille lorsqu’il poursuit la tortue de Zénon… mais alors au bout du bout nous chercherions le fond du fond puis le fond du fond du fond sans jamais en voir la fin ! Au train où vont les choses, nous arriverions à la retraite et toucherions notre fonds de pension. Et les choses étant ce qu’elles sont, l’on constate que ces fonds fondent pour des raisons non fondées.
Les choses ont-elles une masse ? Le poids des mots, le choc des photos et la masse des choses. La chose et le mot…
Les choses sont-elles un bric-à-brac ou bien sont-elles une foule d’autres choses, ou tout simplement un petit quelque chose, un presque rien ou un je-ne-sais-quoi ? Comment alors en voir le fond et a fortiori aller au fond des choses ?
Lorsque la vérité sort du puits, vient-elle du fond après avoir bousculé le mensonge qui flottait à la surface ? Aller au fond des choses nous permettrait donc d’aller à la vérité contenue dans les choses et cela n’est pas chose aisée.
On voit par là qu’au fond, il ne faut pas grand-chose pour faire une chronique caniculaire.

dimanche 14 juillet 2013

Chronique du temps exigu (68)




Vous aurez certainement remarqué que nous sommes brutalement passés du numéro 63 au numéro 68. Non parce que j’aurais une affection particulière pour ce chiffre mais parce que, étant plus homme de lettres comme de chiffres – pardon : qu’homme de chiffres -, je me suis quelque peu mélangé les pinceaux précédemment. J’ai donc mis de l’ordre dans mes numéros. Puis, je suis parti au bout du monde.
Comment aller au bout du monde ? Rappelons ce que disait ma buraliste :
-         Vous habitez à Tarpignac ? Mais c’est au bout du monde !
-         Mais non, madame Sara, répondais-je, peut-être est-ce au milieu de nulle part mais où peut donc être nulle part si on est entouré de toutes parts ?
-         Certes, répondait-elle, cela fait un euro vingt. Mais convenez tout de même que c’est un trou !
-         Convenons si vous le voulez, mais qu’appelez-vous donc un trou ?
-         Par exemple, un trou, c’est au bout du monde. Vous avez déjà imaginé un trou plein ? Donc, au bout du monde, s’il n’y a plus rien, c’est un trou !
Ainsi parlait Sara Toussetra .Et constatons que son raisonnement  frappé au coin du bon sens ne l’empêche pas de rester lucide sur le prix du Canard du mercredi. Néanmoins –et toutefois de surcroït-, comment aller au bout du monde lorsque l’on jouit d’un budget modeste quoique suffisant ? La première question qu’il est nécessaire de se poser est la suivante : où suis-je ? Oui, je ne le répèterai jamais assez, où sommes-nous ? Sommes nous à l’autre bout du monde –auquel cas nous serions en quelque sorte au bout du monde- ou sommes-nous au centre du monde ? Ou sur quelque autre lieu du monde ? Et, question encore plus térébrante : peut-on réellement faire le tour du monde ? Car si l’on peut faire le tour du monde, comment savoir où trouver le bout du monde ? Même un serpent se mordant la queue y perdrait son latin : sic transit gloria mundi !
Laissons de côté les petits malins qui s’imaginent trouver un trou à Bâle et laissons Bécassine aller voir s’il n’y a plus rien à Plurien. Concentrons-nous sur le bout du monde : pour aller au bout de quelque chose, ne suffit-il pas de suivre la chose jusqu’au bout ? Il suffirait donc de marcher droit devant soi jusqu’au bout. Oui mais dans ce cas, ne risque-t-on pas de faire le tour du monde sans en voir le bout ?
Une seule solution donc : se retourner d’un coup sec pour surprendre tout le monde, d’un bout à l’autre. Car s’il y a un bout du monde, il y en a peut-être un deuxième, de l’autre côté du monde. Et c’est bien de là que je vous envoie cette chronique dont je commence à voir le bout.
On voit par là que la prochaine fois nous irons probablement au fond des choses.

dimanche 7 juillet 2013

Chronique du temps exigu (63)




Vae victis. Malheur aux vaincus avait déclaré Brennus en 390 ACN…
Mais aujourd’hui, il n’y a plus vainqueurs ni vaincus, il n’y a plus que des victimes. Il n’est plus nécessaire de se battre pour vaincre, il suffit de savoir se faire plaindre.
Ainsi tel ancien président qui claquerait la porte d’une institution seulement parce que celle-ci reconnaitrait qu’il a gaspillé l’argent de ses partisans et qu’il envisagerait de gaspiller celui de l’État. Cette issue défavorable ne pourrait certes pas étonner un homme qui ferait profession d’avocat et qui aurait voulu légiférer tant et plus sous son mandat. Mais ce dernier saurait fort bien aussi que l’on peut faire commerce de sa propre disgrâce. En effet, il ne manque pas dans notre pays de sots et de benêts capables de penser que la justice s’acharne sur un seul homme.
Néanmoins, il faut savoir que si un juge, un procureur ou un policier voulait s’acharner sur quelqu’un, il choisirait plutôt un pauvre hère qu’un puissant et riche ex-président et toujours avocat. Il ne faut pas rêver… Si vous avez eu l’occasion de voir, comme cela m’a été donné, quelque procès ordinaires, avec des juges pressés d’en finir, des substitutes qui se prennent pour des walkyries et des policiers aux témoignages douteux, vous savez que la justice qui est faite aux pauvres est parfois
  une pauvre justice. Elle ne fait pas la une des journaux, à peine quelques entrefilets en pages locales.
Donc, si vous avez le cœur plein d’astuce, vous pouvez tirer d’un maléfice effroyable des bénéfices secondaires confortables : en électeurs, en bienfaiteurs et en flagorneurs. Quoi de plus émouvant qu’un petit homme écrasé sous la botte des juges ? Quoi de plus émouvant qu’un petit homme qui a péché et qui ne se repent point ? Quoi de plus émouvant qu’un petit homme qui a gaspillé l’argent des autres et qui veut avoir le droit d’en gaspiller plus encore ? Quoi de plus émouvant que les clampins qui s’apitoient sur son sort ?
Mais de nos jours, la victoire est à ce prix : il faut devenir une victime, feindre de boire la coupe jusqu’à la lie, savoir se faire plaindre et émouvoir les âmes sensibles.
On voit par là qu’à feindre sans baril, on triomphe sans boire.

dimanche 23 juin 2013



Chronique du temps exigu (62)
Samedi soir et pas de chronique ! Est-ce possible ? Oui, je le reconnais, j’ai fait du mortier de chanvre et chaux toute la journée et je vous en aurais bien gardé un seau mais qu’en eûtes-vous fait, je vous le demande…
Aussi me suis-je tourné vers un de nos glorieux aînés, le génial quoique acerbe Léon Bloy, pour lui demander de me remplacer en cette semaine où vient l’été. Et, depuis l’outre-tombe, ce dernier m’a fait parvenir un item de son « Exégèse des lieux communs » que je vous livre tout de go.  Merci mon vieux Léon ! Bonne lecture :

 

« Le Mieux est l’ennemi du Bien.


Ici, je l’avoue, mon titre m’accable et je suis furieusement tenté de descendre de ma chaire. Exégèse signifie, hélas ! explication, et voici un monstre de Lieu Commun qui vient au-devant de moi sur la route de Thèbes. Jamais, sans doute, une énigme plus difficile ne fut proposée à un Œdipe.
Voyons cependant.
Si le Mieux est l’ennemi du Bien, il faut nécessairement que le Bien soit l’ennemi du Mieux, car les abstraits philosophiques ne connaissent pas plus le pardon que l’humilité. Un homme peut répondre à la haine par l’amour, une idée jamais, et plus cette idée est excellente, plus elle récalcitre.
On affirme donc, implicitement, que le Bien a horreur du Mieux et qu’une haine farouche les divise. C’est à qui mangera l’autre, éternellement. Mais alors, qui est le Bien et qui est le Mieux et quelle fut l’origine de leur conflit ? Que nous veut ce manichéisme grammatical ?
Est-il bien, par exemple, d’être un sot et mieux d’avoir du génie ? Quand on dit que Dieu a tout fait pour le Mieux, dois-je entendre qu’il n’a rien fait pour le Bien ? Dans quelle caverne métaphysique ce comparatif et ce positif se sont-ils déclaré la guerre ? C’est à en devenir fou.
Je prends ma tête à deux mains et je me donne à moi-même des noms très-doux : — Voyons ! encore une fois, mon cher ami, mon trésor, mon petit lapin bleu ! un peu de calme, nous retrouverons peut-être le fil. Nous avons dit ou entendu dire que le Mieux est l’ennemi du Bien, n’est-ce pas ? Or, qu’est-ce que l’ennemi du Bien, sinon le Mal ? Donc le Mieux et le Mal sont identiques. Voilà déjà un peu de lumière, semble-t-il…
Oui, mais si le Mieux est vraiment le Mal nous allons être forcés de reconnaître que le Bien, à son tour, est aussi le Mal, d’une façon très-incontestable, puisque tous les hommes avouent qu’il est lui-même mieux que le Mal qui est le Mieux et que, par conséquent, il est mieux que le Mieux qui serait alors le Pire !!!???
Zut ! Ariane me lâche et j’entends mugir le Minotaure. »