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jeudi 30 novembre 2017

René-la-Science (78)



Le dimanche matin, je mis mon vélo dans le fourgon et je partis faire une balade le long du canal latéral. Il faisait beau et le matin la piste n’est pas encore trop encombrée, je me sentais détendu et loin des tracas de ma semaine passée. Tracas et plaisirs aurais-je pu dire. Après avoir roulé plus de deux heures, je m’arrêtai dès midi dans un petit restaurant installé près d’une écluse où je me pris un repas simple et rapide. Puis je récupérai le fourgon et repartis vers chez moi.
Ma maison est sur un assez grand terrain dans la vallée de la Garonne. Pour y arriver depuis la départementale, on prend une petite route sur deux kilomètres et ma maison est au bout d’un chemin qui fait dans les deux-cents mètres. Il y a peu d’arbres le long de la petite route et la vue est dégagée. Au moment d’enfiler mon chemin, je remarquai une voiture bleue garée un peu plus loin sur la route. Un mouvement instinctif me porta à continuer sur la route au lieu de prendre le chemin. Comme je me rapprochais de la voiture, probablement une japonaise, celle-ci démarra et partit assez vite. Je ne remarquai qu’une seule chose, cette voiture était immatriculée en Aveyron. Voilà qui n’était pas peu fait pour m’intriguer. Toutefois je n’avais aucune raison de poursuivre cette voiture et je fis demi-tour un peu plus loin pour revenir chez moi. Une fois arrivé à la maison, je pris une paire de jumelles et observai la petite route, caché derrière un bosquet.
Cinq minutes plus tard, je vis repasser la voiture bleue dans l’autre sens. Elle passa doucement au bout de mon chemin puis continua et prit la départementale en direction de Tonneins. Mystère, mystère, me dis-je. En regardant devant la maison, je remarquai qu’un véhicule avait tourné dans la cour, mystère toujours…
Le lundi matin, j’avais un chantier en cours et il fallait non seulement y revenir mais encore le terminer. Mes aventures sciéraquoises m’avaient retardé dans mon boulot et mes clients m’attendaient. Je travaillai donc au maximum et le mercredi soir en rentrant à la maison, j’eus un appel de Magali sur mon répondeur. Elle me demandait de la rappeler chez son frère, ce que je fis immédiatement. Je supposai qu’elle en savait plus sur l’état de Michel.
En effet, Michel allait être envoyé vers une maison de réadaptation des environs de Toulouse, son état lui permettant de quitter le centre hospitalier. Mais, car il y a un gros mais, il avait perdu l’usage de la parole et de la jambe gauche. La jambe droite le soutenait à peine. Le bras gauche n’allait pas mieux que la jambe gauche et le bras droit semblait opérationnel. Dommage pour un gaucher, me dis-je. En fait, les facultés intellectuelles n’étaient pas forcément atteintes, mais le résultat était qu’il se trouvait en chaise roulante et qu’il ne pouvait pas subvenir aux nécessités de la vie de tous les jours.
Michel allait donc passer deux mois en réadaptation puis être renvoyé chez lui. Magali avait déjà décidé : c’est elle qui s’occupera de lui, elle va se remonter un cabinet de kiné chez Michel, elle ne sait pas encore les détails, mais c’est sa décision.
Après avoir raccroché, je me dis que ce qu’il y a de positif c’est l’apparente détermination de Magali. Les retrouvailles avec son frère ont dû l’aider.
(à suivre...)

dimanche 26 novembre 2017

Chronique de Serres et d’ailleurs III (11)



Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Les amis de nos amis sont nos amis.
Alors là, je dis : oh oh oh ! Soyons prudents. Car en poussant le raisonnement un peu plus loin, peut-on en déduire que les amis de nos ennemis sont nos ennemis, que les ennemis de nos amis sont nos ennemis ou que les ennemis de nos ennemis sont nos amis ? Et inversement réciproquement. Sans oublier les amies de nos amis…
Pour bien en parler, il faudrait déjà avoir défini ce que c’est que l’amitié. Mais en cela, La Boétie avait déjà conclu : « c’est parce que c’était lui, c’est parce que c’était moi ». Et il est bien doux d’avoir de vrais amis, de ceux que le vent n’emporte pas mais que la mort cruelle nous enlève souvent en nous arrachant une part de nous-mêmes.
Mais s’il est bon d’avoir de vrais amis, il est plus utile encore d’avoir de vrais ennemis. Pas de ces ennemis médiocres et de peu de valeur. Du genre à vous vouloir du mal et à vous en faire sans le savoir, boutiquiers de l’inimitié à la petite semaine. Rien qu’à affronter leur bassesse, on y perd de la hauteur et l’on se livre à la vile et stérile polémique. Ils sont légion ces cafards de basse-fosse. Ils polluent nos villes, nos campagnes et quelques-unes de nos synapses. La faucheuse, bien souvent, comme pour leur accorder un sursis qui leur permettrait de se racheter, les laisse vivre plus vieux. Mais ayant vécu sans âme, ils meurent sans esprit. Leurs cendres même ne sont que poussière et salissent la terre de leur crasse.
Mais un ennemi intime et fidèle, un de ces ennemis que l’on peut se vanter d’affronter, qui nous fait sortir le meilleur de nous-mêmes, voilà qui est précieux ! « Protégez-moi de mes amis, Seigneur, de mes ennemis je m’en charge » aurait dit le Vert Galant. Qu’il est admirable de se trouver un ennemi à sa hauteur, un adversaire que l’on respecte car il nous oblige à donner le meilleur de notre intelligence. Nous le sentons toujours en embuscade, prompt ou patient à nous répondre et sans le voir nous dialoguons sans cesse avec lui comme s’il regardait par-dessus notre épaule lorsque nous écrivons. Il ne nous frappera point si nous sommes à terre car il n’accepte que le juste combat.
On voit par-là que si l’honnêteté de nos amis nous réconforte, la loyauté de nos ennemis nous élève.

jeudi 23 novembre 2017

René-la-Science (77)



Le lendemain matin, nous étions samedi et nous nous levâmes tranquillement après une nuit tendre et agréable. Après le petit déjeuner, Magali prit son courage à deux mains pour appeler chez son frère, elle appréhendait un peu sa réaction et aurait préféré en fait avoir sa belle-sœur au bout du fil. Pas de chance, celle-ci est sortie. Mais la conversation me sembla s’engager dans de bonnes conditions, toutefois je sortis dans le jardin par discrétion.
Au bout d’une dizaine de minutes, Magali vint me retrouver, très émue. Après avoir appris ce qui arrivait à Michel, Simon avait spontanément proposé à Magali de l’héberger. Il avait ajouté que ce serait une occasion pour lui faire connaître sa nouvelle maison achetée grâce au fait qu’elle ait accepté de vendre la maison de Veyriat. Et en plus, il proposait de venir avec Marie-Christine la chercher aujourd’hui ou demain. Voilà l’horizon qui s’éclaircissait momentanément pour moi. Si Magali partait aujourd’hui, je pourrais repartir vers chez moi régler des affaires urgentes. Je lui suggérai donc, soit de la conduire chez son frère ce jour même, soit d’attendre avec elle l’arrivée de Simon et Marie-Christine. Magali eut bien un peu l’impression que je voulais me débarrasser d’elle, mais elle n’eut pas le mauvais goût de me contredire. Elle rappela donc son frère qui allait venir la chercher en début d’après-midi, à charge pour nous de préparer un bon café.
La rencontre entre nous fut des plus sympathiques, d’autant plus que Simon était heureux de pouvoir faire quelque chose pour se dédouaner des déboires d’une succession qui semblait avoir laissé des séquelles. Magali me laissa un jeu de clés de la maison et je gardai la clé du bois de Montieu. Je m’engageai à demander à mon ami René, à qui je laisserais ces clés, de pourvoir aux besoins des animaux.
Après leur départ, j’allai directement au Blédard où je retrouvai René et Colette, qui commençaient à s’inquiéter de mon absence de nouvelles. Nous nous mîmes d’accord pour les animaux et je leur dis au revoir. René m’accompagna jusqu’au fourgon et en profita pour parler rapidement.
— Il faudra quand même décider quelque chose pour ce magot, mon vieux Fortunio, dit-il.
— Bien sûr, je ne serai pas absent longtemps, une semaine ou dix jours maxi, mais je dois aller régler certaines affaires sans délai.
— Ok, tu peux compter sur moi pour les bestioles et pour avoir le yoguet.
— Le quoi ? Dis-je.
— L’œil au guet, je surveille le magot et ton Roger-La-Honte, me dit-il.
— Tu le connais ? demandé-je.
— Un peu et je l’ai vu l’autre jour au restau, me répondit René. Je surveillerais bien la Sylvie aussi, mais je ne voudrais pas marcher sur tes plates-bandes.
— Plates, plates, parle pour toi, conclus-je.
Et nous nous quittâmes comme toujours sur un éclat de rire. Je revins chez moi après une semaine d’absence. Je ressentis un grand vide en arrivant chez moi après cette semaine animée. Je dus me secouer pour trier mon courrier, faire de la lessive, nettoyer, ranger, que sais-je…
La fin de journée passa rapidement et je me couchai de bonne heure.
(à suivre...)