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dimanche 27 octobre 2013

Chronique du temps exigu (83)

Le changement c’est maintenant et le changement d’heure c’est aujourd’hui !

Tout de même, on nous prend une heure le 31 mars à 2 heures et on nous la rend le 27 octobre à 3 heures ! Subrepticement donc, pendant notre sommeil du juste et sans aucun intérêt quelques 210 jours plus tard. Voilà une heure dont nous avons été privé(e)s pendant environ 7 mois et qui nous est restituée sans tenir compte de l’inflation et de l’augmentation du coût de la vie. Soyez certain(e)s que si je prenais ne fût-ce qu’une seule seconde de trop à mon banquier il ne me l’accorderait que moyennant intérêt et au taux de l’usure du temps…
Aussi, en guise de protestation, cette chronique vous a été livrée à trois heures du matin pour prouver que la maison ne recule devant aucun sacrifice. Et j’en profiterai pour parler du savant professeur Papillon qui nous propose une intéressante variation sur le thème du changement d’heure.
En effet, me dit ce dernier, qu’est-ce qui justifie ce changement d’heure, selon ses thuriféraires ? Tout simplement une économie d’énergie pendant l’été. Mais alors, ne pourrait-on amplifier cette économie en voyant les choses en grand ? Pourquoi décaler d’une heure seulement quand on peut, d’un simple coup de balancier faire bien plus ?
Bien sûr, poursuivit Papillon, j’entends déjà d’aucuns s’écrier : « Disons qu’il fait jour à minuit et nuit à midi, allons-y gaiement, inversons le sablier et décalons nous de douze heures ! » Alors là, je dis non, restons dans le discours de la science et soyons sourds aux objurgations de ces poètes pendulaires. Il ne suffit pas de dire pile quand c’est face et inversement, la science ne se contente pas de telles simplifications. La science veut des chiffres qui soient des chiffres. Avançons donc nos horloges de onze heures environ. Et ne nous contentons pas de sept mois mais changeons l’heure toute l’année sauf en périodes de vacances, inutile de faire des économies quand l’on n’a pas besoin d’en faire, que diantre !
Bien sûr, reprit Papillon, j’entends déjà d’autres s’exclamer : « Mais les vacances sont pour bonne partie prises en été et pour celles d’automne, de printemps et d’hiver, n’en parlons pas car avec l’étalement académique, on a parfois l’impression qu’il y a toujours quelqu’un en congé pendant ces trois saisons ! » Alors là, je dis oui, ils ont bien raison mais vous savez comment sont les électeurs, il faut toujours les préparer en douceur aux grandes réformes. Mettons celle-ci officiellement en place, le changement sera donc peu perceptible quoique décidé. Mais il provoquera un choc d’inutilité qui ne pourra qu’être favorable à la reprise de la croissance et notre président en reprendra un bout pour son petit déjeuner.

On voit par là que l’heure est grave mais que les temps sont brefs.

dimanche 20 octobre 2013

Chronique du temps exigu (82)

Celui qui parle ne sait pas, celui qui sait ne parle pas.

Ce proverbe est attribué à Lao-Tseu qui vécut près de 500 années avant le début de notre ère et il est étonnant de voir, tout au moins pour la première partie, comme nos contemporains sont proches de ceux de l’auteur du Tao-Tö-King. En effet, ils sont nombreux ceux qui, de nos jours, parlent sans savoir. Je ne pense bien sûr pas à nous qui savons savoir et savons parler (cela ne ferait-il pas beaucoup de savons ?) mais à tous ces autres qui, bégayant, bafouillant, blablatant, babelant et broubelant tiennent le haut du crachoir et parlent pour ne rien dire. Et en ces temps de pré-campagne pour les élections municipales, on en entend sortir de la sentine où ils grouillaient comme des cafards. Mais nous aurons certainement l’occasion d’en reparler.
Donc, reconnaissons qu’il y a des moments où il vaut mieux se mordre la langue et laisser pérorer les couillons car il ne servirait à rien de tenter de leur expliquer leurs erreurs. Notre époque est fertile, par exemple, en économistes du café du commerce, en psychologues de bazar, en architectes de comptoir et en beaux parleurs de tous genres aptes à faire passer des vessies pour des lanternes.
Si, par exemple, vous êtes maçon de métier, ne le dites surtout pas car vous aurez toujours en face de vous quelque gugusse qui a construit sa maison et qui aura la certitude de vous apprendre le b a ba autant que l’alpha et l’oméga de ce métier. Celui qui a construit une ou deux maisons - ou fait construire - n’a nul doute sur quoique ce soit. Celui qui, de par son métier, en a construit une ou plusieurs centaines sait qu’il y a toujours à apprendre, que son savoir est toujours à améliorer et qu’il faut toujours écouter plutôt qu’affirmer : il peut arriver que, telle une perle dans l’huître, un imbécile dise une chose intelligente. Parfois à son corps défendant mais l’humanité est ainsi faite.

On voit par là qu’il faut être patient pour enfiler des perles.

dimanche 13 octobre 2013

Chronique du temps exigu (81)

« Parlez-moi de la pluie et non pas du beau temps
Le beau temps me dégoute et m'fait grincer les dents
Le bel azur me met en rage »

Qu’est-ce que le beau temps ? Et qu’est-ce donc que le mauvais temps ? D’après ce qu’en disait le renard du désert, le mauvais temps, c’est du temps qui dure…
Mais quand les temps sont durs, qu’est-ce que du temps qui dure ? Le temps paraît bien long quand il fait mauvais et comme le temps passe quand il fait beau. Tant et si bien que le t’en fais pas et que le temps t’accule. Pourquoi entend-on si rarement dire : « il fait beau » lorsqu’enfin il pleut après des semaines de sécheresse et qu’enfin les prés reverdissent, les ruisseaux coulent et les champignons  poussent dans les bois. Pourquoi entend-on les bureaucrates bronzant en vacances dire : « quel beau temps » tandis que l’ouvrier peine depuis des jours avec sa pioche en plein soleil ? Pourquoi entend-on dire : « quel sale temps » alors que l’on pourrait chanter sous la pluie en poussant de pleines brouettes de terre gluante ?
Disons aussi que tout ce qui qualifie le temps est souvent sujet à caution : qu’est-ce donc que le gros temps alors qu’on n’entend jamais dire : « il fait mince temps » ? Et que sont donc de larges éclaircies quand il y en a rarement d’étroites ? Qu’est-ce donc qu’un temps de chien alors que nul nuage n’aboie ? Et un froid de canard  ne serait-il pas tout simplement une déformation de foie de canard (que l’on mange au nouvel-an…) ? Et un temps de cochon, serait-ce quand la pluie a tout des truies ?
Non, en vérité, le mauvais temps, c’est le temps des grincheux, des pisse-froid, des cacochymes et autres amputés du cœur. Le beau temps, c’est le temps qu’il fait lorsque l’on a bon caractère. C’est le temps qui vient, c’est le temps qui passe, le temps de la valse à mille temps. C’est le temps auquel on donne du temps sans pour autant tenter de le retenir. C’est le bon vieux temps qui rajeunit chaque fois qu’on sourit, le temps des cerises, le temps de l’imparfait, du conditionnel, le temps du futur et le temps de l’éternité (tiens, tiens…).
« Cau prénguer lo temps coma veng,
Las gents coma son,
L’argent au cors
E sera muros. »[1]
On voit par là qu’on n’a plus le temps d’en perdre : prenons du bon temps !




[1] « Il faut prendre le temps comme il vient,/ Les gens comme ils sont,/ L’argent au cours,/Et nous serons heureux. » Georges Boué, "Mon ami Pierre".

dimanche 6 octobre 2013

Chronique du temps exigu (80):




Se soigner va-t-il devenir un luxe pour les français ?
Voilà une question à laquelle, faute de pouvoir vous donner moi-même une réponse, je laisserai répondre le bon docteur V. Ce dernier, dont j’ai parlé dans ma 33ème chronique en date du 11 novembre 2012, soigne les êtres vivants par les plantes. Par les plantes des pieds, avais-je précisé alors.
Voilà donc ce que me déclarait en substance ce bon docteur : se soigner est en effet un luxe, un des seuls que peuvent se permettre les malades qu’ils soient imaginaires ou non. Et si pour eux se soigner est un luxe, guérir est parfois une nécessité. Parfois, dit-il, car une guérison rapide n’est pas toujours souhaitable en particulier pour un certain nombre de salariés dont la couverture sociale exige qu’ils soient malades un nombre de jours convenables pour justifier une prise en charge par la sécurité sociale. Après une telle phrase sans ponctuation, le docteur reprit son souffle et un spray de vanitoline puis poursuivit. En effet, la « sécu » n’est pas faite pour les chiens, cela se saurait dans le milieu vétérinaire, et les indemnités journalières se conjuguent toujours au pluriel. Il n’y a que les travailleurs indépendants qui aient vraiment le droit de guérir vite et dans les meilleurs délais.
Mais revenons à nos boutons de varicelle et rappelons donc que si se soigner est un luxe et guérir une nécessité, prendre soin de soi est la moindre des choses. Car, disons le en toute sincérité et c’est toujours le docteur V. qui parle, qui se soigne commence bien souvent par soigner le portefeuille des autres. Que deviendraient les soignants sans malades ? Seraient-ils obligés de se guérir eux-mêmes, d’inventer des maladies nouvelles et aux noms extraordinaires ? Ou, pire encore s’ils se trouvaient sans activité aucune, devraient-ils se convertir à la fonction publique ?
Donc, récapitula-t-il, se soigner est un luxe utile pour les autres. Guérir est une nécessité pour les malades. Prendre soin de soi est un plaisir et une volupté. Câlinons-nous, chérissons-nous,  soyons bons pour nous-mêmes, pour les autres et réciproquement. Et surtout évitons la maladie comme la peste !
On voit par là qu’en revenant à nos moutons, le suint n’est jamais bien loin.

mardi 1 octobre 2013

Chronique du temps exigu (79)




L’anglais est une langue en voie de disparition, contrairement à bien des idées reçues. Non que ses locuteurs disparaissent mais parce que ces derniers abandonnent progressivement ce parler en usage non seulement outre-manche mais encore dans bien d’autres régions du monde.
George-Bernard Shaw disait que, de toutes les langues, l’anglaise est la plus facile à mal parler et, comme à son époque le net n’existait pas encore, il ne pensait pas si bien dire. En effet, voyez ces extraordinaires sabirs que l’on découvre au fil des pages virtuelles de nos écrans, tous ces acronymes dont quelquefois nul ne sait plus à quoi ils renvoient, tous ces raccourcis et ces crases dont bien des gens savent qu’ils ignorent ce qu’ils veulent dire… vous me direz que bien des langues en sont là.
Mais ce qu’il arrive à la langue anglaise est terrible car elle est victime de son succès : après avoir traversé, par tous moyens appropriés, l’océan atlantique, elle s’est américanisée. Reconnaissons que cela lui a permis de s’enrichir de quelques écrivains de qualité mais aussi elle a été asservie aux nécessités de l’informatique. Ainsi qu’une tache d’huile, la langue des computers a envahi la quasi-totalité du monde et moult locuteurs précédemment non anglophones se sont mis à baragouiner cet idiome à leurs façons, créant de la sorte des pidgins surprenants. On n’est désormais pas loin de cet espéranto et volapük intégrés dont se gaussait le premier président de notre Cinquième République.
On ne peut toutefois pas affirmer, comme je le disais en commençant, que la langue anglaise soit en voie de disparition, le mot est un peu fort ; elle est plutôt en voie de dissolution et finira par se dissoudre en se répandant. Nous n’entendrons plus mugir dans nos campagnes ces voraces anglois, Lewis Carroll n’en eût pas été surpris et Shakespeare pourra enfin se retourner dans sa tombe… my kingdom for a worse !
On voit par là que la langue française n’a guère de souci à se faire.