En vedette !

jeudi 27 février 2020

Appelez-moi Fortunio (55)


-          En bas du pigeonnier de droite, avec la cuve à mazout. Pourquoi ?
-          Juste une question car qui dit chauffage central dit chaudière, en général. Bon, je n’en sais toujours pas beaucoup plus. Et ici, au rez-de-chaussée, tout est là, il n’y  qu’à regarder, je suppose.
-          Ben oui, qu’est-ce que tu veux que je te dise de mieux ?
-          Et dans cette baraque, y’a pas de cachettes ?
-          Bof, oui et non, j’avais une petite cachette dans le bas de mon placard mais rien d’extraordinaire…
-          Si je comprends bien, tu n’as pas beaucoup vécu dans cette maison ?
-          Quand j’étais ici, j’avais ma mob, j’étais souvent chez les copains au village.
-          Vous vous voyez encore ?
-          Alors là ! Avec ce qui m’est arrivé, tu peux te dire que tout le monde m’a tourné le dos. Certains ont quitté le village aussi, donc voilà…
-          Dis donc, il est presque trois heures et on n’a pas encore mangé ! Tu nous sors une de tes pizzas joker ?
-          Roule ma poule, si tu veux du pinard, tu descends à la cave à moins qu’il ne traîne une bouteille par-là. Je m’occupe de la cuisson.
-          Bonne idée, je vais faire une rapide inspection de la cave.
Albert descend dans la cave. Il avait déjà eu une désagréable impression précédemment et cette fois, le malaise est encore accentué par ce qu’il sait. Il constate en effet que les caves sous les tourelles sont pourvues de solides portes en bois dans lesquelles on a pratiqué un judas. De vraies cellules avec des plafonds voutés en pierres et briques foraines. Dans celle de droite, il y a des graffiti sur le mur, il lui faudrait une bonne lampe pour les déchiffrer. Un léger ronflement lui fait comprendre qu’il se trouve sous la chaudière. En visitant celle de gauche, il a le nette impression que cette cellule est plus petite. Il revient dans le corps principal de la cave qui est divisé en plusieurs salles, suivant le plan du rez-de-chaussée. Malgré la faiblesse de l’éclairage, il arrive à se dénicher deux bonnes bouteilles de bourgogne… dommage d’accorder cela avec une quelconque pizza mais baste… Il examine aussi les conserves et repère  un bocal de pâté et, lui semble-t-il, un autre de foie gras. Il remonte, les bras agréablement chargés.
-          Mon cher Daniel, je me suis permis d’inventorier rapidement ta cave et tes réserves. Il me semble qu’il y a là-dedans tout ce qu’il faut pour se régaler !
-          Oh, tu fais comme tu veux. Je crois que les conserves ne sont pas trop anciennes, mon père avait des adresses à la campagne, c’est tout du fait maison, à mon avis.
-          Café, pousse-café, cigare ! Déclame Albert.
-          Tiens, voilà un tire-bouchon et arrête de faire ton Bébel !
-          Bon, alors, pâté jaune ou pâté de campagne ?
-          Pâté jaune ? C’est quoi ça ?
-          Du gras foie, mon pote. T’as un grille-pain ?
-          Ah oui, ça existe ici. Mais pour moi, le foie gras, non merci.
-          Mais c’est en taule que t’as appris à ne bouffer que des pizzas ?
-          Non, justement et je ne pensais qu’à cela au moment des repas : je me disais que le jour où je sortirais, je m’en offrirais une pile comac !
-          Bon, mais faudrait te remettre au régime normal, légumes et fruits sinon tu vas foutre de la graisse, du bide et tu seras plus bon à rien !
-          Pour ce que je vaux, tu sais, c’est pas trop bien parti, je sais rien faire de mes dix doigts.
(à suivre...)

dimanche 23 février 2020

Chronique de Serres et d’ailleurs V (24)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. La galette des rois est un mets qui fait toujours envie aux plus puissants. Comme aurait pu le dire Gaston Leroux, la monarchie n’a rien perdu de son charme ni la couronne de son éclat, tout au moins pour ceux qui en rêvent, nos politichinelles par exemple.

D’après le site d’information (si on peut dire !) Yahoo qui relaie le journal Gala, l’Elysée et sa première dame ont décidé de créer une nouvelle tradition : fêter l’Epiphanie à l’Elysée. Soit dit en passant, on voit proliférer les nouvelles traditions, ce qui n’est pas peu surprenant. J’avais toujours imaginé que les traditions remontaient, sinon à la plus haute antiquité, tout au moins à quelques dix années par exemple. Mais c’est là un modèle de ces oxymorons dont les journalistes modernes ont le secret et je ne doute pas qu’une telle expression devienne… traditionnelle.

On aurait tort de voir une allégorie dans cette petite fiesta élyséenne et de voir en le président et sa première dame un saint-joseph et une vierge, en les rois mages les syndicats grévistes, des bergers en gilets jaunes et en Hérode un ministre de la police massacrant les saint innocents. Que nenni ! Les rois mages sont déjà passés et avaient déjà versé leur écot pour la campagne électorale. Quant aux bergers, rien avoir avec un Laurent éponyme, ils sont en arrêt de travail pour invalidité ou autre, laissant les moutons électeurs voter à vau l’eau.

Mais revenons à notre fête religieuse étonnamment récupérée par notre république laïque car il faut bien dire que, si la galette fête le retour de la lumière, l’épiphanie est la manifestation de la divinité et l’Epiphanie chrétienne rappelle la présentation de Jésus aux rois mages. Disons que les rois mages d’Edf ont fêté la lumière par des coupures de courant, que le président s’y connait en grosse galette pour avoir fréquenté de près les rois de la finance et que la manifestation de la divinité attendra, jupin courant déjà en culottes courtes.

Il m’était difficile de joindre la photo du journal relatant cet évènement mais je peux vous la décrire car on peut y voir tout un symbole : la première dame est devant une galette dont le diamètre est de 120 centimètres, elle en a déjà découpé une belle part qu’elle tient d’une seule main. A sa gauche, la ministre du travail, prête à prendre sa part du gâteau, puis le président avec un sourire benêt de petit angelot mais qui se frotte les mains à l’idée de, lui aussi, se goinfrer. A sa droite, un gonzier en costar que je ne connais pas mais que j’ai tout de suite identifié, avec son sourire hilare, comme le sosie de Robert Dalban dans « Les Tontons Flingueurs ». Et la scène, avec tout ce monde qui se marre, me fait penser qu’il vient de dire en voyant la première dame brandir son quartier de galette : « Faut r’connaître que c’est une portion d’homme, ça ! »

On voit par-là que nos tontons flingueurs sont prêts à partager la galette mais faut pas exagérer.


jeudi 20 février 2020

Appelez-moi Fortunio (54)


-          Maintenant, il faudrait parler un peu de la maison. J’aimerais bien aller voir la gloriette mais ce n’est pas possible sans se faire voir. Alors, une cave, un rez-de-chaussée, un étage et un grenier. Avec, de chaque côté, une tourelle dont au moins une en guise de pigeonnier. Commençons par la cave, qu’est-ce que tu peux me raconter ?
-          Ça commence mal, si je peux dire ! Pour revenir, vite dit, à la gloriette, il n’y a rien d’intéressant, c’est là que les trous-du-cul avaient largué mon père pendant plusieurs mois. Je n’y suis même pas encore allé depuis ma première sortie. Quand j’étais plus jeune, c’était là que je planquais mes petits trafics mais, bon, ça a mal fini avec cette histoire de tableau. Je me suis fait cent sacs vite fait, vite bouffés et vite alpagué. Passons et changeons de sujet ! Donc, tu parles de la cave. Je n’y suis jamais descendu…
-          Tu as tort, il y a une belle réserve de pinard et un beau paquet de conserves…
-          Pfoui, tu sais, moi, les conserves, je préfère le surgelé, tu as vu ma réserve ! Mon père ne voulait pas que j’aille dans cette cave, il disait que c’était un mauvais endroit, c’est vrai que c’est là qu’on a trouvé les prisonniers, un mort-mort et un mort-vivant. Et c’est là que les miliciens torturaient leurs prisonniers…
-          Ils ne les livraient pas à la Gestapo ?
-          Tu parles, c’étaient des enlèvements crapuleux, soit ils rançonnaient, soit ils cherchaient à faire dire à leurs prisonniers où se trouvait leur argent ou leurs valeurs. Enfin, c’est ce qu’on m’a raconté. Mon père ne voulait pas en parler parce qu’il avait vu suffisamment de règlements de comptes par très jojos au moment de la libération. Quand il a acheté, d’une part il n’était pas au courant de ce qu’il s’était passé ici et d’autre part il n’a pas occupé le château pendant plusieurs années, tout occupé qu’il était par son entreprise du bâtiment et par son activité de transport qu’il avait créé. Mais au fil des années, il a fini par apprendre l’essentiel de l’histoire. Mais il a toujours pensé que moins on en parlerait, moins cela porterait tort à la valeur de la maison.
-          Mais alors, qui t’a parlé de tout cela ?
-          Un habitant du village qui avait été juge de paix après la guerre et qui connaissait bien des tenants et aboutissants de l’histoire locale. Il vit toujours, tu peux aller le voir si cela te passionne…
-          Pas question pour le moment, j’ai besoin d’avancer à l’aide de ce que tu me diras car nous sommes, en quelque sorte, partis pour un huis-clos. Puisque tu n’as rien à me dire sur cette cave, parle-moi du grenier maintenant.
-          Juste pour terminer, je sais que le gardien, après la libération, s’est chargé de nettoyer la cave et c’est lui qui a mis tout l’attirail de torture des miliciens dans la caisse…
-          Dont tu me feras le plaisir de te débarrasser au plus vite…
-          J’ai bien compris, j’ai bien compris ! Tu veux que je te parle du grenier ? Ben, c’est à peu de choses près comme pour la cave sauf que j’y suis allé deux ou trois fois, lorsque je fouinais pour savoir ce que je pourrais trouver à vendre pour me faire un peu de fric. Bon, c’est un bric à brac plein de poussière et de toiles d’araignées… j’aime pas les araignées !
-          Il y en a bien qui prétendaient que tu en avais une au plafond !
-          C’est vrai, mais je n’aimais pas les araignées déjà tout gosse, une prémonition sans doute…
-          Et l’étage alors ? Rien à signaler ?
-          Que veux-tu que je te dise, c’est des chambres à coucher, mon père a fait installer trois salles d’eau, WC, le chauffage central…
-          Ah ! Et où est la chaudière ?
(à suivre...)